Qu'est-ce que le CCIF, menacé de dissolution par le gouvernement, et que lui reproche-t-on ?

par Hamza HIZZIR
Publié le 23 octobre 2020 à 17h50, mis à jour le 26 octobre 2020 à 17h09

Source : JT 13h Semaine

FOCUS - Menacé de fermeture administrative, le CCIF affirme être victime d'une décision politique arbitraire. Que sait-on de cette association accusée de collusion avec l'islam radical ?

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, y voit un "ennemi de la République" dont il souhaite la "dissolution". Selon lui, le collectif de lutte contre l'islamophobie en France (CCIF) est "manifestement impliqué" dans la "fatwa" lancée par un parent d’élève contre le professeur assassiné vendredi 16 octobre, Samuel Paty. Plus précisément, le parent d'élève en question avait "fait référence" à cette association dans une de ses vidéos, invitant en effet ceux qui seraient indignés par le cours à dénoncer le professeur et à saisir le CCIF. Passage en revue des questions qui se posent à son épineux sujet.

Qu'est-ce que le CCIF ?

Il s'agit d'une association française créée en 2003 et basée à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, dont l'appellation juridique exacte est Association de défense des droits de l'Homme - Collectif contre l'islamophobie en France (ADDH-CCIF). Sa vocation est de lutter contre l'islamophobie, définie par l'association comme "l'ensemble des actes de rejet, de discrimination ou de violence perpétrés contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à la religion musulmane". Pour ce faire, le CCIF recense les actes islamophobes en publiant un rapport annuel. L'organisation organise aussi des événements sur le thème de l'islamophobie et propose de l'assistance juridique, ainsi que du soutien psychologique, aux victimes.

De qui parle-t-on ?

"Cette association est une officine qui, par ailleurs, est un regroupement d'avocats", décrypte pour TF1 l'essayiste et politologue Fiammetta Venner. Son équipe est officiellement constituée de quatre juristes, une assistante juridique, une chargée de communication, deux chargés de projet et quatre psychologues, ainsi que de bénévoles. Le CCIF revendique quelque 12.000 adhérents, de confession musulmane dans leur immense majorité. Son ancien porte-parole, Marwan Muhammad, qui a aussi été directeur exécutif de l'association de 2016 à 2017, est un ancien trader de la Société générale... et un ex-enseignant. C'est de lui que sont venues les premières accusations contre l'organisation.

Que lui reproche-t-on ?

Le chercheur français Hugo Micheron dénonce depuis plusieurs années une collusion de l'homme et du CCIF avec des milieux radicaux islamistes, affirmant qu'ils portent un islam politique proche de celui des Frères musulmans, ce qui n'a jamais été concrètement prouvé, au-delà de soupçons exprimés parfois depuis les plus hautes sphères de l'Etat. Une part de la méfiance envers le Collectif provient en tout cas de l'ambiguïté qui entoure le concept même d'islamophobie, qui invaliderait de facto toute critique de l'intégrisme musulman et instaurerait, au moins indirectement, une sorte de délit de blasphème.

"Le CCIF livre une bataille féroce contre les personnes qui sont contre leurs idées, et pas uniquement contre le racisme", explique pour sa part Fiammetta Venner. Un constat que nuance cependant, auprès de l'AFP, Franck Frégosi, professeur à Sciences Po Aix et spécialiste de l'islam en France : "Si le CCIF défend parfois un islam plutôt rigoriste, il reste prudent et agit de manière légaliste. A ma connaissance jamais il n'a appelé au meurtre, à la vengeance ou au renversement de la République." 

Concernant l'assassinat de Samuel Paty, l'association maintient qu'elle avait bien été "saisie par le parent" mais qu'elle n'avait entamé "aucune action", faute d'avoir eu le temps de vérifier si cette affaire relevait de son champ de compétences. N'ayant jamais été à ce jour poursuivie pour apologie du terrorisme ou troubles à l'ordre public, elle a d'ores et déjà annoncé qu'elle contesterait sa dissolution en justice. Mardi 20 octobre, le Premier ministre, Jean Castex, a affirmé vouloir dissoudre "toutes les associations dont la complicité avec l’islamisme radical peut être établie", suggérant la nécessité d'éléments de preuves.


Hamza HIZZIR

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