Top 50 des personnalités préférées des Français : pourquoi si peu de femmes ?

Anaïs Condomines
Publié le 30 décembre 2018 à 18h32, mis à jour le 30 décembre 2018 à 21h42

Source : Sujet TF1 Info

CLASSEMENT - Le Top 50 Ifop/JDD des personnalités préférées des Français 2018 fait réagir ce dimanche. En cause, l'absence de femmes jusqu'à la 16e place du classement. De quoi cette absence est-elle le nom et comment l'expliquer ?

On finirait presque par s'y habituer. En cette fin d'année, le Top 50 des personnalités préférées des Français, concocté par l'Ifop et le JDD, est tombé. Parmi les chouchous du public, l’indétrônable Jean-Jacques Goldman, qui truste encore la première place du classement. Viennent ensuite les comédiens Omar Sy, Danny Boon,le footballeur Kylian Mbappé ou encore le spationaute Thomas Pesquet. Bref, rien que de la testostérone jusqu'à la seizième place, occupée par l'actrice Sophie Marceau, première femme du classement, donc.

Purement et simplement absentes du top 10, les femmes occupent au total quatorze places sur les 50 personnalités préférées des Français. On retrouve par exemple Florence Foresti à la 23e place, Mimi Mathy à la 26e, Elise Lucet à la 31e ou Line Renaud à la 47e, la plupart d'entre elles étant en net recul par rapport à l'année précédente. Une dégringolade qui ne vient pas de nulle part, puisque l'année dernière déjà, la situation n'était pas reluisante. Dans le Top 10 en 2017, elles n'étaient que deux (Sophie Marceau et Florence Foresti) à émerger.

Une question de méthode ?

Alors comment expliquer cette criante absence ? D'abord, est-ce une question de méthodologie ? Pour Frédéric Dabi, directeur général adjoint, le problème n'est pas là. "La méthodologie est inchangée depuis trente ans. Des personnalités sont proposées aux votants : c'était en face-à-face jusqu'en 2015, maintenant ça se fait en ligne" explique-t-il à LCI. "Mais depuis deux ou trois années, on a décidé avec le JDD d'ouvrir encore plus le classement, en proposant davantage de personnalités jeunes et de femmes. Au total, 68 personnalités ont été proposées au vote" ajoute-t-il.

Par ailleurs, nous indique Frédéric Dabi, les cinq derniers du classement sont sortis et renouvelés chaque année, histoire de diversifier l'échantillon. Mais au-delà des tentatives de diversification de ce rendez-vous incontournable, il y a tout-de-même un hic : parmi les propositions, la parité n'est pas au rendez-vous. "On n'a jamais été dans une logique de parité, déjà parce que celle-ci n'est entrée dans les préoccupations politiques qu'en 2001. Or, le classement remonte à plus longtemps", nous répond Frédéric Dabi.  

Un manque de valorisation et de représentation des femmes dans tous les domaines
Margaux Collet

Mais justement, l'absence de parité au sein même des noms proposés n'est-elle pas le signe d'un système inégalitaire plus profond ? Margaux Collet, co-autrice du livre Beyoncé est-elle féministe ? et formatrice sur les questions d'égalité femmes/hommes, en est persuadée. "Ce classement retient, d'une année sur l'autre, les 45 premières personnalités classées, nous dit-elle, ce qui encourage les internautes à voter pour des personnes qui sont là depuis très longtemps, même si on n'entend plus parler d'elles. En fait, tout cela est cohérent avec le manque global de valorisation et de représentation des femmes dans tous les domaines, surtout ceux de la musique, du cinéma et du sport."

Et la spécialiste d'apporter des chiffres pour étayer ses propos. Malgré sa discrétion, "Jean-Jacques Goldman bénéficie d'une exposition médiatique énorme. Or, dans le milieu de la musique, les femmes ont moins de visibilité que les hommes. J'en veux pour preuve ce classement réalisé par le Haut conseil à l'égalité (HCE) entre les femmes et les hommes qui montrait que, sur les neufs plus gros festivals en 2015, seuls 19% des artistes solos programmés étaient des femmes." De la même manière, on peut relever que, dans le monde de la culture en général, 85% des expositions-hommage dans les grands lieux sont dédiées... à un homme.

Un manque de représentation qui impacte les générations futures

Autre exemple parlant, celui du cinéma. Omar Sy, deuxième du classement, est un acteur connu et reconnu. Mais dans ce domaine encore, les chiffres parlent d'eux-mêmes. "Les femmes sont très présentes dans les écoles de cinéma", poursuit Margaux Collet, "pourtant elles sont moins bien financées, moins produites et surtout, moins récompensées, ce qui représente une consécration aux yeux du grand public. En 2018, trois réalisatrices sur 22 nommés figuraient dans la sélection officielle du festival de Cannes." Par ailleurs, ajoute la formatrice, on voit que les actrices présentes dans ce classement - Sophie Marceau ou Mimi Mathy - ont de longues années de carrière derrière elles. Alors que des sportifs comme Griezmann et Mbappé peuvent rentrer dans le Top 50 beaucoup plus rapidement." 

Les sportifs justement, parlons-en. "Comment veut-on que les Français connaissent les sportives si elles ne bénéficient que de 20% du temps médiatique à l'antenne ?" se questionne Margaux Collet, rapportant une étude du CSA en date de 2016. 

Pour Margaux Collet, le tout pourrait paraître anecdotique - faire son entrée au top 50 n'est a priori pas une fin en soi - si les cette absence de visibilité ne prêtait pas à conséquence  : "Ce classement reflète une diversité assez pauvre dans le monde de la culture en France, analyse l'experte. Et ce manque de représentation impacte les générations futures. Cela entretient le manque de modèles pour les petites filles qui ne s'imagineront pas spationautes comme Thomas Pesquet, footballeuses ou humoristes."


Anaïs Condomines

Tout
TF1 Info