Coronavirus : que nous apprend l'étude du premier cluster français ?

Publié le 23 avril 2020 à 7h58, mis à jour le 23 avril 2020 à 13h13

Source : TF1 Info

IMMUNISATION - Selon les travaux menés par une équipe de l'Institut Pasteur, dans un lycée de Crépy-en-Valois, foyer du Covid-19 dans l'Oise, seulement 26% des enseignants, élèves et leur famille ont développé des anticorps contre le virus. Une proportion trop faible pour envisager une immunité collective.

C'est la première étude séro-épidémologique en France. Les travaux ont été menés, du 30 mars au 4 avril, dans un lycée de Crépy-en-Valois, un des "clusters" de l'Oise, un mois après le décès d'un enseignant. Une équipe de l'Institut Pasteur révèle que 25,9% des enseignants, lycéens et leur famille ont été infectées par la maladie et ont développé des anticorps contre le virus. Un seuil d'immunité totalement insuffisant pour justifier le moindre relâchement, selon les chercheurs, alors que le déconfinement progressif du pays doit en théorie commencer le 11 mai. 

Dans le détail, 41% des lycéens, enseignants et personnels travaillant dans ce lycée ont été infectés par le coronavirus en février-mars, selon cette étude publiée jeudi 23 avril, réalisée à l'aide de tests de détection d'anticorps. Mais seulement 11% des proches des lycéens (parents et fratrie) avaient des anticorps contre le SARS-CoV-2. C'est loin des 60% à 70% espérés dans la population générale pour avoir une immunité de groupe suffisante pour stopper le virus, sous réserve que les anticorps soient réellement protecteurs contre le Covid-19 et que cette immunité perdure au moins plusieurs mois.

 "Nous n'avons pas de certitude sur le caractère protecteur des anticorps", souligne le Pr Arnaud Fontanet, premier auteur de l'étude et responsable de l'unité Épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur. Dans le cas du Sras, né en Chine au début des années 2000, des études avaient rapporté que 10% des patients n'avaient plus d'anticorps au bout de 12 mois.

Les effets positifs du confinement

Les résultats de cette étude épidémiologique et sérologique sur 661 personnes suggèrent que l'immunité collective ne s'établira pas rapidement. D'autant que "d'autres régions de France sont quasiment indemnes" de contact avec ce virus, ajoute le chercheur. Il constate cependant "les effets positifs du confinement sur le ralentissement de la pandémie : les vacances scolaires de février et le confinement dans l'Oise - intervenu le 1er mars, avant son extension généralisé à l'ensemble du pays le 17 mars - ont fait diminuer fortement la circulation du virus dans les semaines qui ont suivi".

Ainsi, les contaminations intra-familiales n'apparaissent pas si fréquentes : le risque d'être infecté au sein du domicile passait de 9% à 17% pour les parents si le lycéen était infecté, et de 3% à 21% pour la fratrie si le lycéen était infecté. Les 9% de parents infectés quand le lycéen ne l'était pas donnent une estimation de la circulation du virus en population adulte. Le taux n'atteignait que 3% chez des donneurs de sang infectés dans deux banques de sang. 5,3% des personnes infectées ont été hospitalisées (âgés de 49 ans en moyenne contre 18 ans chez les non hospitalisés) et il n'y a pas eu de décès. "Les lycéens se rapprochent plus des adultes pour la capacité de transmission du virus que des enfants", avance le Pr Arnaud Fontanet.

La nicotine, efficace contre le Covid-19 ?

Trois tests sérologiques mis au point par l'Institut Pasteur, "très performants", avec "moins de 1% de faux positifs" ont été utilisés, souligne Bruno Hoen, co-auteur de l'étude et directeur de la recherche médicale à l'Institut Pasteur. "Ils ont été préalablement testés sur des échantillons de banque de sang datant 2018 et 2019, période à laquelle le nouveau coronavirus ne circulait pas en France", précise le Pr Fontanet. Parmi les symptômes, l'étude confirme que l'infection est retrouvée chez 84,7% et 88,1% des personnes ayant perdu l'odorat et le goût. Au moins 17% des personnes infectées était asymptomatiques.

L'autre enseignement est que l'infection a touché moins de fumeurs (7,2%) que de non-fumeurs (28%), soit quatre fois moins, confirmant de précédentes observations d'un très faible taux de fumeurs chez les patients hospitalisés. Une étude, menée par des médecins de l'hôpital parisien de la Pitié-Salpétrière, a d'ailleurs été lancée, sur la base d'essais préventifs et thérapeutiques au moyen des patch, pour démontrer si la nicotine "protège" ou non du Covid-19. Mais "les fumeurs, en cas de contamination", avertit le Pr Arnaud Fontanet, "risquent de faire plus des complications de la maladie Covid-19."


La rédaction de TF1info

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