Soft fashion : quand la Chine et la Lozère convergent vers une mode durable

Christine Oberdorff
Publié le 8 octobre 2020 à 16h27

Source : Sujet JT LCI

ÉTHIQUE SUR L'ÉTIQUETTE - La marque chinoise Icicle, spécialiste du vêtement durable haut de gamme, a invité dans ses locaux parisiens Julien Tuffery, cet entrepreneur de Lozère à la tête de la plus ancienne fabrique de jeans française. Une rencontre autour d’une communauté de valeurs, loin des préjugés sur le "Made in".

La pandémie de COVID 19 a au moins cette vertu : elle abat les frontières, bouscule les préjugés et pousse à l’engagement, y compris dans le monde de la mode réputé pour ses paillettes et sa légèreté. Le besoin en urgence de masques, au printemps dernier, a non seulement rendu un peu de leur fierté à quelques-uns des bastions du textile français, malmenés par la vague de délocalisations des années 80, mais ce virus venu de Chine a aussi permis à des créateurs et artisans d’Orient et d’Occident, qui ne se seraient jamais rencontrés, de se retrouver autour d’une communauté de valeurs.

 

C’est ainsi qu’à l’occasion de la Fashion Week a eu lieu début octobre, à deux pas des Champs-Elysées, dans le triangle d’or parisien, un événement peu commun : Icicle  le pionnier de la "soft fashion" chinoise, avait invité dans son vaisseau amiral flambant neuf de l’avenue Georges V Julien Tuffery, cet entrepreneur trentenaire désormais à la tête de la plus ancienne fabrique de jeans française, à venir parler de ses initiatives en faveur de la préservation de l’Homme et de la Nature. En quête de notoriété et de nouveaux fournisseurs en Europe, l’entreprise chinoise s’intéresse à la success story lozérienne. "Si mon arrière arrière grand-père, créateur de ces jeans pour les ouvriers du chemin de fer qui reliait Alès à Florac en Lozère, avait pu imaginer qu’un de ces descendants serait un jour dans le triangle d’or parisien, présenté comme l’une des vedettes de la mode du futur, il se serait bien marré",  lance, avec son franc-parler teinté d’accent du sud-ouest, le jeune ingénieur converti en chantre du textile Made in France. 

Deux stratégies, un même objectif

Entre le milieu des Causses où les Ateliers Tuffery puisent leur identité et les matières comme le chanvre et la laine appelées à diminuer l’usage du coton trop gourmand en eau, et l’Empire du Milieu, injustement réputé insensible à la préservation de l’Homme et de la Nature, les préjugés s’effacent peu à peu. 

Des créateurs – jusque là – restés dans l’ombre, comme à Shanghai le couple fondateur de la marque Icicle, Tao Xiaoma et Ye Shounzeng, y contribuent. Ils acceptent aujourd’hui d’ouvrir leurs usines à la presse internationale, misent sur la transparence et l’éthique sur l’étiquette des vêtements, "parce que les consommateurs et la jeunesse en particulier le réclament et que nous sommes fiers de ce versant méconnu du 'Made in China'". 

Créée il y a 24 ans , leur entreprise a d’emblée misé sur des matières naturelles semblables à celles que l’on portait jadis dans les campagnes chinoises… avant le bleu Mao. YE Shounzeng se souvient des moqueries que suscitaient ses croquis d'étudiant mettant en scène de grandes jupes en laine et des chemises en lin. Elles font aujourd’hui la fortune des quelque 200 boutiques de la marque en Chine et à Paris. 

Entre l’entrepreneur de Shanghai et celui de Florac en Lozère, la stratégie pour porter ces valeurs de la mode durable n’est pas la même : l’un s’appuie sur un pont dressé entre le luxe à la française et le savoir-faire de Paris, capitale de la mode, pour porter haut les valeurs d’un textile chinois multimillénaire, l’autre parie sur un plafond de croissance, modèle vertueux duplicable, pour préserver les hommes et la nature : produire moins, mais mieux, ou essaimer les valeurs de la soft fashion à travers le monde. En attendant, les journées dans les ateliers Tuffery en Lozère démarrent comme dans les usines Icicle de Shanghai : avec des séances de gym. Et les dirigeants des deux entreprises se battent tout autant pour trouver ou conserver une main d’œuvre et un savoir-faire artisanal en voie de disparition. 

"Mode, une soutenable légèreté de l'être", une enquête à découvrir sur Ushuïa TV vendredi 9 octobre à 8h10, mercredi 14  à 8h35 et le mardi 20 octobre à 23h35. 


Christine Oberdorff

Tout
TF1 Info