Covid-19 : vers une pénurie des gants médicaux jetables dans le monde ?

par Léa LUCAS
Publié le 9 octobre 2020 à 13h00, mis à jour le 9 octobre 2020 à 15h52
Covid-19 : vers une pénurie des gants médicaux jetables dans le monde ?
Source : AFP

CORONAVIRUS - Au pire moment, les professionnels de santé ont du mal à se fournir en paires de gants jetables. Après les masques chirurgicaux et le gel hydroalcoolique, c'est au tour des gants d'examen de devenir des objets de spéculation dans le monde.

Qu'ils soient en latex, vinyle ou nitrile, la demande en gants jetables flambe. Jusqu'à être multipliée par 4 depuis le début de la pandémie, indique le ministère de l'Economie. Les citoyens et commerçants français, inquiets, deviennent de nouveaux consommateurs, en plus des habituels clients que sont les établissements médicaux et autres Ehpad. Ces derniers ont vu leurs besoins en gants multipliés par plus de trois ces derniers mois. "On a des centres médico-sociaux qui nous appellent tous les jours pour avoir des gants", témoigne Sébastien Lenoble, l'un des dirigeants de Shield Scientific, fabricant européen de gants pour l'industrie pharmaceutique. "Ce ne sont pas nos clients habituels, ils viennent vers nous car ils sont désespérés de ne pas trouver de gants. Mais, nous ne pouvons pas forcément répondre à leur demande qui est inadaptée à notre offre."

La Malaisie, un fournisseur bien en peine d'augmenter sa production

La production mondiale en gants se concentre principalement en Malaisie. Ce pays asiatique a exporté plus de 60% de la production mondiale de gants en caoutchouc en 2019, selon Malaysian Rubber Glove Manufacturers Association (Margma). Ce qui représente trois paires de gants sur cinq vendues dans le monde. Les besoins actuels mondiaux pourraient atteindre 330 milliards en 2020 mais le pays ne sera pas en mesure de fournir plus de 220 milliards de gants, alerte Margma. 

D'abord, parce qu'augmenter ses capacités de production ne se fait pas en un claquement de doigts. "Cela pourrait demander jusqu'à deux ans de travail car il faudrait ajouter de nombreuses lignes de production de gants qui s'étalent entre 60 et 100 mètres", commente Sébastien Lenoble, dont les matières premières viennent de Malaisie. Confectionner des gants nécessite une main d'oeuvre importante. Trouver des bras supplémentaires n'est pas une mince affaire : la plupart n'étant pas d'origine malaisienne mais en provenance du Bangladesh ou encore de l'Indonésie. Le covid-19 complique les déplacements entre pays voisins de ces travailleurs étrangers. "Malgré le fait que ces usines de production ne puissent pas répondre à toutes les nouvelles demandes, cette pandémie est une véritable opportunité pour elles, poursuit le patron de Shield Scientific. Elles font un énorme profit et sont probablement très fières de leurs résultats."

Prenons le géant malaisien du gant jetable, Top Glove, qui a vu ses commandes passer de 4,5 milliards avant la pandémie à 11 à 12 milliards aujourd'hui. Conséquence de cette demande en hausse ? Les acheteurs à travers le monde doivent attendre plus longtemps pour recevoir leurs commandes. Jusqu'à 590 jours aujourd'hui contre 30 à 40 jours avant la crise, souligne Lim Wee Chai, PDG de la compagnie. Qui s'est vu alléger, par ailleurs, de quelques commandes puisque les Etats-Unis ont interdit l'importation de gants de sa production, sur la foi de soupçons de travail forcé entre ses murs. 

Le coût des matières premières s'envole

Autre conséquence de l'augmentation de la demande ? Les prix augmentent. "Les matières premières peuvent être négociées trois ou quatre fois avant d'arriver à l'usine", déplore Sébastien Lenoble. Nous avons fait face à une hausse de 80% des coûts de production." "En juin, notre fournisseur nous a annoncé (...) des prix qui ont été multipliés entre 2 et 10 fois", complète la société française Rostaing, qui commercialise des gants de protection. "Nos prix sont ajustés pour refléter la forte demande du marché", rétorque Top Glove, faisant également valoir des tensions d'approvisionnement en matières premières. 

Jean-Michel Elvira, ancien président de l'Organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux (Onsil), et donc consommateur final, précise que la boite de 100 paires de gants coûte entre 13 et 15 euros contre 4 à 5 euros auparavant. Sachant qu'il utilise entre cinq et dix paires de gants par jour. Un budget non-négligeable à la fin du mois. Un plafonnement des prix pourrait néanmoins être mis en place. Mais, en attendant, "cette euphorie générale déstabilise complètement le marché", termine Sébastien Lenoble. Une perturbation que l'usager final paie cher. 

Afin que l'approvisionnement du secteur médical soit tout de même assuré, certains gouvernements ont passé des commandes massives en gants jetables. Une concurrence rude. L’Allemagne a signé un contrat afin d'en recevoir 340 millions. La France, elle, en attend 400 millions qu'elle a commandé à la fin de l'été, indique le ministère de la santé. 


Léa LUCAS

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