Covid-19 : l'explosion des variants est-elle provoquée par le vaccin Pfizer ?

Publié le 20 janvier 2021 à 20h43, mis à jour le 21 janvier 2021 à 12h41
Une soignante prépare une dose de vaccin contre le Covid-19 à Lyon, le 14 janvier 2020.
Une soignante prépare une dose de vaccin contre le Covid-19 à Lyon, le 14 janvier 2020. - Source : JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

VACCINATION - L'apparition et la multiplication de nouveaux variants du coronavirus inquiètent et interrogent. Si bien qu'une ancienne généticienne de l'Inserm a émis l'hypothèse que le phénomène pourrait être lié à la vaccination. Une affirmation qui n'a aucune base scientifique.

On s'était presque habitué au coronavirus. Mais à peine le monde avait-il commencé à l'apprivoiser, un an à peine après son apparition, que des variants sont venus changer la donne. Britannique, sud-africain... leur multiplication, comme leur contagiosité, inquiètent. D'autant que le vaccin pourrait s'avérer moins efficace sur certains d'entre eux. Mais alors comment expliquer une telle prolifération ? La généticienne Alexandra Henrion-Caude a émis une hypothèse, le 16 janvier, attribuant ce phénomène à la vaccination à ARNm, la technologie développée par Pfizer et BioNTech. Partagée des milliers de fois, cette théorie est-elle plausible ? 

Une hypothèse sortie de son contexte

Elle tient ces propos dans une vidéo d'une quinzaine de minutes, notamment diffusée sur Facebook dimanche 17 janvier. Elle est extraite d'une interview d'une heure accordée à la web tv identitaire TV Libertés, où elle a ses habitudes. "Est-ce que ce n'est pas ce qu'on a vu en Afrique du Sud, en Angleterre et généralement dans tous les pays où on vaccine ?" s'interroge-t-elle. "À chaque fois [qu'on vaccine], on a le mot 'variant' qui apparaît en même temps", pose cette scientifique controversée, dont l'Inserm s'est d'ailleurs désolidarisée.

Lors de cet entretien, elle a de nouveau estimé que les effets secondaires du vaccin étaient "pires" que ceux du coronavirus, une crainte que notre équipe des Vérificateurs avait démentie ici. Avant d'évoquer la question des mutations du Covid-19. Citant un communiqué de presse de l'Académie de médecine, la chercheuse assure que se faire inoculer le vaccin "risque de provoquer l'émergence de nouveaux variants". Une simple "question" que se pose cette généticienne, notamment apparue dans le documentaire conspirationniste Hold Up. Mais qu'elle corrobore par ses observations.

Pour appuyer ses dires, Alexandra Henrion-Caude part d'un communiqué de presse de l'Académie de médecine. Il semble pourtant étonnant que cette société savante médicale, qui pressait fin décembre à débuter une campagne de vaccination au plus vite, change désormais d'opinion sur ce produit. Selon nos recherches, Alexandra Henrion-Caude ferait référence à un communiqué diffusé le 11 janvier dernier. Intitulé "Élargir le délai entre les deux injections de vaccin contre la Covid-19 : quels risques pour quels avantages ?", on y lit effectivement noir sur blanc que "au plan collectif, l'obtention d'une couverture vaccinale élargie [...] constituera un terrain favorable pour sélectionner l'émergence d'un ou de plusieurs variants échappant à l'immunité induite par la vaccination"

Alexandra Henrion-Caude s'appuie sur une déclaration de l'Académie de médecine, qui pressait fin décembre pour un début de campagne de vaccination rapide. Selon nos recherches, elle ferait référence à un communiqué diffusé le 11 janvier dernier. L'institution, qui y donne son avis sur le risque d'élargir le délai entre deux injections, écrit en effet ceci : "Au plan collectif, l'obtention d'une couverture vaccinale élargi [...] constituera un terrain favorable pour sélectionner l'émergence d'un ou de plusieurs variants échappant à l'immunité induite par la vaccination". 

Aucune preuve que le vaccin ne génère une mutation

Sauf que cette phrase, sortie de son contexte, semble mal interprétée. En fait, comme l'explique l'Académie, il pourrait effectivement y avoir un lien entre la vaccination et la diffusion d'un certain variant. Mais pas dans le sens où l'entend Alexandra Henrion-Claude. Le vaccin pourrait en effet mettre une pression sur tel ou tel variant. "Ça s'appelle tout simplement l'évolution", lance, d'entrée de jeu, Vincent Maréchal, professeur de virologie et chercheur au Centre de recherche Saint Antoine (Inserm/Sorbonne Université), à qui LCI a soumis l'hypothèse émise par la généticienne. Pour l'émettre, il faut déjà accepter deux postulats. Premièrement, que certains variants échappent à la vaccination. Pour rappel, cela pourrait être le cas pour celui détecté en Afrique du sud, selon certains résultats encore très préliminaires. Deuxièmement, que le vaccin ne neutralise pas la réplication du virus. C'est-à-dire qu'il n'évite pas la transmission. Là encore, des études sont en cours. 

Dans ce cas de figure, un vaccin pourrait en effet permettre l'émergence d'un certain variant. Car il va venir mettre "une pression de sélection sur une famille du virus". En somme, il va opérer uniquement sur la variante sur laquelle il est effectif. Laissant l'autre, qui n'est pas neutralisée par le produit, continuer à se répliquer. "Naturellement, le deuxième variant présent à ce moment-là, vous risquez effectivement de le sélectionner", comme le veut la théorie de l'évolution. Mais ici, on voit bien que la prolifération d'une certaine forme du virus n'est que la conséquence logique de la disparition de l'autre. "Ce n'est en rien le vaccin qui précède le variant", résume Vincent Maréchal. En réalité, cette généticienne fait donc "une lecture à l'envers de la biologie et de ses fonctionnements", analyse le chercheur. 

Enfin, la corrélation soulignée par Alexandra Henrion-Claude entre le début des vaccinations et l'apparition d'un variant ne se vérifie tout simplement pas dans... le calendrier. Certes, au Royaume-Uni, les autorités sanitaires ont alerté de l'émergence du "SARS-CoV-2 VOC 202012/01" le 14 décembre 2020, soit quasi-simultanément avec le début de sa campagne de vaccination, lancée le 8 décembre. Par contre, cette observation ne concorde pas dans la plupart des autres pays. Le 18 décembre, un autre variant a été détecté en Afrique du Sud sans qu'aucun habitant ne se soit fait inoculer. Idem au Brésil, où une version à haut risque a été mise au jour en décembre. Soit des semaines avant le début de la campagne de vaccination, qui a été lancée ce dimanche. À noter qu'il ne s'agit même pas d'un vaccin à ARNmessager mais du vaccin chinois dit "traditionnel". "Aujourd'hui, aucune connaissance ne montre que le vaccin ne génère une mutation", conclut donc le professeur en virologie auprès de LCI.fr. 

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Felicia SIDERIS

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