Stratégie vaccinale : "Il faut se donner le temps", estime le "Monsieur Vaccin" du gouvernement

STRATÉGIE - Le gouvernement a désigné jeudi dernier le professeur émérite au Collège de France Alain Fischer comme étant le "Monsieur Vaccin" français. Dans une interview au JDD, il détaille ses choix et revient sur les craintes que peuvent susciter la vaccination.
Avec 200 millions de vaccins commandés, la France est en ordre de marche pour sa campagne de vaccination. Celle-ci doit débuter début janvier sous les commandements d'Alain Fischer, professeur émérite au Collège de France et directeur de l’Institut Imagine à Paris. Jeudi, il a été officiellement nommé par le gouvernement pour présider le nouveau Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale contre le Covid-19. Dans une interview accordée au JDD, il détaille ce dimanche sa stratégie et répond aux craintes que peut susciter la vaccination.
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Se donner le temps de la réussite
Tandis que la Grande-Bretagne s'apprête à commencer sa campagne de vaccination dès lundi, certaines voix, impatientes, s'élèvent pour critiquer le retard que pendrait la France en la matière. Mais pour Alain Fischer, qui vient à point qui sait attendre. "Il faut se donner le temps de l’évaluation et de l’organisation. Mieux vaut que cela fonctionne en prenant quelques semaines de plus", assure-t-il au Journal du Dimanche.
Le pédiatre de 71 ans explique d'ailleurs vouloir créer "assez vite" "un petit comité associant des compétences en biologie et en sciences humaines et sociales pour réfléchir collectivement à la vaccination". Celui-ci pourrait regrouper, détaille-t-il, des membres du comité vaccin, déjà en place et présidé par la virologue Marie-Paule Kieny, d’autres experts de la vaccination, des praticiens de la santé, des sociologues, des représentants de la société civile, ou encore des associations de patients atteints de maladies chroniques.
"Il faut dire les choses comme elles sont"
Emmanuel Macron a promis vendredi la "transparence" du gouvernement au sujet du vaccin. Une position que partage largement Alain Fischer : "Il faut dire les choses comme elles sont, sinon on est décrédibilisé. Quand on sait, on sait. Quand on ne sait pas, on ne sait pas. (...) La majorité de la population est assez responsable pour comprendre ce message. Il ne peut pas en être autrement, pour des raisons d’éthique et d’efficacité", affirme-t-il au JDD. Dans cette démarche-là, le professeur émérite dit ouvertement que le vaccin engendrera des effets secondaires, bien qu'"extraordinairement rares". "L’information et la communication tournent forcément autour de l’analyse du bénéfice-risque, centrale dans le processus de décision. Est-ce que les bénéfices attendus pour se protéger d’une maladie potentiellement grave sont bien supérieurs au risque éventuel d’une pathologie liée à la vaccination ? De petites marges d’incertitude persistent, mais, d’après les données partielles dont on dispose, ce risque est très faible."
Concernant les craintes qui entourent les vaccins à ARN, une technologie qu'utilisent Pfizer et Moderna et qui permet d'injecter dans l'organisme une information génétique pour générer une protéine virale qui stimule le système immunitaire, Alain Fischer assure qu'ils ne peuvent pas modifier le génome. Il rapporte qu'aucune réponse immunitaire pathologique n'a n'a encore été rapportée.
Des informations encore à réunir sur l'efficacité chez les personnes âgées
D'autres inquiétudes se cristallisent autour des effets des vaccins chez les personnes âgées, qui seront les premières à en bénéficier. "D’après les annonces de Pfizer et de Moderna, le nombre de formes sévères est très réduit dans le groupe vacciné par rapport au groupe contrôle. Des informations complémentaires devront être recueillies en ce qui concerne l’efficacité du vaccin chez les personnes âgées", affirme Alain Fischer. Les principaux essais vaccinaux à ce jour ont en effet recruté des dizaines de milliers de personnes, mais leurs conclusions sur l'efficacité sont tirées d'infections chez moins de 200 d'entre elles. Ce faible nombre de participants infectés rend donc difficile la distinction de l'efficacité en fonction de groupes d'âges, de corpulence, ou toute autre caractéristique.
Le médecin insiste sur le fait que les deux injections, qui seront faites "a priori" à trois semaines d’intervalle par les médecins ou les infirmiers des Ephad, se feront nécessairement avec le consentement des patients ou de leurs familles en cas de troubles cognitifs. "En santé publique, il faut d’abord essayer de convaincre. L’obligation, on n’y recourt qu’en cas d’échec, de grande menace sanitaire", indique-t-il.
Les Français vaccinés suivis de près par les autorités de santé
Une fois vaccinés, les Français seront suivis par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et les médecins, qui feront remonter les informations en cas de problème. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sera aussi chargé de suivre des cohortes dans la population pour analyser d’éventuels événements indésirables. "Notre système de pharmacovigilance est désormais un outil très puissant. Il a su détecter des signaux extrêmement faibles non observés ailleurs, par exemple pour le vaccin HPV contre le cancer du col de l’utérus, dont on a cru qu’il pouvait entraîner le syndrome de Guillain-Barré dans moins de 1 cas sur 100 000. Des études ultérieures ont démontré que ce lien n’était pas fondé", raconte Alain Fischer, qui fait savoir qu'il se fera lui-même vacciner "quand (son) tour viendra".
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Questionné sur son indépendance vis-à-vis du milieu pharmaceutique, le pédiatre assure n'avoir "ni lien ni conflit d’intérêts avec les industriels de la vaccination".
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