"Boire un verre de vin par jour augmenterait le risque de cancer", " l’excès de sucre serait mauvais pour la santé mentale"… C’est le genre de résultats d’études qu’on ne compte plus dans les médias, y compris LCI. Pourtant, même à l’appui d’une démonstration scientifique, ces analyses seraient fausses. Après avoir réalisé qu’à en croire les études, 40 aliments sur 50, dont le sel, la farine, le sucre ou le persil étaient néfastes pour la santé, deux scientifiques américains se sont penchés plus près sur la question. Finalement, ils jettent un pavé dans la mare en alertant sur ces rapports. "La majorité des études publiées, même dans les revues scientifiques, sont mauvaises", avance John Ioannidis, professeur de médecine à Stanford spécialisé dans l’étude des études. En cause : la mauvaise conduite des enquêtes en questions, qui se dérouleraient sur des échantillons trop réduits pour établir un résultat général.
Depuis plusieurs années, il est de notoriété publique dans le monde scientifique que les résultats des études sur la consommation ou autre ne sont pas exactes. En 2005, John Ioannidis rapportait déjà ce postulat en publiant un article intitulé "Pourquoi la plupart des études publiées sont fausses". Pourtant, face à l'appétit des médias, friands d’études annonçant des révolutions ou des découvertes majeures, les scientifiques continuent de produire en grande quantité ce genre de rapports.
Si certaines revues scientifiques font des progrès, c’est un mouvement encore très lent. Certaines d'entre elles exigent désormais que les auteurs fournissent des données brutes et publient un protocole préalable à la publication afin de vérifier ou de "répliquer" l’étude en question. Et, quand elles sont refaites, les expériences n’aboutissent que très rarement aux mêmes résultats : seul un tiers des 100 études publiées dans les plus grandes revues de psychologies ont été vérifiées avec succès, affirmait-il dans une analyse publiée en 2005.
C’est particulièrement dans le domaine nutritionnel que les études sont les plus "consternantes", poursuit Ioannidis auprès de l'AFP. En raison non seulement des conflits d’intérêts avec l’industrie agroalimentaire mais aussi parce que les chercheurs mettent en relation des éléments dans une immense base de données, sans hypothèse de départ. De plus, "mesurer un régime alimentaire est extrêmement difficile", selon le chercheur. En effet, même quand la méthode est la bonne - avec des participants choisis aléatoirement -, l’exécution des études peut laisser à désirer, et conduire à publier de mauvais résultats "au mieux inefficaces, au pire néfastes". John Ioannidis cite l’exemple de cette étude de 2013 sur les bienfaits du régime méditerranéen contre les maladies du cœur, qui a dû être retirée car ses conditions de réalisation étaient mauvaises.
Alors à qui la faute ? A qui se fier ? John Ioannidis pointe la "formation superficielle en statistiques et méthodologie" des chercheurs spécialisés. D'après lui, il faut se poser tout un tas de questions : est-ce une étude isolée ? Renforce-t-elle des travaux existants ? Quelle est la taille de l’échantillon étudié ? Est-ce une expérience randomisée ? Qui l’a financé ? Le chercheur insiste, dans un article publié en avril 2018, sur la nécessité d’établir des critères de conduite des études pour les acteurs de la recherche. Il appuie également sur la responsabilisation des médias qui doivent mieux expliquer à leurs lecteurs les incertitudes inhérentes à la recherche, et résister au sensationnalisme. "Le problème, c'est la succession sans fin d'études sur le café, le chocolat et le vin rouge", se plaint-il. "Il faut qu'on arrête".
Sébastie MASTRANDREAS
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