Tests, conflits d'intérêt et hydroxychloroquine : quid des affirmations du Pr Raoult ?

Benjamin Cruard et la rédaction de LCI
Publié le 25 juin 2020 à 13h00, mis à jour le 25 juin 2020 à 14h43

Source : La Matinale LCI

CORONAVIRUS - Lors de son audition devant l'Assemblée nationale mercredi, le professeur Didier Raoult a affirmé qu'"on n'a pas testé massivement alors qu'on en avait la capacité". Mais était-ce vraiment le cas ?

C'était une audition attendue. Personnage incontournable de la crise sanitaire, Didier Raoult, grand défenseur du traitement du Covid-19 par l'hydroxychloroquine, a été longuement auditionné par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion de la crise sanitaire, mercredi 24 juin. Devant les députés, l'infectiologue a multiplié les prises de position tranchées, comme il en a l'habitude dans ses vidéos diffusées par l'IHU. Se vérifient-elles toutes pour autant ?

Un des premiers points soulevés par le scientifique, c'est qu'"on n'a pas dit la vérité sur les tests : c'est un examen extrêmement simple, banal, tout le monde est capable de le faire. [...] On n'a pas testé massivement alors qu'on en avait la capacité". Est-ce vrai ? Début avril, 55.000 tests avaient été réalisés à Marseille, pour 250.000 en France. Un rapport de un pour cinq, alors que Marseille ne concentre pas un cinquième de la population française. 

Didier Raoult oublie toutefois de préciser qu'au moment où l'OMS engage à "tester, tester, tester", soit à la mi-mars, la France doit faire face à une pénurie de tests : manque d'extracteurs, d'équipements pour faire les prélèvements, etc. Autant d'éléments qui expliquent le retard pris en la matière. 

Raoult n'a "jamais recommandé" l'hydroxychloroquine ?

Un des autres points soulevés par Didier Raoult, la dénonciation des conflits d'intérêt. L'infectiologue a tiré à boulets rouges sur le laboratoire Gilead, principal producteur mondial de remdevisir, une des molécules concurrentes de l'hydroxychloroquine dans la liste des traitements pour guérir le coronavirus. Et il a souligné la permanence de conflits d'intérêt de la part d'un membre du conseil scientifique, l'infectiologue de l'hôpital Bichat, Yazdan Yazdanpanah qui avait siégé au "Board des experts" de Gilead en avril 2016. 

Didier Raoult dit donc vrai au sujet de celui qui pilote également l'essai Recovery, qui a récemment conclu à l'inefficacité de l'hydroxychloroquine. Mais il oublie de préciser que la Haute autorité de santé déclasse les liens d'intérêt comme tels au bout de trois ans. Et, si le remdesivir a été autorisé aux Etats-Unis, le conseil scientifique n'a, lui, rien dit en sa faveur ou sa défaveur en France.

Coronavirus : Didier Raoult s'explique devant les députésSource : JT 20h Semaine

Didier Raoult a également assuré n'avoir "jamais recommandé" l'hydroxychloroquine, faisant valoir qu'il n'avait "pas le droit de recommander un traitement". Au contraire, estime-t-il, il s'est contenté de "dire ce qu{'il] fai[t]", jugeant avoir "le devoir d'informer les gens"

Une déclaration qui surprendra, à la lumière de ses plus anciennes sorties dans la presse au sujet de la molécule controversée. Ainsi, dans une interview à 20 Minutes datant de février, il estimait que ce serait "comme une faute médicale que de ne pas donner de chloroquine contre le virus chinois (sic)". Un mois plus tard, dans Le Parisien, il disait encore qu'il serait "immoral" d'attendre "un essai clinique" pour utiliser le traitement. C'est une question de "nuance", ajoutera le célèbre chercheur devant les députés, qui jugera dans le même temps que le débat autour était "une grande folie"

Enfin, c'est la question des essais cliniques qui a le plus crispé pendant l'audition. Bousculé par le député Modem Philippe Berta, généticien de profession, qui lui demandait pourquoi il n'en avait pas conduit afin de s'épargner cette polémique, le Pr Raoult s'est emporté contre les "méthodologies" et les "statistiques" qui prendraient le dessus sur la science... sans pour autant apporter de réponse vérifiable sur la pertinence des essais cliniques, qui font pourtant consensus. 

Pour être convaincu de l'utilité ou non de ces essais, il faudra se contenter de l'avis de l'autoproclamé "grand scientifique", qui prédira, en conclusion : "Ce traitement sera dans les livres médicaux !"


Benjamin Cruard et la rédaction de LCI

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