Pourquoi une rupture amicale fait-elle aussi mal et comment s'en remet-on ?

par Léa BONS
Publié le 11 septembre 2018 à 12h17, mis à jour le 11 septembre 2018 à 12h23
Pourquoi une rupture amicale fait-elle aussi mal et comment s'en remet-on ?
Source : Thinkstock

PSYCHO - Pourquoi souffre-t-on autant après la perte d'une amitié ? Qu'est-ce qui se joue derrière ? Comment peut-on arriver à la surmonter ? LCI vous donne quelques clés pour comprendre.

"On cherche chez un ami une sorte d'alter ego, quelqu'un qui nous ressemble et qui partage les mêmes sensibilités", explique à LCI la psychologue Pascale Casenova. Une personne avec qui "on se sent absolument compris, avec qui on forme un tout", renchérit Danièle Brun, psychanalyste et auteure de La passion de l'amitié. Une relation proche de l'amour en somme, avec les mêmes exigences, mais sans l'attirance sexuelle.

Alors forcément, quand une amitié se termine, ça peut faire très mal. Surtout qu'on "a tendance à idéaliser l'amitié, à attendre beaucoup de choses de l'autre", estime Pascale Casenova. La chute est d'autant plus dure. D'autant qu'en amitié, il y a une "forme de mise à nu. Vous confiez des choses que vous ne dites pas à votre propre compagnon car il y a une part de secret dans les relations amoureuses", poursuit la psychologue clinicienne. Cette vulnérabilité peut donc rendre la fin d'une amitié extrêmement douloureuse. 

Et c'est encore plus vrai pour la jeune génération : "L'idéalisation amicale, c'est quelque chose de très commun chez les jeunes adultes qui attachent une très grande importance à l'amitié, s'échappant progressivement du lien parental et cherchant à avoir un groupe d'appartenance pour se sentir exister". Mais cela touche autant les hommes que les femmes : souvent, on parle plus des femmes parce qu'elle ont plus de facilité à le verbaliser. 

Je vis une rupture amicale depuis plusieurs années avec mon ami d'enfance, le temps passe mais j'en souffre encore et je pense que je ne m'en remettrai jamais vraiment
Mélanie, 26 ans.

Au-delà de la vulnérabilité, ce sont aussi les questionnements autour de notre propre personnalité qui provoquent cette souffrance. Comme l'expose à LCI Emma Levillair, nous sommes dans une équation. "On revient à nos fondements. La figure symbolique que représente l'autre s'est construite par rapport à notre éducation, à la relation que nous avions avec nos parents ou personnes assimilées -en étant comme cela, l'autre va m'aimer, il va devenir mon ami- Quand il y a rupture, tout est alors remis en question". 

"Le problème, c'est que tout cela est parfois inconscient et que l'on est anéanti avant de comprendre ce qui s'est réellement passé", ajoute-t-elle. "Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Pourquoi en est-on arrivé là ?". C'est notre socle relationnel qui effectivement se trouve alors menacé et laisse place aux doutes quant à notre propre façon d'agir et de conceptualiser nos amitiés. Un cheminement qui demande une certaine clairvoyance, et qui en est d'autant plus désagréable... 

Comment s'en remettre ?

Passé le sentiment de la claque provoquée par la rupture, il s'agit de faire le deuil de cette amitié. Et d'essayer de se relever progressivement. Cette perte passe alors par cinq phases qui sont celles du deuil à proprement dites : le déni, la colère, le marchandage (négociations, chantage), la tristesse ou dépression et l'acceptation. Quand on est arrivé à la dernière étape, on réorganise alors sa manière de fonctionner, de vivre. 

"Lorsqu'une relation est "morte", il faut donc faire le chemin inverse d'en créer une, c'est-à-dire retrouver l'habitude et le plaisir d'être seul, c'est compliqué car l'homme est un animal grégaire, il est fait pour vivre en groupe", souligne Emma Levillair. Par ailleurs, dans ces amitiés très fusionnelles, pour notre psychothérapeute, "il y a fréquemment une notion de dépendance affective, qui est d'autant plus compliquée à combattre. C'est douloureux mais c'est un passage normal voire même nécessaire, le temps fera le reste". En définitive, le but est d'arriver à se libérer du sentiment d'attachement qu'on éprouvait pour cette personne.

"Avec le temps, j'ai appris à être plus vigilante, à freiner mes sentiments et à moins attendre certaines choses de mes amis pour ne pas risquer d'être déçue et blessée"
Marie, 57 ans

Peut-on récidiver ?

Mais alors peut-on replonger dans ce type d'amitié et risquer une nouvelle déception ? Pour Emma Levillair, "on devient forcément plus prudent parce qu'on apprend de nos erreurs et que l'on ne veut pas retomber dans le fusionnel". "Si nos relations sont "bonnes"( pas de parents absents, de sentiments d'abandon...), on ne devrait même pas avoir envie de retomber là-dedans". 

Et si nous repartons dans ce schéma, la thérapie est alors conseillée : "On peut effectivement récidiver mais ça dénote un problème relationnel toujours présent : si des personnes de 40 ans ont une amitié fusionnelle, exclusive et empreinte de jalousie, c'est qu'il y a un vrai problème de fond", estime la psychothérapeute.

Une chose est sûre, l'amitié demande un certain travail pour se poursuivre dans le temps. La vie qu'on va mener par la suite, permet de faire le tri dans nos relations mais aussi d'en construire d'autres sous de meilleures auspices. Une philosophie qu'a adoptée Marie, 57 ans, avec le temps : "J'ai appris à être plus vigilante, à freiner mes sentiments et à moins attendre certaines choses de mes amis pour ne pas risquer d'être déçue et blessée", nous explique-t-elle, avant de conclure :  "Et plus on avance dans la vie, plus on écrème, aussi". 


Léa BONS

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