Le traitement hydroxychloroquine + azithromycine ne peut pas expliquer la faible mortalité allemande

Publié le 9 décembre 2020 à 16h58
L'Allemagne a notamment profité de campagnes de tests menées très tôt, bien avant la France.
L'Allemagne a notamment profité de campagnes de tests menées très tôt, bien avant la France. - Source : Markus Schreiber / POOL / AFP

MODÈLE ALLEMAND - La faible mortalité ultra-rhénane serait due à l'utilisation du "protocole Raoult", assurent des internautes. Faux : les autorités de santé outre-Rhin ne préconisent pas un traitement à base d'hydroxychloroquine et d'azithromycine.

Il est tentant en cette période de crise sanitaire d'observer les réponses apportées par nos voisins à l'épidémie qui touche l'Europe et le monde. L'Allemagne est notamment scrutée avec attention, elle qui se voit régulièrement prise en exemple côté français dans de multiples domaines. Avec une mortalité moindre, 23 morts pour 100.000 habitants contre 83 dans l'Hexagone, il semble logique de vouloir s'inspirer de la méthode germanique. Ces derniers jours, des internautes ont relayé sur les réseaux sociaux ce qu'ils présentent comme les clefs de cette gestion efficace. L'Allemagne, nous dit-on, "a limité les CT des PCR" et "autorisé le traitement par hydroxychloroquine et d'azithromycine". Une recette magique ? Clairement pas, puisque les autorités sanitaires assurent que ces molécules sont déconseillées.

Avant de se pencher sur l'usage d'hydroxychloroquine et d'azithromycine, il faut souligner que le fait de limiter le nombre de CT, les cycles de détection réalisés dans le cadre des tests RT-PCR, n'a absolument aucun impact sur la mortalité. LCI s'est déjà penché sur ces CT, sources de polémiques, mais leur nombre ne peut en aucun cas avoir d'impact sur le nombre de personnes qui vont ou non décéder du Covid-19. Cela pourrait tout au plus avoir une influence potentielle sur le nombre de cas effectivement diagnostiqués.

Un traitement non recommandé, comme en France

En ce qui concerne, l'emploi du "protocole Raoult" outre-Rhin, c'est vers le ministère de la Santé allemand qu'il faut se tourner. Sollicité par LCI, il explique que l'Allemagne autorise ces deux molécules sur son sol, de façon distincte et pour traiter des pathologies spécifiques (ce qui est le cas également en France). "Les médicaments contenant de l'azithromycine sont approuvés en Allemagne pour le traitement de diverses infections bactériennes, en particulier des voies respiratoires supérieures et inférieures", nous indique-t-on. Ceux contenant de l'hydroxychloroquine, quant à eux, "sont approuvés pour le traitement et la prévention du paludisme, ainsi que pour le traitement de certaines maladies auto-immunes". En revanche, si "l'efficacité des deux médicaments contre le SRAS-CoV-2 a été étudiée dans le cadre d'essais cliniques", leur bénéfice clinique "n'a pas encore été prouvé"

Le ministère de la Santé allemand ajoute qu'en avril dernier, "l'Institut fédéral allemand des médicaments et des dispositifs médicaux (BfArM) a publié des instructions pour une utilisation sûre des médicaments contenant de l'hydroxychloroquine". Il a aussi émis des "avertissements sur les effets secondaires cardiaques connus lors de l'utilisation simultanée de médicaments contenant de l'hydroxychloroquine et de l'azithromycine". 

En se basant sur ces observations, "l'utilisation d'une combinaison de médicaments contenant de l'hydroxychloroquine et de l'azithromycine dans la maladie de Covid-19 n'est pas recommandée en Allemagne", que ce soit par l'Institut national de santé publique Robert Koch ou par le BfArM. On observe donc que nos voisins adoptent une posture identique que celle des autorités sanitaires françaises, jugeant l'utilisation combinée de ces molécules peu efficace et potentiellement dangereuse pour les patients. Indiquer qu'elles contribuent à la faible mortalité en Allemagne se révèle donc totalement faux.

Une gestion saluée de la crise sanitaire

Régulièrement montrée en exemple, l'Allemagne peine actuellement à contenir la seconde vague de l'épidémie et s'apprête à durcir localement les mesures mises en place. Il n'en demeure pas moins que la mortalité, rapportée à sa population globale, se révèle assez faible, surtout lorsqu'elle est comparée à celle d'autres États européens (France, Espagne, Italie, Belgique...). Si les médicaments utilisés ne sont pas à l'origine de ces bons chiffres, ces derniers peuvent s'expliquer en partie par une politique de tests massifs, déployée rapidement. 

"Tester et isoler", une démarche adoptée "tout début février" outre-Rhin, rappelle Reporterre. Les autorités s'inspirent alors "du modèle de dépistage sud-coréen et suivent un triple objectif : éviter que les porteurs du virus ne contaminent d’autres personnes ; permettre une prise en charge médicale précoce pour éviter les complications, et avec elles, la saturation des hôpitaux", et enfin "se faire une image plus complète de l’épidémie pour adapter la réponse sanitaire sur le long terme".

Une ex-eurodéputée de la CDU a aussi livré une autre piste d'explication. "On avait plus de lits que tout le monde en Europe, c'est ça le secret", a lancé Ingeborg Grassle au début de l'automne. La chance a aussi pu jouer un rôle, le premier patient diagnostiqué en Allemagne s'étant rapidement présenté devant des professionnels de santé, évitant de faire circuler largement le virus autour de lui.

Enfin, la gestion honorable de cette crise est régulièrement portée au crédit d'Angela Merkel, dont Le Monde souligne que la "popularité exceptionnelle" s'est vue "relancée" par l’épidémie. Une ancienne professeur de la chancelière, dans une documentaire qui lui est consacré, glisse que la cheffe d'État est titulaire d'un doctorat en physique, obtenu avec une mention "très bien". Et note qu'elle "voit le monde avec ses yeux de scientifique. Elle pose des questions tout le temps, elle veut savoir", un mode de fonctionnement qui semble pour l'heure avoir fait ses preuves.

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Thomas DESZPOT

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