Faut-il vraiment reconfiner ? Trois médecins proposent d'autres solutions

par Charlotte ANGLADE
Publié le 29 janvier 2021 à 17h25, mis à jour le 29 janvier 2021 à 17h33

Source : 24H PUJADAS, L'info en questions

ALTERNATIVE - Les Français sont une nouvelle fois suspendus à la décision d'Emmanuel Macron quant à un nouveau confinement. Pourtant, pour trois médecins, cette mesure est à éviter à tout prix si elle est généralisée à tout le pays. Ils plaident pour une réponse différente selon les régions.

Ils ne travaillent pas dans la même région, ne sont pas d'accord sur tout, mais ils s'accordent cependant sur un point : celui de ne pas reconfiner la population. Alors que le gouvernement s'apprête à annoncer de nouvelles mesures de restrictions après avoir fait le constat que le couvre-feu à 18h n'était pas suffisamment efficace, trois médecins donnent de la voix pour une autre voie.  Gérald Kierzek, médecin urgentiste à l'Hôtel-Dieu à Paris, Yvon Le Flohic, médecin généraliste  dans les Côtes d'Armor et Fabien Quedeville, médecin généraliste dans l'Essonne, n'ont pas peur d'être à contre-courant du discours ambiant. Ils assurent que la situation épidémique n'est pas aussi mauvaise qu'affichée et que d'autres solutions seraient bien plus efficaces qu'un nouveau confinement pour endiguer la propagation du Covid-19.

Une situation catastrophique ? "Ce n'est pas le cas"

"On a l’impression qu’on a une situation catastrophique, or ce n’est pas le cas", soutient Gérald Kierzek. Pour autant, estime le médecin urgentiste, le pays commence à nouveau à s'affoler, comme à l'orée de la deuxième vague, sur la base d'études théoriques. "On déprogramme des interventions chirurgicales, on prépare des services Covid… On est sur une anticipation d’un risque hypothétique basé sur des modèles mathématiques", explique-t-il. Si des services de réanimation sont proches de la saturation, le médecin assure que cela a en fait toujours été le cas. "Avant la crise du Covid, je faisais déjà le tour du périphérique avec mon ambulance du Samu pour caser un malade en réanimation. Structurellement, on manque de lits de réanimation en France. Les 5000 lits sont en permanence pris."

De plus, tient-il à préciser, le Covid n'est pas tout à fait responsable de l'hécatombe décrite quotidiennement. "On a l’impression que la mortalité due au coronavirus est faramineuse. Le taux de mortalité est de 0,1%, et il l’a toujours été." Et d'ajouter : "L’âge médian du décès par Covid-19 est de 85 ans. Il faut le recontextualiser avec l’espérance de vie en France (qui est de 82,6 ans, ndlr.) : l’âge médian est plus élevé que l’espérance de vie. Bien sûr, cela peut toucher les jeunes, mais c'est exceptionnel"

Aujourd'hui dans les Côtes d'Armor, on n'a pas vraiment de dynamique épidémique
Yvon Le Flohic, médecin généraliste dans les Côtes d'Armor (22)

"S’il y avait une épidémie, comment expliquer qu’elle échappe à la médecine de ville ?", questionne de son côté le médecin généraliste Fabien Quedeville, qui souligne que le taux d'incidence national des cas de Covid-19 vus en consultation de médecine générale la semaine passée n'était que de 15 cas pour 100.000 habitants, selon les données du réseau Sentinelles. "Une épidémie de grippe, c'est 170 cas quand l’épidémie commence et 300 à 500 cas quand on est au pic de l’épidémie", explique-t-il. Dans son cabinet installé à Chilly-Mazarin (91), il rapporte avoir un cas de Covid tous les 15 jours. "Et encore, ce sont des cas très peu symptomatiques. Beaucoup moins que ce qu’on a connu en septembre", précise le médecin.

Dans les Côtes d'Armor, la situation semble aussi très calme. Seul un patient Covid est pris en charge dans un  service de réanimation, pour moins de 40 hospitalisés. "Autant sur la vague d'octobre-novembre, nous avions des cas tous les jours en cabinet, autant là, je n’ai pas vu de test PCR positif depuis 3 semaines", souligne Yvon Le Flohic, qui explique certaines flambées épidémiques en Bretagne par la découverte de clusters isolés, à l'image de celui découvert à l'hôpital de Morlaix, dans le Finistère. "Aujourd’hui, on a une incidence de 60 pour 100.000 par semaine en Côtes d’Armor. On n’a pas vraiment de dynamique épidémique", insiste le médecin pour qui la progression du Covid-19 dans son répartement est sous contrôle.

