6 doses au lieu de 5 : la baisse des livraisons de Pfizer est-elle liée à une nouvelle stratégie de vaccination ?

Publié le 22 janvier 2021 à 8h40, mis à jour le 22 janvier 2021 à 8h49
6 doses au lieu de 5 : la baisse des livraisons de Pfizer est-elle liée à une nouvelle stratégie de vaccination ?
Source : AFP

VACCINATION - Suite à la décision de l'Agence européenne du médicament d'autoriser l'utilisation d'une sixième dose pour le vaccin Pfizer, des soignants s'inquiètent que le laboratoire américain distribue moins de flacons aux pays européens.

L'objectif est volontariste. Les Vingt-Sept veulent avoir vacciné 70% de la population adulte d'ici au 1er juin. Un délai très ambitieux quand on sait qu'au même moment Pfizer, le laboratoire qui commercialise l'un des deux seuls vaccins autorisés dans l'UE, annonce des retards de livraison, vendredi 15 janvier. Une nouvelle donne est alors venue apporter une once d'espoir. La possibilité pour les soignants de vacciner six personnes au lieu de cinq avec un seul flacon. Mais cette euphorie a été de courte durée. À partir du moment où l'Union européenne a officialisé ce recalibrage, l'entreprise américaine a pris en compte ce critère. Quitte à revoir à la baisse le nombre de flacons livrés chez nous ?

Des contrats signés par doses

Dès les premières inoculations, certains soignants ont mis en évidence que l'on pouvait, dans certains cas de figure, tirer une sixième dose d'un flacon. À partir de là, plusieurs agences sanitaires ont vérifié le phénomène. Et approuvé cette utilisation. En premier lieu l'agence américaine, la Food and Drug Administration (FDA), suivie de l'Agence européenne du médicament (AME). Une bonne nouvelle qui devait permettre aux pays concernés d'injecter 20% de vaccins supplémentaires sans avoir à attendre de nouvelles livraisons. Sauf que les choses ne sont pas si simples. Les contrats établis entre notre pays et la firme pharmaceutique portent en effet sur un nombre de doses livrées. Pas sur un nombre de flacons. Suite à cette décision, Pfizer a donc adapté ses livraisons, comme l'a confirmé l'entreprise auprès de LCI.fr. En, somme, pour le même prix, elle livrera moins de flacons. Alors est-ce-que concrètement, cela pourrait faire baisser le nombre de doses disponibles pour le pays ? 

C'est l'inquiétude des soignants. Car extraire cette précieuse sixième dose n'est pas toujours possible. "C'est une dose sur-numéraire, un bonus", résume Jérôme Marty, président du Syndicat de l'Union française pour une médecine libre (UMFL), auprès de LCI.fr. En effet, il est assez habituel que l'industrie pharmaceutique prévoie des quantités un peu plus élevées par précaution : des gouttes peuvent adhérer aux parois du flacon, d'autres peuvent rester dans l'espace mort entre la seringue et l'aiguille. Pour cette raison, les quantités prévues sont supérieures à celles réellement injectées. "Un extra-volume était prévu dès l'origine dans nos flacons afin de garantir au moins cinq doses de vaccin par flacon", confirme Pfizer auprès de LCI.fr. 

Or, concrètement, pour récupérer cette fameuse sixième dose, il faut une aiguille adaptée pour éviter que du produit ne reste dans l'embout. C'est ce qu'on appelle un "volume mort" dans le jargon. "Comme on parle de quantités extrêmement faibles, ça ne pose habituellement pas de problème. Mais là, quand vous prenez six doses sur un flacon d'exactement six, dans le cas où vous avez du volume mort c'est autant que vous perdez", alerte le médecin généraliste. Ce qui revient pour le terrain à une difficulté additionnelle. Le bonus devient la règle. "Donc il nous faut nécessairement le bon matériel, du temps pour être précis et de l'expertise", témoigne Jérôme Party. "Cette annonce fait reposer l'intégralité de la stratégie vaccinale sur les épaules des soignants." Mardi 19 janvier, le ministre de la Santé lui-même reconnaissait que cette extraction nécessitait "un geste médical" et du "matériel" approprié en seringues, évoquant "un vrai défi". S'il n'est pas atteint, c'est effectivement le risque de voir une précieuse dose perdue.

Pfizer assure "tenir ses engagements"

Simultanément à ces annonces, le laboratoire Pfizer est revenu sur sa baisse de cadence, élaborant un plan pour rétablir son calendrier initial. Mais le géant pharmaceutique assure que ce revirement n'est pas lié à l'annonce des agences sanitaires. Ou en tout cas pas uniquement. Si Pfizer-BioNTech a récemment relevé son objectif de production du vaccin, c'est tout de même un peu grâce à ce recalibrage, confesse-t-elle, bien qu'il ne permette de récupérer "que" quelques centaines de milliers de doses en plus. Pour la société américaine, "le passage de 1,3 milliard de doses de vaccin produites en 2021 à 2 milliards de doses ne s'explique pas uniquement par l'autorisation de la sixième dose de vaccin par flacon", précise ainsi le laboratoire auprès de LCI.fr. Il est en réalité essentiellement la conséquence d'une "montée en puissance de [ses] capacités de production". Quant à savoir si l'Europe aura exactement le nombre de flacons prévus, le laboratoire écarte la question, précisant ne "pas raisonner en termes de flacons". 

VIDÉO - Comment sont réparties les doses entre centres de vaccination ?Source : JT 20h WE

En somme, le laboratoire n'utilise pas ce nouveau paramètre pour baisser sa production. Mais ne fera pas non plus cadeau de cette sixième dose. Contactée par LCI.fr, la Direction générale de la Santé n'avait pas encore réagi ce jeudi en début de soirée. Mais du côté belge, les autorités sanitaires ne sont pas surprises. Une membre du groupe de travail sur la vaccination a commenté cette annonce avec fatalisme. Sabine Stordeur a rappelé au Soir que Pfizer "reste une société commerciale". "Il ne faut pas s'étonner. C'était une erreur de croire que l'on pouvait gagner une dose."

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Felicia SIDERIS

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