Hôtesses d’accueil, elles nous racontent leur quotidien, entre sexisme et harcèlement

Publié le 18 août 2019 à 17h18, mis à jour le 18 août 2019 à 18h01
Hôtesses d’accueil, elles nous racontent leur quotidien, entre sexisme et harcèlement

SEXISME - Une pétition a été lancée mardi 13 août pour dénoncer le sexisme que subissent au quotidien les hôtesses d’accueil. Une démarche qui permet de lever le voile sur un phénomène observé depuis longtemps par ces femmes qui travaillent dans l’événementiel.

"On dégage l’image de femme-objet, dont on pourrait disposer comme on le souhaite." Le 27 juillet, Alice (le prénom a été modifié) a créé un compte Twitter, "Pas ta potiche", destiné à récolter les témoignages de femmes ayant subi des remarques et comportements déplacés de visiteurs lors de missions événementielles. Le 13 août, la jeune femme est passée à l’étape supérieure et a rédigé une pétition, intitulée "Dépotichons le métier d’hôtesse en événementiel" et destinée à la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Une initiative qui suit celle lancée pendant le Tour de France par la militante féministe Fatima Benomar, au sujet des hôtesses postées sur le podium suivant l'étape. La pétition d'Alice, qui a réuni près de 22.000 signatures en cinq jours, permet ainsi de mettre en lumière le sexisme qui pèse sur les conditions de travail des hôtesses d'accueil.

Blagues sexistes et agressions sexuelles

"Quand j’ai commencé, raconte-t-elle à LCI, je pensais que c’était comme ça, que je devais l’accepter. Et plus ça allait, plus je me rendais compte que ce n’était pas normal." Voilà six ans qu’Alice est hôtesse d’accueil de temps en temps, histoire de gagner un peu d’argent en parallèle de ses études. Voilà six ans que des mauvaises expériences viennent entacher ses missions et celles de ses collègues, allant de la blague sexiste habituelle à l’agression sexuelle. 

"Tu me fais bander", "C’est très excitant quand vous me parlez comme ça"… De telles remarques restant généralement sans réponse ou des mains aux fesses difficilement évitables : voici le quotidien de beaucoup d’hôtesses d’accueil, longtemps passé sous silence. Si la plupart des femmes interrogées disent apprécier leur métier et les avantages qui en découlent (liberté, horaires souples, environnement prestigieux…), elles s’accordent à dire que ces situations décrites plus haut sont récurrentes lors de missions dans l’événementiel. 

Rouge à lèvres et talons hauts

Un environnement toxique qui, au-delà des comportements problématiques, doit aussi à leur uniforme, souvent fourni par les agences, estiment-elles. Il est pour beaucoup le même : tailleur-jupe-talons. Sans oublier la touche de maquillage et les cheveux tirés en chignon. Car sous prétexte d’être présentables, les hôtesses sont vouées à jouer les mannequins, sourire et rouge sur les lèvres obligatoires. "On reçoit un rappel par mail si l’on oublie d’en mettre", raconte Mélanie, hôtesse depuis trois ans en parallèle de son statut d’auto-entrepreneuse. "Fournir un accueil de qualité ne dépend pas de la hauteur de vos talons ou de la couleur de votre rouge à lèvres", relève pourtant Alice. 

Elisa, elle, est hôtesse d’accueil à Bruxelles. Son agence l'oblige à porter une jupe pendant ses missions. Cette différence d’uniformes entre hôtes et hôtesses relève du sexisme, observe la jeune femme. "On est en 2019, on devrait avoir le droit de porter un pantalon." Une tenue, parfois légère quelle que soit la météo, qui pousse certains visiteurs à se croire tout permis, ou presque. "Ma puce", "belle plante", "guapa" ("ma belle", en espagnol, ndlr)… Elisa ne compte plus les surnoms qu’on lui affuble régulièrement. Quand bien même son uniforme serait basique, jupe noire et tee-shirt blanc.

Un style vestimentaire qui serait indissociable des missions confiées aux hôtesses, défendent les professionnels du milieu. "Inutile d’être hypocrite, c’est quand même un métier d’image. On ne cherche pas des top models, mais il faut que les hôtes et les hôtesses aient du charme, de la présence, qu’ils soient esthétiquement agréables à regarder", déclarait ainsi la directrice de l’agence Trinity à nos confrères du Monde, à l’occasion du dernier salon de l’automobile à Paris.

Sexisme et mépris social

Ce sexisme ambiant va souvent de pair avec un certain mépris social. "Vous n’allez pas commencer à me faire chier, vous ne savez pas qui je suis", a ainsi lancé un visiteur un beau jour à Mélanie lors d’un congrès des maires. Et ce type de comportements vient en majorité de cadres supérieurs, décrit Alice. "On pense tout de suite aux supporters ivres dans les stades mais en réalité, ce sont souvent des avocats, des médecins, des élus. Et ils se comportent en toute impunité."

Le statut précaire des hôtesses, qui enchaînent les CDD d’usage à chaque mission, les oblige en pratique à ne pas rétorquer ni à dire un mot plus haut que l’autre, sous peine de ne pas être rappelée par l’agence qui les emploie. "À la minute où l’on se plaint, on risque de ne pas revenir", confie Alice. "Quand une entreprise n’est pas satisfaite, elle va recourir à une autre agence." En cas de problème entre une hôtesse et un client, l’agence privilégierait donc ce dernier. Mélanie, d'ailleurs, avait reçu les excuses de l'association des maires de France, après avoir signalé les propos déplacés cités plus haut. Son agence, elle, ne l'a jamais rappelée.

Dénoncer et fédérer

Les situations humiliantes vécues par les hôtesses d’accueil peuvent aussi survenir dès la phase d’embauche. Pas assez fine, pas assez grande, pas assez blanche… Comme le décrit Alice, "les discriminations à l’embauche basées sur le physique sont monnaie courante dans le métier". Lara (le prénom a été modifié), hôtesse depuis cinq ans, raconte la scène à laquelle elle a assisté un jour : "Au moment de recruter une hôtesse, mon responsable a osé demander, je cite, 'qu’on ne prenne pas un gros tas'. Il préférait une jeune femme blonde et svelte aux yeux bleus."

Le but de la pétition lancée ce mois-ci est donc de dénoncer ces pratiques, longtemps tues, mais aussi et surtout de fédérer autour de ce sujet. Or, l'enchaînement de contrats sur des événements différents rend la possibilité d’une organisation collective difficile, d’après Alice. "Dans ce milieu, le taux de syndicalisation est extrêmement faible. C’est donc très compliqué de passer par une mobilisation classique." Si Alice a lancé cette pétition à titre individuel, des mesures doivent être prises dans un plan de lutte générale contre le sexisme, affirme-t-elle. Même les plus symboliques, comme l’interdiction du port obligatoire des chaussures à talons. La jeune femme demande surtout et avant tout que la loi en matière d’égalité professionnelle soit respectée. Une revendication restée pour le moment sans réponse, du côté du gouvernement.


Caroline QUEVRAIN

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