Le confinement, cette "bombe sanitaire"

Pour autant, insistent les médecins, la vigilance est toujours de mise car une reprise exponentielle de la circulation du virus n'est pas exclue. Ceux-ci souhaiteraient simplement que le gouvernement envisage des options alternatives au confinement, dont ils estiment la balance bénéfice-risque déstabilisée. Il y a quelques jours, le #JeNeMeConfineraiPas a été lancé sur les réseaux sociaux, avant de prendre rapidement de l'ampleur. Derrière ce vent de révolte notamment, le médecin Fabien Quedeville. Pour lui, il s'agit plus d'un "appel au secours" que de "désobéissance civile".  

"Il faut que les pouvoirs publics prennent conscience qu’il y a un vrai danger de fracture sociale et sociétale. C’est pour moi une bombe sanitaire", nous explique le médecin généraliste. "Tous ces gens qui se positionnent en faveur de mesures très strictes ne parlent pas de la souffrance psychique que l’on voit tous les jours dans nos cabinets", regrette-t-il, assurant que "la prescription d’antidépresseurs et d’anxiolytiques a flambé" depuis le début de la crise sanitaire. Pendant le premier confinement, le groupement d’intérêt scientifique Epi-phare notait dans un rapport que plus de 330.000 patients supplémentaires avaient recouru à des anxiolytiques sur ordonnances. Une réalité que confirme l'urgentiste Gérald Kierzek : "Les conséquences psychologiques du confinement sont terribles, on a des tentatives de suicides, des patients psy qui décompensent..."

Dans son cabinet de Ploufragan (22), Yvon Le Flohic reconnaît également une "lassitude" de la part de ses patients, "fatigués d’entendre des discours contradictoires d’une semaine sur l’autre". Il déplore aussi cette morosité ambiante, due au fait que seuls les indices les plus alarmants sont mis en lumière jour après jour. "On n’entend jamais quand les choses vont bien. En France, les gens ont fait attention pendant les fêtes de fin d’année", ce qui nous a valu d'être le pays européen dans la meilleure situation sanitaire pendant plusieurs semaines, souligne-t-il, estimant qu'il serait important de les en informer, voire de les féliciter.

Le confinement, c’est une mesure du Moyen Âge"
Gérald Kierzek

Pour les trois médecins, la lutte contre le Covid-19 doit aujourd'hui passer par trois outils : les gestes barrières, le dépistage et la vaccination. "Le confinement, c’est une mesure du Moyen Âge. Il se passe un truc, on enferme tout le monde. Les familles vont se contaminer entre elles et à la levée du confinement, si on ne fait pas de tests préventifs, ça va repartir. On est condamné à du stop and go", estime Gérald Kierzek. 

Un dépistage plus stratégique pour maîtriser la propagation du Covid-19

Selon lui, les autorités sanitaires devraient se concentrer à "débusquer" les lieux de contaminations connus comme les écoles ou les hôpitaux. Il suggère par exemple une méthode alternative permettant de tester rapidement des groupes, par exemple à la fac : "On met tous les prélèvements dans un unique tube. Si le résultat d'analyse de ce tube est négatif, c’est que tout le monde est négatif. En cas de cluster, on isole. Cela permet d'optimiser les tests. Il faut passer d’une stratégie passive à une stratégie active."

Une stratégie à laquelle adhère le médecin breton : "Si on attend de découvrir un cas symptomatique, l’incendie a déjà pris. Le virus s’est déjà diffusé dans l’établissement, dans les familles, etc." Il va même jusqu'à proposer de rendre obligatoires des tests salivaires, "au moins trois fois par semaine", dans les lieux à risque comme les Ehpad ou les hôpitaux. "Les entreprises gagneraient aussi à s’y mettre", estime-t-il. Dans l'Essonne, Fabien Quedeville demande "un dépistage organisé et systématique des soignants et des visiteurs" dans les Ehpad et hôpitaux. "J'en ai moi-même fait récemment l'expérience dans un grand hôpital parisien : vous pouvez entrer dans l’hôpital en étant souillé et contaminer le personnel et les malades."

Si malgré tout le gouvernement optait pour un nouveau confinement, Yvon Le Flohic espère qu'il ne sera pas généralisé à tout le pays. "Clairement, il n’est pas nécessaire dans certains territoires. Pourquoi ne pas confiner certains départements, voire des villes, comme en Israël. En Chine et en Australie ils confinent des quartiers. On n’a pas cette agilité-là", regrette-t-il.


Charlotte ANGLADE

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