Aux États-Unis, le Covid a fait plus de morts que la grippe espagnole... et en France ?

C.A.
Publié le 21 septembre 2021 à 18h43

Source : Sujet TF1 Info

PANDÉMIES - Selon les données de l'université Johns Hopkins, le Covid-19 a désormais fait plus de victimes aux États-Unis que la grippe espagnole. LCI a voulu savoir s'il en était de même en France.

Depuis le début de la pandémie, les États-Unis sont durement frappés par le Covid-19. Avec 676.059 décès, le pays déplore le plus lourd bilan au monde devant le Brésil (590.955) et l'Inde (445.133). Depuis lundi et selon les données de l'université Johns Hopkins, qui fait référence en la matière, ce même bilan a également ôté à la grippe espagnole son titre de pandémie la plus grave de l'histoire récente des États-Unis, qui avait touché près de 40% de la population avec un taux de mortalité de 5%.

D'après des historiens et les Centres de prévention et de lutte contre les maladies, la principale agence sanitaire américaine, la grippe a tué, entre 1918 et 1919, 675.000 personnes dans le pays. Qu'en est-il en France ?

La grippe espagnole presque 4 fois plus meurtrière en France que le Covid-19

Dans l'Hexagone, le bilan de la grippe espagnole est un peu moins élevé qu'aux États-Unis. Arrivé en France par l'intermédiaire des soldats américains, le virus est repéré au printemps de 1918 dans des contingents de la 3e armée, près de Compiègne. Selon le maître de conférences en histoire des sciences Guillaume Lachenal, qui décrit l'épidémie dans un article publié sur le site vie-publique.fr, "une première vague se propage à travers tout le pays, puis l’épidémie semble sur le recul. Mais une deuxième vague frappe avec une violence surprenante à partir d’août 1918, et une mortalité exceptionnellement élevée ; elle connaît son pic en octobre. En 1919, une troisième vague accompagne la démobilisation."

Selon les estimations, entre 210.000 et 408.000 personnes ont été tuées par la grippe espagnole en France, parmi lesquels Guillaume Apollinaire et Edmond Rostand. C'est davantage qu’une année de combat de la Première Guerre mondiale, mais moins que l'épidémie de Covid-19. Depuis le début de cette dernière pandémie, en décembre 2019, Santé Publique France a recensé 116.050 décès liés au virus.

Covid-19 vs. grippe espagnole, une comparaison qui n'a pas lieu d'être ?

Pour autant, il paraît assez difficile de comparer les bilans de ces deux pandémies sans prendre en compte les deux époques très différentes auxquelles elles sont survenues. Lors de la grippe espagnole, la Terre n'était peuplée "que" de 1,8 milliards d'êtres humains qui vivaient davantage dans les campagnes que dans les villes, où la densité d'habitants au kilomètres carré est supérieure, permettant une plus grande propagation du virus. Proportionnellement, les plus de 6 millions de morts qui lui sont associés la classent donc toujours comme l'épidémie la plus meurtrière de l'Histoire de l'humanité, comparé aux 4,7 millions de morts du Covid-19 sur une population de près de 8 milliards d'Hommes.

Les progrès de la médecine ne sont pas non plus à négliger dans ce comparatif. Il se traduisent notamment par une hausse spectaculaire de l'espérance de vie. En l'espace de 100 ans, cette dernière a progressé de presque 30 ans pour les Français. Durant la pandémie, ils ont permis de sauver des milliers de vies, contrairement à ce qui aurait pu être fait à l'époque de la grippe espagnole. Les mesures sanitaires exceptionnelles prises, à l'image des confinements successifs, ont eux aussi permis de limiter la mortalité. Selon des travaux menés par des chercheurs de l'École des hautes études en santé publique (EHESP) en 2020, le premier confinement a à lui seul "permis d'éviter 61.739 décès hospitaliers".

Enfin, si les déplacements autour du Globe avaient été aussi importants au début du siècle qu'ils ne le sont actuellement (tourisme, affaires, etc.), nul doute que la pandémie de grippe espagnole aurait été encore plus meurtrière qu'elle ne l'a été.

En outre, le bilan de la pandémie de Covid-19, encore provisoire, pourrait être largement sous-estimé. Une étude publiée en mai dans la revue médicale BMJ estime à près d'un million de morts la surmortalité en 2020 seulement pour 29 pays riches, soit 31% de plus que le nombre de décès officiels du Covid-19.

Le bilan de la grippe espagnole reste lui aussi incertain. Alors que les médecins de l'époque ont constaté que celle-ci affaiblissait les organismes, de nombreuses personnes sont ainsi mortes dans la décennie suivante des suites du virus, notamment des femmes lors de leur accouchement, rapporte le portail national des archives. Cet affaiblissement des défenses immunitaires lié entre autres à la grippe espagnole, conjugué aux 5 difficiles années de conflit ainsi qu'à l’interaction avec des maladies très présentes à l’époque, comme la tuberculose, a aussi mené à de nombreux décès des suites d’une pneumonie ou d’une complication bactériologique. C’est pourquoi les recherches les plus récentes estiment à presque 100 millions les morts causés sur le long terme par cette épidémie.


C.A.

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