Passé 65 ans, est-il vrai qu'on ne peut plus développer de réponse immunitaire ?

Publié le 19 mars 2021 à 21h36
L'exécutif s'était engagé à ce que tous les résidents de ces établissements soient"totalement protégés" contre le Covid-19 "début mars".
L'exécutif s'était engagé à ce que tous les résidents de ces établissements soient"totalement protégés" contre le Covid-19 "début mars". - Source : JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

LES VÉRIFICATEURS AVEC L'INSERM – Un message reçu par la rédaction de LCI.fr s'inquiète de l'efficacité des vaccins contre le coronavirus chez les personnes de plus de 65 ans. Nous y répondons avec Claude-Agnès Reynaud, directrice de recherche à l'Inserm.

Soucieuse de lutter au quotidien contre les fausses informations, l'équipe des Vérificateurs a noué un partenariat avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Objectif : interroger les chercheurs les plus aguerris et répondre aux questions que se posent les internautes sur le coronavirus et la vaccination. Dans cet épisode, nous traitons la question de Pierre, envoyée à l'adresse mail dédiée : lesverificateurs@tf1.fr.

Il s'interroge sur la différence de réponse immunitaire pour certaines classes d'âges. Et sur l'éventualité d'une protection totalement inexistante chez les plus de 65 ans qui viendrait rendre inefficace la vaccination. 

Des variations différentes chez chaque individu

Premier constat : la littérature sur le sujet est "très complexe", note en introduction Claude-Agnès Reynaud, directrice de recherche au sein de l'Institut Necker-Enfants Malades (Inserm/CNRS/Université de Paris). Si certaines observations montrent que les personnes âgées "ont une réponse immunitaire plus faible", cette remarque n'est pas une règle en soi. Car la majorité des travaux sur le sujet se basent sur les vaccins les plus courants, à savoir ceux ciblant la grippe. "Nous avons de nombreuses données sur la baisse de l'immunité pour les personnes âgées vaccinées contre la grippe, mais ce cas de figure est particulier : le vaccin change chaque année et on garde la mémoire de l'ancien", relève cette spécialiste de la mémoire immunitaire. Or, avec le Covid-19, chacun fait face à un virus nouveau, contre lequel rares sont ceux qui ont développé une immunité

Un objet d'étude singulier que la directrice de recherche rapproche "d'un seul équivalent". À savoir le vaccin contre la fièvre jaune. Demandé aux Européens qui voyagent en Amérique du sud, il s'agit là aussi d'un cas pour lequel "la vaccination est réalisée contre un agent pathogène que l'individu n'a jamais croisé au cours de sa vie". L'immunologiste ne relève qu'un seul article scientifique qui traite de ce cas de figure précis. "Les conclusions montraient une réponse immunitaire un peu plus lente, de l'ordre d'une semaine, chez les voyageurs plus âgés". Un délai qui ne signifie pas pour autant que la protection est moins efficace.

"Dire que la réponse immune est moins active chez les gens âgés ne revient pas à dire qu'à partir de 65 ans on ne répond plus au vaccin", nous alerte ainsi Claude-Agnès Reynaud. Simplement, l'émergence des anticorps peut faiblir avec l'âge. "Sans être plus mauvaise, la protection peut être un peu plus lente ou un peu moins forte, mais c'est tout."

Au-delà de la simple question de l'âge, la spécialiste de l'Inserm cite d'autres éléments qui peuvent eux-aussi venir interférer dans la réponse immunitaire. Il y a la question du sexe, une étude franco-américaine ayant relevé le rôle de la testostérone dans la baisse de la réaction immunitaire, mais aussi la question génétique. Ou encore l'expérience de chacun. Et de citer un exemple très concret : "Lors de la grippe H1NI, certains patients de plus de 70 ans étaient mieux protégés que les plus jeunes parce qu'ils avaient déjà connu une épidémie du même ordre des décennies plus tôt." 

En somme, comme le résume la directrice de recherche : "Chaque réponse est variable d'un individu à l'autre." Des variations difficiles à anticiper tant les critères qui entrent en jeu sont nombreux et, de son propre aveu, "assez méconnus".

L'essentiel : la "protection réelle"

De nombreux éléments aléatoires qui font que même avec un très bon produit, "vous avez forcément des individus qui font de moins bonnes réponses". Raison pour laquelle lors des essais de phase 3, "on ne trouve jamais 100% d'efficacité". Un vaccin qui se révèle efficace à 90%, "c'est amplement suffisant pour se débarrasser d'un pathogène". "Avec un tel taux de protection, le virus s'arrête. Et c'est ça qu'on vise", rappelle la chercheuse. 

Reste donc désormais à savoir quel est le taux d'efficacité des vaccins contre le coronavirus. Étant donné que "personne ne peut dire si un individu a un peu moins d'anticorps que nécessaire", ou encore définir "quel est le seuil minimal pour permettre l'immunité", seul "le terrain compte" pour être conclusif. Concernant les vaccins actuellement distribués, ces connaissances issues "du terrain" proviennent des résultats des essais cliniques de phase 3, mais aussi désormais des exemples de vaccination de masse dans un contexte de circulation active de la maladie. Or, sur certaines cohortes très importantes, "on commence à voir de premiers résultats encourageants". Notamment au Royaume-Uni, où la protection des plus anciens est "très impressionnante".

La vaccination freine-t-elle l'épidémie ? L'exemple israélienSource : JT 20h Semaine

Dans une étude encore en attente de validation, des chercheurs concluent en effet à 80% de protection des formes les plus graves chez les seniors dès la première dose du vaccin Pfizer. Et 90% après la deuxième dose. Alors peut être que la réponse immunitaire est deux fois moins forte ou un peu moins rapide, que chez les plus jeunes. Reste qu'elle est - selon ces premiers résultats - clairement présente chez les patients âgés. Et qu'elle protège. Des observations qui poussent à l'optimisme, mais qui méritent d'être confirmées avec le temps. 

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Felicia SIDERIS

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