"Adulescence" entre dans le Larousse : la consécration du phénomène "Peter Pan"

Publié le 7 mai 2019 à 13h02, mis à jour le 7 mai 2019 à 15h23

Source : JT 13h Semaine

NÉOLOGISME - Parmi les 150 mots qui intégreront la prochaine version du dictionnaire Larousse, qui sortira le 21 mai prochain, figure le mot "adulescence", contraction d’adulte et d’adolescent. De plus en plus employé, que signifie-t-il réellement et, surtout, d'où vient-il ?

Etre jeune de plus en plus vieux n’est pas un paradoxe, mais bien la réalité. Un néologisme, qui fait son entrée dans la nouvelle édition du Larousse, désigne une des tendances sociologiques parmi les plus significatives de notre époque : l’adulescence, ce "mot-valise", contraction d’adulte et d’adolescence, qui désigne le prolongement de l’adolescence en dépit de l’entrée dans l’âge adulte. Soit la présence croissante au sein de notre société de Peter Pan ne voulant pas renoncer à l'âge des possibles et tentant de retrouver le bonheur de l’enfance en réaction au côté inhumain de notre société moderne, dure et sans pitié pour ceux qui ne suivent pas son train lancé à pleine vitesse. Leur symbole, en 2001, sera le film "Tanguy".

Pour le sociologue Rémy Oudghiri, auteur de "Ces adultes qui ne grandiront jamais", publié aux éditions Arkhê, ce phénomène a pris de l’ampleur au XXIe siècle, mais il était déjà perceptible dans les années 60-70. Il rappelle en effet que le terme, désormais admis dans le dictionnaire, a été créé au milieu des années 70 par le psychanalyste Tony Anatrella, et qu'on retrouvait cette notion dès les films de François Truffaut des années 60 : "Son personnage, Antoine Doinel, est un irrésolu. Il n’arrive pas à choisir : un emploi, une femme, une situation… En un mot, il n’arrive pas à grandir." 

Reflet contemporain d'une époque floue

Pour le sociologue, le héros des "400 Coups" s'avère le premier "adulescent" de l’histoire contemporaine : "Comme Antoine Doinel, les nouvelles générations (les fameux "Millennials") n’ont pas envie de devenir des "grandes personnes". Chez elles, l’indécision est très répandue. On préfère vivre sa vie en "mode projet" plutôt que de construire quelque chose de durable et d’enfermant comme une carrière ou un couple. L’indécision est l’expression d’une société qui a du mal ou ne veut pas ou ne veut plus grandir. Dans les deux cas, on n’est jamais satisfait, si on choisit, on se fige, on se fixe, on s’enferme. Si non ne choisit pas, on est frustré."

Rémy Oudghiri perçoit joliment les "adulescents" comme des "voyageurs insolites qui éprouvent un plaisir particulier à rester sur le quai le jour où le bateau qui devait les conduire sur d’autres rives quitte le port" : "Qu’importe l’avenir annoncé, ils n’embarquent pas. Leur plus grand plaisir est celui-là : différer l’heure du départ le plus possible." 

D'où la contemporanéité absolue d'un tel mot, ciblant une zone profondément floue répondant à une époque elle-même fluctuante...


Romain LE VERN

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