Attention à cette étude qui conclut que la balance bénéfice-risque de la vaccination est "à revoir"

Publié le 1 juillet 2021 à 21h34, mis à jour le 2 juillet 2021 à 16h35
Attention à cette étude qui conclut que la balance bénéfice-risque de la vaccination est "à revoir"
Source : Fred TANNEAU / AFP

BIDON - Une étude relayée par les sphères anti-vaccin conclut que pour trois décès contre le Covid-19 évités grâce à la vaccination, celle-ci en "inflige" deux. Des conclusions erronées et portées par une méthodologie trompeuse.

Mise à jour du 02/07

Au lendemain de la publication de cet article, la revue Vaccines, qui avait publié cette étude "trompeuse", l'a retirée. L'éditeur décrit une "mauvaise interprétation des données, conduisant à des conclusions incorrectes et déformées".

Le titre de l'étude est on ne peut plus clair. "Sécurité des vaccins contre le covid-19 : les politiques vaccinales sont à revoir." Menée par une équipe de cinq chercheurs et publiée le 24 juin dans la revue scientifique Vaccines, elle tente de réévaluer le "bénéfice" de la vaccination contre le coronavirus. Et, selon les conclusions des auteurs, le constat est affligeant. "Pour trois décès évités par la vaccination, nous devons en accepter deux infligés par la vaccination", assurent-ils. La preuve d'un "manque de bénéfice clair" qui devrait "amener les gouvernements à repenser leurs politiques de vaccination".

Ces travaux, en anglais, ont d'abord été partagés outre-Atlantique avant de trouver un écho dans l'Hexagone. Notamment via le blog France Soir, dans un article du 25 juin et lors d'une conférence au sein de l'IHU-Méditerranée de Marseille, diffusée sur Youtube. Or, la méthodologie de ces travaux laisse à désirer. Et a poussé l'éditeur lui-même à reconnaitre que les résultats étaient "incorrects et déformés", avant de la retirer.

Une méthodologie "affreuse"

Pour réévaluer la balance bénéfice-risque, les auteurs ont voulu mesurer le premier critère. Ils précisent avoir utilisé une étude observationnelle réalisée en Israël et publiée le 15 avril afin de calculer l'efficacité du vaccin en population générale. Une première source qui possède un gros défaut. Elle n'a été conduite que sur six semaines, comme l'a relevé sur Twitter Gideon Meyerowitz-Katz, épidémiologiste à l'Université de Wollongong en Australie. Il note que l'étude porte sur une période s'étalant du 20 décembre au 1er janvier 2021. Soit lorsque seulement 3% de la population du pays était immunisée.

La première source atténue donc les réels effets du vaccin. Quand la deuxième exagère les risques. Les chercheurs ont en effet récupéré le nombre de décès signalés après la vaccination via le système néerlandais de pharmacovigilance. Seulement, comme nous l'avons expliqué à de nombreuses reprises, ces rapports comptabilisent simplement les signalements de personnes décédées suivant la vaccination, et non pas à cause de la vaccination. Rien n'établit de lien de causalité avec les vaccins. Les autorités sanitaires des Pays-Bas précisent d'ailleurs explicitement sur leur site qu'un "effet secondaire rapporté n’est pas forcément lié au vaccin". Utiliser ces données de la sorte relève donc d'un "charabia absolu" et d'une "mauvaise interprétation fondamentale de l'épidémiologie", pour reprendre les mots de Gideon Meyerowitz-Katz.

Une étude retirée par l'éditeur

Le professeur australien n'est pas le seul à avoir remis en cause le travail de cette équipe. Le scandale dans le monde scientifique est tel que trois membres du comité de relecture de cette revue scientifique ont démissionné et demandé que l'article soit retiré. Parmi eux, la chercheuse Katie Ewer, qui a décrit la publication de cette étude comme relevant d'une "grossière négligence".

La revue elle-même a dû reconnaître les problèmes de cette étude, publiant une "expression de préoccupation", quelques jours à peine plus tard, le 28 juin. Objectif : "Alerter les lecteurs sur les préoccupations importantes concernant l'article". "De sérieuses inquiétudes ont été soulevées au sujet d'une mauvaise interprétation des données et des conclusions", écrit la revue Vaccines, assurant mener une enquête afin de savoir comment ce papier a pu passer entre les mailles du filet. Finalement, l'éditeur a retiré cette étude, le 2 juillet. "De sérieuses préoccupations ont été portées à l'attention de l'éditeur concernant une mauvaise interprétation des données, conduisant à des conclusions incorrectes et déformées", écrivent-ils, précisant que les auteurs n'ont "pas été en mesure" de répondre à ces critiques "de manière satisfaisante"

Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr


Felicia SIDERIS

Tout
TF1 Info