"Les larmes me montent aux yeux" : la colère d'un psy face aux images "abjectes" de l’interpellation de lycéens à Mantes-la-Jolie

Publié le 7 décembre 2018 à 11h35, mis à jour le 7 décembre 2018 à 15h21

Source : Sujet TF1 Info

INDIGNATION - La vidéo de l’interpellation de lycéens à Mantes-la-Jolie jeudi provoque de nombreuses réactions outrées depuis sa diffusion sur les réseaux sociaux. Un psychologue spécialiste des adolescents a publié une tribune sur Facebook dans laquelle il exprime toute sa colère.

C'est la vidéo dont tout le monde parle ce vendredi matin, générant une foultitude de réactions, la plupart révoltées. Une scène d'arrestation filmée qui, selon nos confrères de Libération, aurait dans un premier temps été mise en ligne sur Twitter par un policier avant d’être retirée, puis republiée par des comptes tiers. Elle s'est déroulée jeudi 6 décembre à Mantes-la-Jolie (Yvelines) à proximité des lycées Saint-Exupéry et Jean Rostand, bloqués durant la journée après l'interpellation à la mi-journée de 153 lycéens par les forces de l’ordre suite à des violences en marge du mouvement de contestation. 

On y voit plus d'une centaine d'adolescents, en rangs, les deux genoux à terre et les mains sur la tête, dans un silence de cathédrale. Autour d'eux, des policiers se tiennent debout, casqués et armés de matraques et boucliers. "Voilà une classe qui se tient sage", entend-on de la bouche d'un homme qui semble filmer la scène. 

"Scandalisé" par cette vidéo, un psychologue pour adolescents, Samuel Dock, s'est fendu ce vendredi matin d'un long message sur son compte Facebook . "En découvrant les images abjectes tournées à Mantes-la-Jolie, des lycéens à genoux les mains derrière la tête ou dans le dos, les larmes me montent aux yeux", y lance-t-il.

"Honte" et "chagrin"

"Je ne sais pas ce qui est le plus douloureux en fait", poursuit le psychologue. "Si c'est l'image de cette génération écrasée. Si ce sont les innombrables commentaires sadicoséniles (pardon pour le néologisme) du type "ils ont cramé une poubelle c'est normal qu'on les casse en deux pour les rappeler à l'ordre". Si c'est parce que nous sommes manifestement la proie d'un gouvernement irrévocablement père-vers, hors limite, hors sol, hors langage... Si c'est parce que samedi ce sont des chars qui remplaceront les CRS pour écraser l'humanité et la révolte. Si c'est parce que moi je ne vois pas des monstres à genoux... Juste des enfants, encore. Juste mes extraordinaires patients, leurs visages, j'ai tant de peine ce soir."

Ayant foi en son sacerdoce ("On peut TOUJOURS aider l'autre (...) Éducateurs, professeurs, psychologues, je suppose que nous avons tous cette conviction chevillée en plein corps. C'est ce qui fonde notre engagement"), le psychologue conclut son texte par une interrogation inquiète : "A quoi sert le travail des éducateurs, des professeurs, des psychologues et de toutes les personnes qui s'inscrivent dans l'ordre symbolique si c'est pour que les garants de la loi démolissent tout ce que nous essayons de construire ?" Et il répond aussitôt que "non, [ces ados] ne feront plus confiance aux adultes. Ni en ceux qui pourraient les aider. Ni en ceux qu'ils deviendront. J'ai tellement honte pour notre pays. Tellement de chagrin pour cette jeunesse à terre. Nous en sommes là, oui, et c'est irrattrapable."


Romain LE VERN

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