En Thaïlande, les autorités refusent-elles vraiment la vaccination par crainte des risques ?

Publié le 26 janvier 2021 à 18h56, mis à jour le 27 janvier 2021 à 9h37
Le Premier ministre n'est pas opposé au vaccin : la campagne doit d'ailleurs débuter à la mi février.
Le Premier ministre n'est pas opposé au vaccin : la campagne doit d'ailleurs débuter à la mi février. - Source : HANDOUT / ROYAL THAI GOVERNMENT / AFP

PRUDENCE - Des publications affirment qu'en Thaïlande, la vaccination n'est pas à l'ordre du jour car les autorités attendent davantage de recul sur les vaccins et leurs effets. Ce n'est que partiellement vrai.

"Je crois vouloir déménager !" Sur Facebook, des internautes vantent les mérites de la Thaïlande, où les autorités semblent afficher des réserves majeures au sujet des vaccins. La capture d'écran d'un article est mise en avant, avec le titre suivant : "Le Premier ministre thaïlandais déclare qu'il n'y a pas de vaccin pour les Thaïlandais tant qu'il n'a pas été prouvé sans danger." 

Une sage décision aux yeux des internautes, qui relaient nombreux ce message. Faut-il en conclure que du côté de Bangkok, le vaccin attendra ? Pas tout à fait. Si les dirigeants se montrent assez prudents, ils ont bel et prévu une vaccination des populations, et ce dès la mi-février.

Pas d'opposition de principe aux vaccins

Afin de vérifier la véracité de ces affirmations, la première étape consiste à retrouver la source de cet article. Des recherches approfondies ne permettent pas de le retrouver, du moins pas écrit en français. Et pour cause : la capture d'écran partagée sur les réseaux sociaux est celle d'un article initialement publié en anglais puis passé entre les mains d'un traducteur automatique en ligne. 

À l'origine, il s'agit d'une publication réalisée par le Chiang Rai Times, un portail d'information en ligne basé en Thaïlande et dont une partie de la production est diffusée en anglais. L'article en question, publié le 18 janvier, se base sur une déclaration du Premier ministre, Prayut Chan-o-cha, réalisée via sa page Facebook. "Certains pays voulaient des vaccinations rapides et ont décidé d'utiliser des vaccins dont l'efficacité et la sécurité n'ont pas encore été entièrement testées", écrit-il notamment. Avant d'ajouter qu'il ne permettra pas "qu'on utilise à la hâte des vaccins qui n'ont pas été complètement testés" et qu'il ne souhaite pas que "le pays soit utilisé comme sujet d'expérimentation".

Il est tout à fait exact d'expliquer que la Thaïlande affiche une certaine prudence, mais cela ne signifie pas pour autant que la vaccination est repoussée aux calendes grecques. Le pays "prévoit de commencer le déploiement national du vaccin Covid-19 à partir du 14 février, en commençant par les soignants et les travailleurs en première ligne", soulignait cette semaine le très sérieux média américain Bloomberg. Une décision qui intervient "alors que ce pays d'Asie du Sud-Est lutte contre une nouvelle vague d'infections". 

La Thaïlande, apprend-on encore, "a approuvé la semaine dernière les vaccins d'AstraZeneca pour une utilisation d'urgence, et devrait recevoir 50.000 doses le mois prochain de la part de la firme britannico-suédoise". Elle se trouve par ailleurs "en passe de recevoir 200.000 doses de Sinovac Biotech, dont le vaccin devrait obtenir l'aval de l'autorité locale de réglementation des médicaments dans environ trois semaines". Une mise en route plus tardive qu'en Europe, certes, mais qui se révèle désormais imminente.

Une situation peu comparable

Il semble assez hasardeux de comparer la réaction des autorités thaïlandaises vis-à-vis du vaccin avec celles des dirigeants européens. En effet, bien que le pays asiatique doive aujourd'hui faire face à une résurgence de l'épidémie, celle-ci s'avère toujours bien moins grave que sur le Vieux continent. À peine plus peuplée que la France, la Thaïlande n'a enregistré jusqu'à présent que 14.646 cas, soit environ 200 fois moins. Elle ne déplore par ailleurs que 75 décès, contre plus de 73.000 dans l'Hexagone.

Pour les autorités thaïlandaises, la vaccination apparaît donc moins urgente, le pays ne se trouvant pas dans une situation sanitaire critique. Face à un virus encore peu meurtrier sur son sol et à des vaccins à propos desquels le recul demeure réduit, le Premier ministre ne se voit donc pas contraint de faire preuve d'un grand volontarisme. Soulignons également que la Thaïlande, de par sa structure démographique, apparaît comme un pays moins à risque que la France. La proportion de personnes âgées y est notamment bien moindre : quand les plus de 65 ans représentent là-bas 11% de la population, ils sont près de 19% ici en France. Sachant que le virus se montre bien plus dangereux pour les classes d'âges les plus avancées, la population thaïlandaise court, statistiquement en théorie, moins de risques.

Les déclarations du Premier ministre Prayut Chan-o-cha doivent donc être accueillies avec réserves. Si la Thaïlande ne s'est pas précipitée pour débuter les campagnes de vaccinations, celles-ci vont débuter sous peu, à compter de la mi-février. Les autorités de santé locales ont d'ores et déjà validé l'utilisation d'un vaccin, tandis qu'un second est pressenti pour recevoir bientôt les agréments nécessaires. Présenter la Thaïlande comme un pays hostile au vaccin apparaît ainsi largement exagéré et potentiellement trompeur.

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Thomas DESZPOT

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