Le couvre-feu a-t-il "accéléré les contaminations" au Covid-19 ?

Publié le 27 janvier 2021 à 18h22
Couvre-feu à Toulouse, le 16 janvier 2021.
Couvre-feu à Toulouse, le 16 janvier 2021. - Source : GEORGES GOBET / AFP

AFFLUENCE - Selon l'ancienne ministre Ségolène Royal, les magasins et métros bondés dans la capitale en fin de journée sont la preuve que le couvre-feu entraîne des contaminations. Pourtant, rien ne permet de l'assurer.

Le phénomène est a priori assez logique. En abaissant le couvre-feu à 18h, les Français s'affairent plus tôt à leurs occupations personnelles. Ce qui provoque inéluctablement une affluence, que ce soit dans les rayons des supermarchés ou dans les rames de métro. Un phénomène qui, s'il est avéré, est forcément problématique en pleine pandémie de coronavirus. C'est en tout cas la réflexion de Ségolène Royal.

Sur Twitter, la candidate déchue à la présidentielle de 2007 a remarqué ce mardi 26 janvier une "concentration" de Parisiens dans certains lieux de 17h à 18h. Pour l'ancienne ministre, cette observation personnelle permet de conclure qu'il est "évident" que cette mesure "accélère les contaminations". Une question de "bons sens" d'après elle, mais qu'en est-il réellement ?

Les contaminations repartent à la hausse

Comme nous l'écrivions il y a une dizaine de jours, le couvre-feu avancé à 18h avait commencé à porter ses fruits dans les Alpes-Maritimes, l'un des premiers départements à appliquer cette consigne. Mais si les indicateurs avaient d'abord fléchi, ils sont désormais repartis à la hausse. Pour le constater, nous nous sommes penchés sur le taux d'incidence. Cet indice représente le nombre de nouveaux cas de Covid-19 diagnostiqués sur une semaine pour 100.000 habitants. Grâce aux données de Santé publique France mises en image par le site CovidTracker, nous avons pu observer l'évolution de cet indicateur à mesure que le couvre-feu était mis en place. Pour rappel, elle a d'abord été appliquée le 2 janvier dans quinze départements, avant d'être étendue le 10 janvier à huit autres départements, puis généralisée à toute la métropole le 16 janvier.

Dans la première zone, celle qui a appliqué le couvre-feu le plus tôt, on observe très clairement sur le graphique ci-dessous que les contaminations ont d'abord baissé une semaine après l'entrée en vigueur de la mesure, soit le 8 janvier. Ensuite, la courbe s'est stabilisée. Avant de totalement s'inverser environ deux semaines après sa mise en place, le 18 janvier. Un constat similaire à celui des autres zones du pays. Le confinement nocturne n'a eu absolument aucun effet sur le taux d'incidence. L'exécutif lui-même reconnaît l'absence d'effet bénéfique sur les départements entrés plus tardivement en couvre-feu. Ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres, Gabriel Attal a ainsi confié qu'à ce stade "l'efficacité du couvre-feu à 18h est relative", confiant que le maintien de cette seule mesure était "peu probable". 

Impact du couvre-feu dans trois zones de France, données arrêtées au 26 janvier
Impact du couvre-feu dans trois zones de France, données arrêtées au 26 janvier - Guillaume Rozier / CovidTracker

Partout dans l'Hexagone, la courbe a donc fait l'inverse que ce qui était attendu. Elle est repartie à la hausse dès la mi-janvier. Une tendance qui s'accélère. Alors peut-on estimer que la mesure a joué en faveur des contaminations ? Rien ne le prouve. Au contraire. Si tel était le cas, les différentes courbes des départements devraient remonter à des intervalles espacés. Les quinze premiers devançant le reste de la France. Il n'en est rien. Tout le pays semble suivre le même scénario. 

Interrogé par LCI.fr Guillaume Rozier partage ce constat. Fondateur du site CovidTracker, il nous expliquait ce lundi que si le "couvre-feu n'a pas un effet positif très net", il n'a "pas non plus d'effets nets défavorables". "Nous n'avons pas observé une explosion de l'incidence depuis qu'il a été mis en place, alors que beaucoup pensaient que cela allait concentrer davantage de population dans les commerces, dans les transports, etc. Au mieux, le couvre-feu à 18h a eu un effet modéré. Au pire, il n'a pas vraiment été efficace", résumait-il. 

D'ailleurs, rien ne montre non plus que le nombre de passagers dans les rames de métro a explosé en début de soirée. Auprès de LCI.fr, Île-de-France Mobilités a en effet assuré que si l'heure de pointe est quelque peu avancée, il n'y a "pas d'effet d'engorgement" dans les transports en commun de la région parisienne.

On ne peut donc pas lier la flambée actuelle de l'épidémie au couvre-feu. Il semblerait plutôt que ce phénomène soit concomitant à la propagation du variant anglais, plus contagieux, sur le territoire français. Pour donner un ordre d'idée, d'après les hôpitaux de Paris, près de 10% des cas dépistés depuis deux semaines en Ile-de-France seraient liés au variant britannique. Idem dans les Alpes-Maritimes

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Felicia SIDERIS

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