Covid-19 : la France a-t-elle vraiment les plus mauvais chiffres en Europe ?

Publié le 25 octobre 2020 à 23h11, mis à jour le 26 octobre 2020 à 1h01

Source : 24H PUJADAS, L'info en questions

STATISTIQUES - Avec plus de 40.000 cas enregistrés quotidiennement ces derniers jours, 45.000 samedi 24 et même 50.000 dimanche 25 octobre, la France a battu le record du nombre de tests positifs en Europe en 24 heures. Comment l'expliquer ?

C'est un record absolu en Europe. Avec 42.032 nouvelles infections au Covid-19 vendredi, plus de 45.000 ce samedi, plus de 50.000 ce dimanche, la France a enregistré le nombre de cas le plus élevé sur le continent depuis le début de la pandémie. Pourtant, ailleurs en Europe, le virus continue de se propager. Une circulation tellement importante que les restrictions se multiplient, allant même jusqu'au confinement en Irlande et au Pays-de-Galles. Alors pourquoi, en termes de nombre de cas, la France fait-elle office de mauvaise élève ?

Pour Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille, la France ne mérite pas forcément de porter le bonnet d'âne. "Dans tous les pays d'Europe, le nombre de cas est sous-estimé", explique-t-il à LCI. "A moins de réaliser des dépistages nationaux massifs, personne n'identifie les cas totalement asymptomatiques", poursuit-il. Selon lui, le nombre de cas détectés ne reflète pas forcément le niveau de circulation du virus. "Lorsque nous disons qu'il y a 42.000 cas dans la journée en France, c'est parce que 42.000 personnes ont été testées positives aux tests PCR. Mais si nous avions réalisé dix fois plus de tests, peut-être en aurions-nous trouvé beaucoup plus."

"Nous ne pouvons pas comparer le nombre de cas en Belgique et en France"

En ce sens, se comparer à nos voisins européens semble complexe, puisque "tous les pays n'ont pas la même politique de réalisation des tests", précise Philippe Amouyel, selon qui la comparaison doit plutôt être effectuée sur des éléments fixes : "Le nombre d'entrées en réanimation, le nombre d'hospitalisations et les décès". Mais ces données, en nette augmentation en France, présentent un inconvénient. Ces indicateurs arrivent "en fin de propagation du virus", note le professeur de santé publique, puisque les entrées à l'hôpital, et a fortiori les décès, n'interviennent que plusieurs semaines après les contaminations.

Pour connaître la "vitesse de circulation" du virus, et ainsi la confronter aux autres pays européens, "il ne faut pas comparer le nombre de cas détectés, mais plutôt les rapporter à des dénominateurs pour normaliser" les données, indique Philippe Amouyel. "Nous ne pouvons pas comparer le nombre absolu de cas en Belgique, 11 millions d'habitants, à celui de la France, 67 millions."

Le taux d'incidence en France, pas le plus élevé d'Europe

Un indicateur pourrait permettre de mieux évaluer la circulation du virus et la comparer à nos voisins : le taux d'incidence (nombre de cas pour 100.000 habitants). Selon Santé publique France, il s'élevait, au 19 octobre, à 241,8 dans l'Hexagone. S'il est supérieur à celui enregistré au Royaume-Uni (178,1) ou en Espagne (160,7), d'autres pays proches de nous font pire. La Belgique (468,1), les Pays-Bas (311,2) et surtout la République tchèque (533,1) déplorent un taux d'incidence encore plus élevé.

Mais pour Philippe Amouyel, "il faut surtout regarder la façon dont les tests sont réalisés". Ceux-ci peuvent être "diagnostics", en dépistant uniquement les personnes ayant des symptômes, mais peuvent également prendre en compte les cas contacts. La France, elle, permet à tous ceux qui le souhaitent de se faire tester. "Aujourd'hui, nous n'avons ni les chiffres, ni les outils épidémiologiques pour comparer" efficacement les pays entre eux, poursuit-il. "Idéalement, il faudrait réaliser un dépistage en population", à l'instar de ce qu'a réalisé le Royaume-Uni. En effectuant "un sondage sur un échantillon représentatif pour savoir combien de personnes sont positives à l'instant T", l'Angleterre a récemment assuré que "5,5 personnes sur 1000" y sont contaminées, nous indiquait récemment l'épidémiologiste Catherine Hill.


Idèr NABILI

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