Comme Nicolas Hulot, apprenez à dire "non"

Publié le 3 septembre 2018 à 14h09, mis à jour le 3 septembre 2018 à 16h34
Comme Nicolas Hulot, apprenez à dire "non"
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PSYCHO - S’opposer… au risque de déplaire ? Pas toujours facile. Mais parfois, à trop se renier, on n'y arrive plus. En voyant Nicolas Hulot claquer la porte du gouvernement après de multiples volte-face, on a voulu savoir comment on apprend à dire "non". Car pour que son "oui" ait de la valeur, il faut d'abord savoir dire son contraire.

"Je ne veux plus me mentir"... C'est par ces mots que Nicolas Hulot a annoncé, mardi 28 août, sa décision de quitter son poste de ministre de la Transition écologique . Après 15 mois à ronger son frein entre déceptions et déconvenues, et plusieurs menaces de démission du gouvernement, il a finalement su dire "non". 

Mais pourquoi est-il si dur de dire prononcer ces trois lettres ? Pour le psychiatre et psychothérapeute, Frédéric Fanget, auteur du livre "Affirmez-vous" (Editions Odile Jacob), "dans le cas de Nicolas Hulot, dire 'non', c'est remettre en cause des valeurs de vie essentielles. Et même si on a une bonne affirmation de soi, c'est extrêmement difficile. En effet, ce n'est pas la même chose de refuser 1 € à quelqu'un qui vous les demande dans la rue et de quitter travail qui cristallise tout ce pour quoi on se bat. Dans son cas, c'est aussi se dire non à soi-même". 

Et pour monsieur et madame "tout-le-monde" ? "Souvent, la raison sous-jacente,  c'est de ne pas s'aimer assez soi-même, ne pas se respecter assez, pour ne pas oser dire à l'autre quelles sont nos limites. Être incapable d’opposer le moindre refus, c’est se mettre dans la position d’une maison sans fenêtre, ni porte : le vent, la pluie et la neige peuvent venir mouiller votre sol et abîmer les fondations", décrypte le thérapeute. "C'est aussi la peur d'entraîner une rupture relationnelle. On se dit : 'Si je refuse, on ne va plus vouloir me voir'. Ce sont des pensées négatives contre lesquelles il faut savoir lutter".

"Lâcher-prise"

Résultat, ce conditionnement social nous pousse bien souvent à dire oui alors qu'on voulait opter pour le non. Ainsi, combien de fois avez-vous dit "pardon" quand quelqu’un vous bousculait légèrement dans la rue ? Combien de fois avez-vous fait l’impasse sur ce que vous vouliez faire parce que votre amie) préférait faire autre chose ? Combien de fois avez-vous prêté de l’argent que vous n’avez jamais récupéré ? Les exemples ne manquent pas, mais le résultat est toujours le même : on refoule notre bien-être parce qu’on ne sait pas dire non.

"Savoir dire non fais partie intégrante de la thématique du lâcher-prise", souligne auprès de LCI Anne-Sophie Lesage, auteur avec sa sœur Fanny du livre "Celle qui a dit Fuck" (Editions Solar). C'est apprendre à se préserver et à mettre ses besoins personnels au centre de ses préoccupations. Ce n'est pas aussi évident que ça en à l'air, car quand on nous sollicite, on est tenté de répondre par l'affirmative, avant tout pour faire plaisir aux autres. Et le problème là-dedans, c'est qu'on s'oublie", avance-t-elle. 

Dire non, c'est se faire respecter

"Dire non d’emblée, cela suffit dans 80% des situations. Votre interlocuteur n’insistera pas et respectera votre refus", conseille Frédéric Fanget. "Il y a aussi le côté : 'je m'affirme', ce qui est important dans son quotidien pour gagner en confiance en soi", renchérit Anne-Sophie Lesage. "Souvent on pense 'si je dis oui, je vais être bien perçu', et du coup, il y a cette notion de faire passer le regard des autres avant le sien. Or, dire non, c'est d'abord se respecter soi-même avant de se faire respecter par les autres".

