Les stars nous font-elles vraiment du bien en exhibant leurs maladies et troubles psychiques ?

Publié le 18 janvier 2019 à 12h13, mis à jour le 18 janvier 2019 à 14h24
Les stars nous font-elles vraiment du bien en exhibant leurs maladies et troubles psychiques ?
Source : ABACA

À CŒUR OUVERT - Les stars n’ont plus peur de confier leurs maladies ou leur fragilité psychologique sur les réseaux sociaux ou dans des interviews. Et si la pop culture 2.0 avait des vertus thérapeutiques pour nous autres, pauvres mortels ?

En septembre dernier, la reine d'Instagram Selena Gomez annonçait mettre son compte en pause, expliquant que "les commentaires négatifs peuvent affecter n'importe qui", avant que ne soit annoncée son hospitalisation pour dépression. Au cours des années et mois précédents, la jeune femme n'avait rien caché à ses 55 millions de followers du lupus dont elle souffre, une maladie s'attaquant à ses défenses immunitaires, ou de la greffe de rein consécutive dont elle avait été opérée à l'été 2017. Il y a quelques jours enfin, elle a profité d'un message de bonne année pour opérer un retour sur les réseaux sociaux et rassurer ses fans sur sa santé.

Car aujourd'hui, la pop star est un être humain comme les autres. Transgressant parfois des tabous sociétaux (avortement, dépression, cancer), elle se répand sur les pathologies dont elle souffre auprès de ses millions de followers et nous assure ainsi que non, elle n'est pas une machine invulnérable. "Dans notre société actuelle qui feint l'empathie, ce n’est pas un problème de révéler vos troubles et de dire clairement que vous souffrez, bien au contraire, à plus forte raison si vous vous en êtes sorti", nous assure le thérapeute Alexis de Maud’huy. 

Dans sa conférence sur le thème "Culture Pop et Psychiatrie, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la psychiatrie (sans jamais avoir osé le demander)" , le psychiatre Jean-Victor Blanc revient sur l'image mémorable de Britney Spears se rasant elle-même le crâne dans un salon de coiffure en 2007, le regard hagard, devant une horde de paparazzis... Un exemple probant de "craquage" en public, sensibilisant selon lui la génération Millenials à la fragilité des stars de papier glacé et aux réalités de la santé mentale (bipolaire, pervers narcissique, paranoïaque, schizophrène, déni, refoulement). Pour autant, le fait que Shannen Doherty, l’héroïne de Beverly Hills, documente activement son combat contre le cancer du sein, ou que la Gossip Girl Blake Lively relate son manque d’assurance physique après sa grossesse aide-t-il vraiment le pékin moyen ? 

Une identification qui a ses limites

Selon la psychologue Sabrina Philippe, qui cite Patrick Sébastien ayant révélé comment son cancer de la peau avait été détecté par un simple grain de beauté, la star se dit : "Si je peux permettre à d’autres d’aller consulter, alors peut-être que cela amènera à d’autres dépistages". Soit une raison altruiste, noble, sincère d’évoquer sa vie privée." C'est ce qui s'est produit par exemple après l’annonce d’Angelina Jolie sur sa double mastectomie et son ablation des ovaires en 2013 et 2015, les consultations gynécologiques ayant fortement augmenté, en particulier dans les pays anglo-saxons. 

Le fait que les stars confessent "souffrir comme nous", à l'instar de Coeur de Pirate s'avouant dysmorphophobe ou de Marc Lavoine se disant atteint de lypémanie, peut ainsi avoir de réelles vertus : "Lorsque Adèle confesse avoir été frappée par une dépression post-partum après avoir eu son fils, elle ose transgresser un tabou caché, peu diagnostiqué, nié par la société, souligne  Alexis de Maud’huy. Et cela peut susciter une réelle sensibilisation et une réelle prévention des risques". 

Le craquage de Selena Gomez nous dit juste une chose : qu’Instagram est le réseau social le plus néfaste en termes de santé mentale
Alexis de Maud'huy, thérapeute

Mais si une sincérité émane assurément des souffrances exhibées, il importe toutefois de relativiser les bienfaits de ces confessions très intimes, a fortiori pour ceux qui les suivent sur les réseaux sociaux. "La différence qui existe entre une biographie écrite par un porte-plume et le compte Instagram d'une star, c’est la fausse interactivité : la star met en ligne l’information qu’elle souhaite, elle manipule les informations comme les images, en gros c’est la télé-réalité de la confession, tempère le thérapeute. Le craquage de Selena Gomez nous dit juste une chose : qu’Instagram reste le réseau social le plus néfaste en terme de santé mentale, tout simplement parce que ceux que l’on regarde sont devenus les directeurs artistiques de leur vie et ceux qui les regardent peuvent développer une addiction." 

En somme, gare aux faux-semblants comme à l'angélisme : il ne faut jamais oublier que les stars éludent aussi sciemment les sujets qui fâchent ("vous voyez des stars qui parlent de la consommation d’opioïdes, des amphétamines, du dopage sur Instagram ?", vitupère Alexis de Maud’huy) et que les réseaux sociaux présentent une vision tronquée de la réalité : "Il y a trente ans, quand on se comparaît aux autres, on se comparait aux trente personnes de sa classe. Aujourd'hui, on se compare à ceux que l’on suit sur Instagram, donc à des vies privées mises en scène où les stars, même quand elles parlent de leur douleur, font la promotion d'elles-mêmes dans une stratégie bien menée de communication." Très rarement dans un but thérapeutique, donc.


Romain LE VERN

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