Coronavirus : que sait-on exactement de l'hydroxychloroquine ?

Publié le 25 mai 2020 à 18h08

Source : JT 13h Semaine

SANTÉ - Focus sur la très controversée hydroxychloroquine, dérivée de l'antipaludéen chloroquine, actuellement expérimentée dans plusieurs pays comme possible traitement contre le Covid-19.

Didier Raoult, sommité mondiale des épidémies virales, ne jure plus que par elle depuis de longs mois. Au Sénégal, elle a été prescrite à la moitié des malades du Covid-19. Le Brésil en a généralisé l'usage. Donald Trump affirme carrément en prendre lui-même tous les jours, "à titre préventif". Il n'empêche : les doutes subsistent. 

Samedi 23 mai, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a solennellement annoncé : "Suite à la publication dans The Lancet d'une étude alertant sur l'inefficacité et les risques de certains traitements du Covid-19 dont l'hydroxychloroquine, j'ai saisi le HCSP (Haut conseil de la santé publique) pour qu'il l'analyse et me propose sous 48h une révision des règles dérogatoires de prescription." Notre gouvernement avait, dans un premier temps, autorisé son utilisation, en la limitant aux "formes graves"

Alors que la confusion continue de régner, une question se pose, plus que jamais : que sait-on, au bout de plusieurs mois de pandémie, concernant cette très controversée hydroxychloroquine ? Elements de réponse.

L'hydroxychloroquine, mais qu'est-ce que c'est ?

La chloroquine est un médicament prescrit depuis plusieurs décennies contre le paludisme, un parasite véhiculé par le moustique. Son dérivé moléculaire, mieux toléré, l'hydroxychloroquine (HCQ), connue en France sous le nom de Plaquénil, est, lui, prescrit contre le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde. C'est le plus souvent l'HCQ qui est testée contre le Covid-19. Ces molécules, connues et peu onéreuses, ont suscité beaucoup d'espoir, notamment en Afrique. 

Mais, bien que devenues au fil des derniers mois un sujet de débat public et politique très exacerbé, elles ne représentent que quelques gouttes dans un océan de plus de 800 essais cliniques, pour plusieurs dizaines de traitements potentiels. 

L'hydroxychloroquine est-elle efficace contre le Covid-19 ?

La question perdure, et c'est tout le problème. L'hypothèse d'une action de ces molécules contre le Covid-19 vient initialement du fait que leurs propriétés antivirales ont montré in vitro ou sur des animaux, et sur différents virus, des résultats parfois positifs. Problème : les résultats scientifiques in vitro ne se retrouvent pas toujours in vivo chez l'homme. 

Concrètement, pour ce qui est d'une efficacité sur l'homme contre le Covid-19, il n'y a pas de consensus scientifique, faute de recul suffisant et d'études menées selon les règles habituelles : randomisation (patients choisis par tirage au sort), "groupe témoin" (des patients reçoivent le traitement, d'autres non), "double-aveugle" (patients et médecins ne savent pas qui a pris le traitement et qui a reçu le placebo).

La plupart des études consacrées jusqu'alors au Covid-19 ont, en outre, été menées sur un nombre restreint de patients. Enfin, une telle étude doit être publiée dans une revue scientifique après relecture critique et validation par d'autres scientifiques, indépendants de ceux qui ont mené les tests. Et, à ce jour, il n'y a pas d'études qui remplissent tous ces critères à la fois, beaucoup contenant des biais méthodologiques, plus ou moins importants.

Toutes les études récentes, menées à plus grande échelle que celles du début de la pandémie ou celles relayées par Didier Raoult, montrent cependant que l'hydroxychloroquine n'a ni amélioré, ni détérioré de manière significative l'état des patients.

Y a-t-il des risques à en prendre ?

La choloroquine surtout, mais aussi l'hydroxychloroquine, sont des médicaments dont les effets secondaires peuvent être importants, voire graves. L'agence française du médicament, l'ANSM, a particulièrement mis en garde contre les risques cardiaques liés à la combinaison HCQ et azithromycine. L'Agence suédoise du médicament a même interdit, le 2 avril, la prescription de chloroquine et d'hydroxychloroquine, faute de données suffisantes sur leur innocuité.

Parce que les connaissances sont trop limitées, l'Agence européenne du médicament, notamment, estime que ces médicaments ne devraient "être utilisés que pour des essais cliniques ou des programmes d'urgence" dans le cadre de protocoles stricts validés dans chaque pays. De même, l'étude parue le 22 mai dans The Lancet juge nécessaire de restreindre ces traitements aux essais cliniques. D'après elle, ces molécules augmentent le risque de décès et d'arythmie cardiaque.

Dans quel cadre peut-on l'utiliser ?

Là encore, les points de vue divergent. Le gouvernement français, par exemple, avait limité son usage aux cas graves, quand Didier Raoult préconisait le contraire, à savoir d'en administrer dès les tous premiers symptômes... Dans la plupart des cas, cela se fait lors d'essais cliniques et, plus largement, à l'hôpital, comme aux Etats-Unis, où l'agence du médicament (FDA) a limité son utilisation à ces deux cas spécifiques.

Au Sénégal, au Tchad, en Algérie, au Maroc, mais aussi en Syrie,  de nombreux malades en ont aussi reçu en milieu hospitalier. Idem en Russie, où elle est légalement distribuée aux hôpitaux pour traiter non seulement les patients testés positifs, mais en outre ceux simplement soupçonnés d'être infectés. Coté essais cliniques, les CHU d'Angers et de Bordeaux testent encore l'hydroxychloroquine, tandis qu'une étude menée sur 900 soignants doit évaluer si hydroxychloroquine et azithromycine sont efficaces en prévention. Ce qui reste donc à démontrer, malgré l'anticipation de Donald Trump.

Dans l'absolu, en dépit des espoirs importants parfois suscités, le monde scientifique prévient qu'il ne faut pas attendre une "molécule miracle", quelle qu'elle soit. Autrement, les chercheurs qui ont démarré des essais plus tôt, en Chine et en Italie, "l'auraient déjà trouvée", dixit le Pr Florence Ader, qui pilote l'étude Discovery, laquelle teste quatre traitements, dont l'hydroxycholoroquine, mais ne livrera probablement pas de conclusions avant plusieurs semaines.


La rédaction de TF1info

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