Vaccin AstraZeneca : efficacité mise en doute, retards de livraison... à quoi peut-il servir ?

Publié le 2 février 2021 à 16h51, mis à jour le 2 février 2021 à 23h56

Source : JT 20h Semaine

PISTES - La Haute Autorité de santé s'est prononcée mardi 2 février sur l'utilisation en France du vaccin anglo-suédois. Mais alors que son efficacité pour les personnes plus âgées est mise en doute et que des retards de livraison sont à déplorer, certains s'interrogent sur son utilité en pratique.

C'est le troisième vaccin disponible en France contre le Covid-19. Quatre jours après l'autorisation de l'Agence européenne du médicament (EMA), qui vaut pour tous les plus de 18 ans, y compris les 65 ans et plus, la Haute autorité de santé (HAS) s'est à son tour prononcée sur le vaccin développé par AstraZeneca et l’Université d’Oxford. Mais l'instance a choisi de prendre, comme en Allemagne, le contre-pied du régulateur européen en recommandant de ne pas autoriser ce vaccin pour les plus âgés. 

Outre la controverse commerciale avec l'UE due à d'importants retards de livraison, le sérum du groupe pharmaceutique anglo-suédois se retrouve au centre d'un débat scientifique sur son efficacité en fonction de l'âge des patients. Quoi qu'il arrive, une place l'attend dans la stratégie française contre le Covid-19. 

Des études complémentaires attendues

Premièrement, des études complémentaires d’efficacité pour les personnes âgées sont attendues en février. "Il ne faut pas confondre absence de preuve et preuve de l'absence" d'efficacité, résume un expert anglais, le Dr Peter English, cité par l'organisme britannique Science Media Centre au sujet des réserves émises par certains pays concernant la vaccination des plus âgés. Ces dernières, basées sur la façon dont ont été montés les essais cliniques du vaccin, ne signifient pas que le vaccin n'est pas efficace chez cette population, mais qu'on ne peut pas évaluer cette efficacité-là sur la base des données actuelles. 

Pour rappel, pour accorder son autorisation, l'EMA s'est fondée sur les essais réalisés à partir de mai-juin au Royaume-Uni et au Brésil sur 11.000 volontaires. Or la plupart d'entre eux avaient entre 18 et 55 ans : moins de 1.500 avaient plus de 55 ans, dont 450 seulement avaient plus de 70 ans. Les essais des vaccins de Pfizer/BioNTech et Moderna, les deux autres autorisés en Europe, ont accordé une plus large part que ceux d'AstraZeneca aux personnes jusqu'à 75 ans. Mais au-delà de cet âge, la proportion de volontaires est également faible. "On utilise le vaccin Pfizer chez les plus de 80 ans, or on ne connaît pas son efficacité chez ces personnes-là", a relevé lundi 1er février sur BFM l'infectiologue français Eric Caumes. 

Rien ne dit que le vaccin n'est pas efficace chez les plus âgés

Si l'efficacité générale a été évaluée entre 60 % et 70 %, "il n'y a pas encore assez de résultats chez les participants de plus de 55 ans pour avoir un chiffre sur la performance du vaccin dans ce groupe d'âge", concède l'EMA dans son avis. "Toutefois, on s'attend à ce qu'une protection existe étant donné qu'une réponse immunitaire est observée dans ce groupe d'âge et en se basant sur l'expérience d'autres vaccins",  argumente-t-elle. Raison pour laquelle elle juge que ce vaccin "peut être utilisé chez les adultes les plus âgés". 

Une efficacité défendue par le laboratoire AstraZeneca. "Les dernières analyses […] appuient l’hypothèse d’une efficacité du vaccin dans le groupe des plus de 65 ans", a déclaré un porte-parole du groupe britannico-suédois. L’argument a été suivi par le Royaume-Uni qui a choisi de vacciner les plus de 65 ans dès le 4 janvier.

Enfin, malgré des résultats d'efficacité moins flatteurs que ses concurrents Moderna et Pfizer (autour de 90 %) le taux affiché par le vaccin AstraZeneca reste supérieur à la plupart des vaccins contre la grippe. 

Ouvrir la vaccination aux soignants de moins de 50 ans ?

Qu'adviendra-t-il des doses de vaccin maintenant que la Haute autorité de santé a choisi de ne pas vacciner les plus de 65 ans, actuellement prioritaires ? Contrainte d'adapter sa stratégie, la France va ouvrir la vaccination à "deux populations particulières", a précisé ce mardi la présidente de la HAS. "Premièrement, tous les professionnels de santé et du médico-social, quel que soit leur lieu d'exercice y compris en ville, essentiellement parce qu'on a besoin d'eux en première ligne et qu'ils sont particulièrement exposés". "Deuxièmement, les personnes âgées entre 50 et 65 ans en commençant par ceux qui présentent des comorbidités", a-t-elle poursuivi.

La piste consistant à ouvrir la vaccination aux soignants de moins de 50 ans avait notamment été avancée par Stéphane Paul, membre du Comité Vaccin Covid-19, alors que jusque-là, seuls ceux de plus de 50 ans ou présentant certaines comorbidités (diabète, obésité, hypertension...) peuvent être vaccinés. Mais aussi par Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. De son côté, l’Ordre des médecins avait récemment réclamé d’"accélérer" la vaccination contre le Covid-19 de tous les soignants "sans critère d’âge ni de comorbidités", pour "permettre à notre système de santé de rester debout" à l’approche d’une nouvelle vague épidémique. 

C’est vers ce choix que semble se tourner également l’Allemagne. Le ministre de la Santé a annoncé samedi 30 janvier que le gouvernement réfléchissait à vacciner les plus jeunes avec AstraZeneca, notamment les "personnels soignants"

Et aux écoles et aux étudiants ?

Une autre piste avait été évoquée ces derniers jours concernant les écoles et universités. Début janvier, au micro d’Europe1, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer avait en effet dit réfléchir à la possibilité de vacciner les enseignants dès le mois de mars : "Je suis capable de comprendre qu’il faut commencer par les personnes âgées, les hôpitaux, mais juste après viennent les personnes de mon ministère car elles sont au contact des enfants, des adolescents."

Le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, avait, lui, recommandé de vacciner les étudiants. Si la proposition semblait faire sens politiquement, alors qu'il est question d’épargner autant que possible la jeunesse en détresse, Jean Castex l'a écartée ce mardi. "La stratégie vaccinale de la France (...) consiste à vacciner en priorité d'une part les publics vulnérables, d'autre part les publics exposés", a-t-il expliqué ce mardi, ajoutant que les étudiants "ont peu de probabilités" de "figurer parmi ces publics".

Un vaccin en renfort des autres disponibles

Quoi qu'il arrive, les doses du vaccin AstraZeneca, plus faciles à stocker et à transporter, viendront en renfort des autres vaccins disponibles pour permettre aux pharmaciens et aux médecins libéraux de prendre part à la campagne. Contrairement aux vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna, les conditions de conservation du vaccin anglo-suédois permettent une vaccination en officine, a expliqué Gabriel Attal lundi 1er février.

"Dans la troisième semaine de février, normalement, ces vaccins AstraZeneca/Oxford, seront dans les officines de pharmacie", a assuré ce lundi sur Franceinfo le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), évoquant "la volonté du gouvernement que ce vaccin soit administré en proximité, via donc le réseau des officines de ville". 

Au total, deux millions et demi de doses sont attendues en France en février, dont une première livraison de 450.000 doses dès la fin de la semaine, indique-t-on au ministère de la Santé.


Audrey LE GUELLEC

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