"Une fois qu'on a commencé, c'est dur de s'en passer" : quand le dopage gangrène le sport amateur

ENQUÊTE – Installé depuis des décennies dans le monde du sport professionnel, le dopage s’invite aussi depuis plusieurs années dans le sport amateur, ses pratiquants voulant se perfectionner plus rapidement. Qui sont ces amateurs et que risquent-ils ?
Alors que les Français se mettent de plus en plus au sport et adoptent notamment de nouvelles disciplines nécessitant des efforts intenses tels que le crossfit ou la musculation, certains ont recours aux produits dopants afin d’améliorer leurs performances et repousser sans cesse leurs limites.
Un sujet qui reste un tabou dans le milieu, ses adeptes craignant des poursuites judiciaires. Pourtant, ils seraient entre 900 000 et 2,7 millions à utiliser des produits dopants.
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Mathieu, âgé d’une vingtaine d’années, est l’un d’entre eux. Pratiquant la musculation depuis plusieurs années, il avait l’impression de ne plus progresser et a voulu aller plus loin en commençant sa première cure de testostérone de synthèse : "Je fais une injection tous les deux jours. Une fois qu’on s’est dit qu’on veut y aller, c’est dur de s’en passer", explique-t-il à TF1, tout en gardant l'anonymat.
Quitte à passer dans l’illégalité ? "Le côté légal, franchement, ce n’est pas ce qui nous importe le plus. Ce qui nous importe le plus, ce sont nos résultats. A partir du moment où j’ai su que mon objectif était en dehors du cadre 'naturel', j’ai voulu passer le pas. Je pense que c’est séduisant de pouvoir atteindre ses objectifs aussi rapidement. C’est un peu comme la triche à l’école" ajoute Mathieu.
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Cette "triche" ne concerne pas seulement les adeptes de la musculation ou du fitness, tous les sports sont concernés. "Dans ce que j’ai constaté, figurent aussi le triathlon, le rugby, le cyclisme, le tennis ou la boxe également. Je 'rate' beaucoup de clients volontairement parce que ces personnes-là me demandent très rapidement de passer aux produits dopants" nous confie un préparateur.
Selon lui, le phénomène prend de l’ampleur et séduit de plus en plus d’adolescents, à tel point qu’il doit aujourd’hui faire de la prévention auprès des plus jeunes . "On est aussi dans une société où on veut aller toujours plus vite, toujours plus loin. Et maintenant, avec les réseaux sociaux, Internet, on se fait livrer à la maison donc il n’y a plus cette peur d’aller vers des revendeurs. C’est vraiment très accessible", déplore-t-il. Phénomène désormais mondial, le dopage représenterait près de 30 milliards d’euros.
Des effets dévastateurs sur la santé
Mais si cette pratique peut être très attractive, elle peut également être très dangereuse pour la santé. Entre les stéroïdes, les corticoïdes ou l'EPO, parfois couplés alors qu'il ne le faudrait pas, les effets sont en effet dévastateurs et peuvent aller jusqu’à entraîner la mort. Chaque année, 800 amateurs décèdent ainsi subitement, en plein footing par exemple.
"Le risque, c’est de s’exposer à des maladies comme l’accident vasculaire-cérébral (AVC), l’infarctus du myocarde, des embolies pulmonaires, de l’hypertension artérielle, et de s’exposer aussi à des maladies neurologiques et psychiatriques. (…) On peut connaître individuellement les effets de chaque produit, mais pas forcément quand ils sont tous réunis ou dans une certaine séquence d’administration" nous explique un médecin.
Une pratique très peu sanctionnée
Passible de cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende, le recours au dopage chez les amateurs n’est cependant sanctionné que très rarement. "Etant donné que le trafic de stupéfiants est beaucoup plus connu, celui de produits dopants est très méconnu. Les magistrats le méconnaissent également. De fait, les peines sont légères par rapport à l’infraction. La plupart du temps, il n’y a pas de détention" déplore une gendarme de la section de recherches.
Très peu sanctionnés d’un point de vue judiciaire, les sportifs amateurs adeptes du dopage ne sont pas plus contrôlés pour autant. "Au grand maximum, une quinzaine de disciplines sont contrôlées, avec une majorité concentrée sur 4-5. Aujourd’hui, nous nous sommes pas présents sur plus d’une centaine de disciplines" constate un contrôleur qui a officié plusieurs années dans la sud de la France. Seulement 2.400 contrôles sont ainsi effectués chaque année dans le monde amateur, pour 34 millions de sportifs.
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