Coupe du monde de rugby : pour Romain Poite, "un arbitre est content quand on ne le voit pas du match"

par Sebastien COCA
Publié le 20 septembre 2015 à 12h48
Coupe du monde de rugby : pour Romain Poite, "un arbitre est content quand on ne le voit pas du match"

SIFFLET – Retenu pour officier durant la compétition en compagnie de trois autres Français, Romain Poite (40 ans) débute sa Coupe du monde dimanche, lors de Pays de Galles - Uruguay. Alors qu'il réglait les derniers détails de sa préparation, l'arbitre international, qui va vivre son deuxième Mondial, a expliqué à metronews comment il appréhendait l'événement.

Nous sommes à un peu plus d'une semaine du Coup d'envoi de la Coupe du monde (l'entretien a lieu le 9 septembre), est-ce que la pression commence à monter pour vous ?
Oui, un petit peu, même si je commence à avoir l'habitude des compétitions internationales. Je pense que la pression va vraiment monter d'un cran à partir de vendredi, avec le rassemblement des arbitres pour la préparation finale de la compétition.

Depuis combien de temps avez-vous basculé en "mode Mondial" ?
Depuis le début de la saison internationale, en fait. On a déjà eu plusieurs rassemblements pour préparer la Coupe du monde et notamment un gros debriefing à Arcachon pour faire le point sur les erreurs qui ont été commises afin de ne pas les reproduire en Angleterre.

"Le danger d'un Monial, c'est de se mettre dans le rouge physiquement"

Sur quelles phases de jeu vous a-t-on demandé d'être plus particulièrement vigilants ?
On a eu trois directives majeures : le jeu déloyal et les nettoyages limites dans les rucks. Plus de justesse et d'analyse dans notre analyse du jeu aérien après un coup de pied, car on est partis avec beaucoup d'exigence envers les joueurs et ils ont du mal à se situer par rapport à la règle. Enfin, on va mettre l'accent sur le jeu au sol et sanctionner les ceux qui y mettent les quatre appuis (mains et jambes) pour empêcher un contexte favorable à l'adversaire. On va aussi être très rigoureux sur la construction des mauls afin d'éviter que des joueurs en obstruction empêchent la défense adverse d'intervenir.

Qu'elle est la principale difficulté pour un arbitre dans ce type de compétition ?
C'est l'enchaînement des matches dans un temps plus resserré que d'habitude. Pendant une Coupe du monde, on a au moins quatre matches en tant que référent plus trois autres comme assistant et le tout en trois semaines... C'est donc très exigeant et le danger c'est de se mettre physiquement dans le rouge à un moment. Car pour être bien dans sa tête et être capable de prendre la bonne décision à tout moment, il faut avoir les jambes. D'autant que ce qui nous avait frappé en 2011, c'est que le jeu s'était énormément accéléré pendant la compétition. Ça allait bien plus vite que les matches internationaux auxquels on avait été confrontés jusque-là.

"Je ne regarde pas ce qui ce dit dans la presse ou les réseaux sociaux"

Est-ce qu'il y a certains joueurs ou certaines équipes que vous avez plus à l'œil lorsque vous les arbitrez ?
On s'adapte mais on n'est jamais dans la stigmatisation d'un joueur ou d'une nation. Car si on personnalisait l'approche d'une rencontre, on partirait avec un a priori et ça influencerait notre analyse. Et puis à force de se côtoyer lors des matches internationaux ou en Top 14 (où il y a beaucoup de joueurs étrangers, ndlr), ils connaissent les arbitres et inversement. C'est un atout, car on se comprend mieux.

De toute façon, il n'y a jamais de contestation dans le rugby...
Et c'est très bien comme ça. Notre grande force, contrairement à d'autres sports, c'est que le règlement permet à l'arbitre de sanctionner les égarements de joueurs. Mais de toute façon, plus ils s'élèvent dans la hiérarchie du rugby, plus ils savent qu'ils doivent respecter la règle pour ne pas se faire pénaliser et donc pénaliser aussi leur équipe.

En dehors du terrain, c'est par contre parfois plus compliqué. Vous avez eu un épisode douloureux en 2013 lors d'un Afrique du Sud – Nouvelle-Zélande dans le Four Nations. Les médias locaux vous avaient accusé d'avoir fait perdre les Boks...
Ça fait aussi partie du jeu. J'ai complètement intégré le fait de pouvoir être soumis à la critique. J'en détourne le côté sentimental pour me concentrer sur le technique et m'en servir comme base de travail pour trouver des solutions afin de pas me remettre dans des situations inconfortables. Après, pour être sincère avec vous, on évite de trop se focaliser sur ce qui se dit dans les réseaux sociaux ou dans la presse. D'autant que tout y est amplifié. Depuis cette affaire, je suis retourné deux fois en Afrique du Sud et je n'ai jamais eu le moindre problème. Lors de mon dernier passage, on m'avait dit que la presse en avait fait des tonnes et pourtant, après le match, j'ai participé à un barbecue avec des arbitres locaux. Des supporters nous ont même rejoints et on a pu discuter sans souci.

"En 2011, j'étais en tribune avec mon maillot pour a finale des Bleus"

On imagine quand même que vous vous seriez bien passé de cet épisode...
C'est sûr que si j'étais de nouveau confronté à cette situation, aujourd'hui, je saurai mieux la gérer. Vous savez, nous, les arbitres, on est content quand on ne parle pas de nous et qu'on ne nous a pas vus du match. Car ça veut dire qu'on n'a pas influencé la rencontre.

Plus le XV de France ira loin dans cette Coupe du monde, moins vous allez arbitrer de match... Vous arrivez quand même à être supporter ?
Moi j'espère le meilleur pour les Bleus. Je vais évidemment regarder de près leurs performances, même si ce n'est pas réciproque... En 2011, lorsque la France était en finale, et bien j'étais en tribune avec mon maillot sur les épaules pour les encourager.

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Sebastien COCA

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