Coronavirus : ces pays ont tenté la stratégie de l’immunité collective... sans succès

Publié le 3 août 2020 à 18h18, mis à jour le 3 août 2020 à 18h49

Source : TF1 Info

CRISE SANITAIRE – Laisser les jeunes se contaminer entre eux pour participer à l’immunité collective ? Si l’idée du professeur Éric Caumes a beaucoup fait réagir la communauté scientifique, certains pays avaient déjà imaginé laisser le virus circuler au sein de la population dans cette optique. Mais sans succès.

Comment venir à bout du coronavirus ? Depuis le début de la crise sanitaire, de nombreuses stratégies ont été évoquées. Face à la montée des cas, la grande majorité des pays, à l’instar de la France, ont opté pour un confinement strict. Mais en cas de deuxième vague, et face aux conséquences économiques, sociales et sanitaires d’une telle mesure, d’autres solutions doivent être envisagées.

Parmi elles, la stratégie de l’immunité collective. L’idée paraît simple : si suffisamment de personnes ont contracté le virus et développé des anticorps, alors le Covid-19 s’éteindra de lui-même, car les chaînes de contamination seront restreintes. Pour l’atteindre, le professeur Éric Caumes, chef de service des maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière (Paris), prône pour laisser le virus circuler chez les jeunes, en théorie les moins gravement touchés par la maladie. Plus tôt durant la crise sanitaire, plusieurs pays avaient déjà envisagé la stratégie de l’immunité collective. Tour d'horizon.

La Suède

C’est le pays symbole de l’immunité collective : la Suède. Contrairement à la quasi-totalité des pays européens, les autorités suédoises n’ont jamais imposé de confinement à leur population. En pleine crise sanitaire, les Suédois pouvaient toujours se rendre dans les bars et les restaurants, et les moins de 16 ans continuaient à sillonner le chemin de l’école.

Même si la Suède veut croire que sa stratégie sera gagnante à long terme, les conséquences sanitaires sont nombreuses. Le pays déplore à ce jour 5.743 décès, selon l’université Johns Hopkins, et figure à la sixième place des pays les plus endeuillés en proportion de la population, avec 569 morts par million d’habitants. Preuve d’un petit recul en arrière, la Suède a appelé fin juillet ses habitants à poursuivre le télétravail jusqu’en 2021.

Les mesures moins strictes qu'à l'étranger ont toutefois eu un avantage : la proportion de Suédois immunisés serait plus importante qu’ailleurs, même si la Suède s’est toujours défendue de chercher l’immunité collective. Mi-juillet, selon les estimations officielles relayées par l’AFP, près d’un Stockholmois sur cinq était porteur d’anticorps, un ratio supérieur aux autres pays. Insuffisant toutefois, puisque selon l’institut Pasteur, l’immunité collective pour le Covid-19 ne serait efficace que lorsque 70% de la population aura développé des anticorps.

Les Pays-Bas

Du côté des Pays-Bas, les autorités n’ont, elles, pas caché leur volonté de développer une immunité collective au sein de la population. "La réalité est qu’une grande partie de la population néerlandaise sera infectée par le coronavirus", avait déclaré le 16 mars le Premier ministre Mark Rutte. Il avait alors annoncé que son gouvernement voulait parvenir à une "immunité de groupe" dans l’attente d’un vaccin, laissant les personnes les moins vulnérables attraper le virus tout en protégeant les personnes âgées et les malades, en excluant un confinement total.

Les Pays-Bas ont toutefois pris des mesures de restriction quelques jours plus tard, appelées "confinement intelligent", les autorités ayant appelé la population, sans l’obliger, à rester chez elle et à éviter les rassemblements. À ce jour, le pays déplore 6.179 décès, pour plus de 55.000 cas officiellement recensés, selon l’université Johns Hopkins.

Le Royaume-Uni

Même s’il n’a jamais assuré avoir choisi cette approche, le Royaume-Uni a mis du temps avant d’établir une stratégie similaire à ses voisins en imposant le confinement. Patrick Vallance, le conseiller scientifique du Premier ministre britannique Boris Johnson, avait dans un premier temps semé le trouble en suggérant qu’une "immunité collective" pouvait se développer si une partie de la population guérissait du virus. Mais face aux critiques, le gouvernement a préféré démentir et affirmer qu’il s’agissait simplement d’un "concept scientifique et non d’un objectif".

C’est uniquement le 23 mars, alors que le nombre de cas et de décès augmentait de façon exponentielle, que le gouvernement ordonne le confinement. Une décision survenue quelques jours après un avertissement adressé par l’université Imperial College London, qui évoquait la possibilité de voir des centaines de milliers de Britanniques décéder du Covid-19 si "aucune action n’était entreprise contre l’épidémie".

À ce jour, le Royaume-Uni est le pays européen le plus endeuillé avec 46.286 décès, mais déplore également le nombre de morts le plus élevé par million d’habitants dans le monde (681), juste derrière la Belgique (849).

Les Etats-Unis

Aux États-Unis, pays le plus touché par la pandémie dans le monde, un État a tenté une stratégie similaire : la Floride. "Il y a eu ici le même type de raisonnement, dans un style un peu différent", regrette sur LCI Christian Bréchot, virologue et président du Global Virus Network (voir vidéo en tête de cet article). "Les jeunes se contaminaient massivement et il y avait des précautions majeures pour éviter que les maisons de retraite soient touchées", explique-t-il. "Mais c’est un échec total, le nombre de morts augmente de façon considérable." Plus de 7.000 décès ont été recensés à ce jour en Floride.

"C’est théorique de se dire que nous allons pouvoir empêcher le contact entre une population de jeunes qu’on laisse s’infecter, et une population de personnes plus âgées", continue Christian Bréchot. "Parmi les jeunes, il y a des personnes qui sont vulnérables. En Floride, nous voyons une population relativement jeune décéder des complications du Covid-19."


Idèr NABILI

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