Malgré la vaccination dans les Ehpad, plus de 100 familles dénoncent le maintien des restrictions

Publié le 21 avril 2021 à 16h31, mis à jour le 21 avril 2021 à 19h37
L'Ehpad des Glenans, près de Nantes, le 30 mars 2021
L'Ehpad des Glenans, près de Nantes, le 30 mars 2021 - Source : LOIC VENANCE / AFP

ÉPIDÉMIE – Dans une lettre envoyée à Emmanuel Macron, 115 familles de résidents d’Ehpad déplorent l'absence de retour à la normale dans les Ehpad. 75% des résidents ont pourtant été vaccinés.

Dans les Ehpad, qui furent gravement touchés par l’épidémie, des jours meilleurs étaient attendus dès le 13 mars, avec une reprise des visites et des sorties. Dans une charte, le ministère de la Santé appelait alors les directions des établissements à assouplir les mesures sanitaires prises jusqu’ici, dans le respect des gestes barrières et "dans la mesure du possible et sous réserve de la situation épidémiologique propre à chaque territoire et à chaque établissement".

Pourtant, certains établissements ont décidé de maintenir leur protocole sanitaire, ce que dénoncent des familles de résidents. Dans un courrier envoyé le 19 avril à Emmanuel Macron et Jean Castex, le Collectif Ehpad Familles 42 alerte sur le fait que le retour à la normale promis par le chef de l’État, lors de son allocution du 31 mars, n’a pas eu lieu "malgré la vaccination maximale des résidents, nos parents". 

Le collectif, qui regroupe 115 familles de résidents d'Ehpad de la Loire et des environs, se fonde sur des témoignages provenant de plusieurs établissements et attestant entre autres d’un isolement de sept jours en cas de sortie d’un résident, vacciné ou non, ou bien d’une interdiction des visites en chambre "tant que la famille ne sera pas vaccinée". "Ces disparités entre établissements sont intolérables. Combien de temps certains de nos parents vont-ils rester enfermés dans l'enceinte de l'Ehpad ?", déplore le collectif, qui demande "en urgence la mise en œuvre d'un socle de mesures juridiques non négociables par les directions, garantissant l’autorisation des sorties sans peine d'isolement au retour, des visites libres sans rendez-vous et en chambre pour plus d'intimité, la non-obligation de vaccination des familles pour aller en chambre". 

À peine 40% des personnels vaccinés

Jointe par LCI, Yvonne*, l’une de ses membres, explique "crouler sous les témoignages" depuis la diffusion de cette lettre. Sa mère, elle, réside dans un Ehpad de la Loire et ne peut en sortir qu’à condition de s’isoler dans sa chambre pendant sept jours à son retour. Selon Yvonne, ce qui pousse la direction à continuer à appliquer un tel protocole est "la peur des variants", mais aussi la couverture vaccinale encore insuffisante. "Certains Ehpad qui n’ouvrent pas ou très peu aux visites car le personnel n’a pas reçu la vaccination maximale", témoigne cette membre du collectif, à qui la direction a affirmé vouloir "protéger son personnel". En effet, si 98,1% des résidents ont reçu une première dose au 13 avril, dont 75,1% les deux doses, on ne peut en dire autant des soignants, pour qui la campagne s’est ouverte un mois plus tard. Selon Santé publique France (SPF), 68,4% des professionnels exerçant en Ehpad ont bénéficié d’une première injection à cette même date, dont 39,3% les deux. 

Ce qui complique l’assouplissement des mesures dans ces lieux clos à haut risque. Dans sa charte à destination des directions d’Ehpad, le ministère de la Santé a d’ailleurs prévenu que "sans une vaccination massive des professionnels, un retour à la normale dans les établissements ne sera pas possible". C'est pourquoi Korian, qui dénombre près de 300 Ehpad en France, poursuit l'objectif d'avoir vacciné l'ensemble de son personnel d'ici au mois de juillet. Afin de "ramener une sérénité complète dans les établissements", des campagnes sont alors menées en interne pour inciter le personnel à se faire vacciner. 

Ayant eu connaissance de la démarche du collectif Ehpad Familles 42, le groupe dément toutefois le maintien des mesures à l'intention des personnes ayant reçu une dose de vaccin : "Les résidents peuvent sortir de manière beaucoup plus libre qu’avant, dans le respect des 10km. Ce dont parlent les familles, ce sont des cas où les résident ne sont pas vaccinés. Nous avons eu des cas de résidents qui ont refusé de se faire vacciner et où les directions appliquent la mise en précaution."

De son côté, le Synerpa, le syndicat national des maisons de retraite privées qui compte 2800 adhérents dont 1900 Ehpad, souligne que "l’assouplissement est la norme" aujourd’hui au sein des établissements et que le maintien des mesures reste du cas par cas. "Il faut éviter à tout prix que la situation rebascule", nous indique-t-on. "Ce qui se joue est aussi la situation très traumatisante il y a un an, à laquelle les équipes n’étaient pas préparées. Sans doute il y a un excès de prudence de la part des directeurs qui ne préfèrent pas prendre de risque." 

Mais selon le collectif, les dégâts causés par une poursuite de l’isolement des personnes âgées sont trop sérieux pour être ignorés. "Depuis le mois de juin, on alerte sur les dégâts collatéraux avec des décès par syndrome de glissement", souffle Yvonne, faisant référence à des changements de comportement soudains observés chez des personnes âgées, associés à une perte d’autonomie. "Je défie quiconque de supporter ce que nos résidents supportent : qui aurait accepté de rester deux mois en chambre ?" Depuis le mois de mars 2020, l’épidémie a tué 101.597 personnes en France, dont 26.184 dans les Ehpad.

*Le prénom a été modifié 


Caroline QUEVRAIN

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