Dire non, c'est ne pas être soumis

En règle général, les personnes qui ont le pouvoir, que ce soit naturel (parents), ou acquis (patron, propriétaire), n'hésitent jamais à dire non. Alors, pourquoi les personnes en manque de confiance, ou simplement "trop gentilles", n'y arrivent-elles pas ? "Toute personne montre, par ses actes, la valeur à laquelle elle doit être reconnue. En étant soumises, ces personnes se laissent intimider et manipuler par les autres", estime Frédéric Fanget. "Du coup, en thérapie, on classe les refus de 0 à 100 par ordre de difficulté, et ensuite on commence à s'entraîner à dire "non" sur les situations les plus faciles" (voir le tableau ci-dessous). 

"Un conseil, poursuit le psychiatre, ne pas s'en vouloir si vous ne dites pas 'non' tout de suite. Dans la plupart des cas, ce n’est pas très grave et on peut rappeler ou retourner voir son interlocuteur en lui disant : 'Tu sais, j’ai répondu oui un peu trop rapidement. En fait, je souhaite dire non'", prescrit le psychiatre.

Dire non, c'est ne plus culpabiliser

Nous refusons souvent de formuler un "non" par peur d'être mal vu par l’autre : "'Que va-t-on penser de moi ?' 'Pour qui vais-je passer ?'. Le regard des autres, lorsqu'il est perçu comme une menace ou simplement comme porteur d'un jugement, est sans aucun doute l'un des freins les plus puissants au développement de la confiance en soi", analyse encore Frédéric Fanget. Or, prendre du recul par rapport au regard des autres est indispensable : "Il ne s’agit pas d'être désagréable et de s’autoriser des refus blessants, mais bien de se débarrasser d’une culpabilité excessive qui incite à envisager les conséquences d’un 'non' pour l’autre plutôt que pour soi", indique Anne-Sophie Lesage. "S'il y a une vexation ou une incompréhension, l'idée est de se détacher du regard de la personne qu'on a en face de soi. Car si on y est fait trop attention, on revient au point de départ et on s'oublie soi-même", poursuit-elle.

"Le premier non que vous allez faire, c'est de ne plus dire oui", ajoute Frédéric Fanget. "Commencez par répondre : 'peut-être, j'ai besoin de temps pour réfléchir, on en reparlera'... Ce sont des stratégies importantes. Par exemple, dans la communication par mail, il faut utiliser la boîte brouillons, qui permet de prendre le temps de réfléchir. Ensuite, on peut se dire qu'entre 'oui' et 'non' il y a tout un espace intermédiaire: c'est l'art de la négociation".

Dire non, c'est chasser ses préjugés

Ce sont souvent des pensées négatives qui empêchent de dire non. Et pourtant... Dire non n'est pas du ressort de l'impolitesse, ni de l'incivilité, ni de l'impertinence ou de la grossièreté. Sauf que pour apprendre à s'en affranchir, il faut savoir prendre du recul. Dans son livre "Affirmez-vous", le psychiatre Frédéric Fanget a listé les idées noires qui nous polluent le plus l'existence...

Dire non, c'est arrêter de se justifier

Mettre les formes, cela ne veut pas dire non plus tomber dans la justification à tout-va. Ce qui, en général, fait perdre toute crédibilité. "C'est toute la finesse de l'exercice", explique Anne-Sophie Lesage. "Votre ou vos interlocuteurs risquent en effet de se mettre à discuter vos raisons pour vous persuader de changer d'avis, et on ne s'en sort pas. Comme, il est souvent dur de s'en tenir à son refus, le mieux est de dire non nettement (mais son agressivité), et de s'en aller pour couper court aux discussions qui risquent de vous piéger. Toutefois, attention de ne pas tomber dans l'excès inverse et de dire non à tout. Il faut trouver le juste équilibre, et se poser la seule question qui compte : 'Cette sollicitation va-t-elle dans l'ordre de mes envies ?'", conclut la jeune femme. 


Virginie FAUROUX

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