Le Covid va-t-il un jour disparaître ? Les différents scénarios

Publié le 27 août 2021 à 18h34
L'hypothèse d'une disparition du virus semble peu probable pour les chercheurs.
L'hypothèse d'une disparition du virus semble peu probable pour les chercheurs. - Source : CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

LES VÉRIFICATEURS AVEC L'INSERM - Alors que l'épidémie se prolonge et que les différentes "vagues" se succèdent, l'après-Covid interroge. Si certains scénarios semblent plus plausibles que d'autres pour les chercheurs, diverses pistes restent envisagées.

Ne plus porter de masques, voyager librement, cesser de s'inquiéter pour la santé de ses proches... Après une série de vagues épidémiques et une vie chamboulée depuis plus d'un an, nombreux sont ceux qui se demandent si nous parviendrons à tourner un jour la page du Covid. Les chercheurs, eux-aussi, s'interrogent. Avec eux, nous avons tenté de dessiner les contours d'une fin d'épidémie. Si la disparition totale du virus n'est pas l'option la plus crédible à leurs yeux, plusieurs scénarios sont possibles, pas toujours optimistes. 

Un virus endémique : la piste privilégiée

Une vision optimiste voudrait que l'épidémie se résorbe, que le virus disparaisse et que le futur ressemble à ce qui constituait notre quotidien durant l'avant Covid. Un scénario improbable, s'accordent les chercheurs, Eric D'Ortenzio en tête. Médecin-épidémiologiste, membre de l'agence ANRS | Maladies infectieuses émergentes, il "ne pense pas qu’on puisse parler d'éradication d’une maladie comme le Covid-19". En effet, "la seule maladie humaine que l’on a éradiquée jusqu’à présent est la variole, autre maladie à transmission aérienne, mais avec un réservoir strictement humain. Cette éradication a pu être possible au prix de campagnes de vaccinations acharnées pendant des décennies". Il rappelle que le SARS-CoV-2 dispose d'un réservoir animal, ce qui signifie qu'il est "quasi impossible d’éradiquer le virus, comme l’agent pathogène de la peste par exemple". Dès lors, "tant que nous n’arriverons pas à contrôler ou limiter la transmission, la maladie ne disparaîtra pas". 

Maître de conférence en immunologie, lui aussi rattaché à l'Inserm, Eric Espinosa partage ce point de vue. La question de l'avenir de ce virus, parmi les spécialistes, "on se la pose tous", admet-il volontiers. Et note que la prestigieuse revue Nature "a interrogé des chercheurs pour savoir si le Covid allait, selon eux, rester ou disparaître". Une consultation dont les résultats se sont avérés assez équivoques : "De mémoire, près de 90% [89%, NDLR] des immunologues sondés pensaient que le virus allait devenir endémique." Lui-même opte d'ailleurs pour cette option.

Un virus endémique, qui finirait par s'installer et revenir de manière cyclique ? Une piste "très probable", renchérit Eric D'Ortenzio. "Avec l’augmentation de la couverture vaccinale dans le monde on va assister à une très nette diminution du nombre de cas avec des formes graves, puisque le vaccin protège de ces formes cliniques. Il y aura par contre probablement des épidémies générationnelles, c’est-à-dire que quand le niveau d’immunité collective va baisser dans une population, il pourrait y avoir un risque de résurgence des formes graves." Lorsqu'un virus apparaît dans une espèce, "on sait qu'en général ça ne se passe pas bien", remarque pour sa part Eric Espinosa. Le Covid, nous venons finalement tout juste "de le recevoir et il faut qu'il s'adapte à l'espère humaine". Ce qui rend d'ailleurs compliqués les pronostics, "puisque le virus se trouve en évolution constante. C'est aussi un motif de trouble pour les gens, car les discours des scientifiques évolue. Comme avec le variant Delta, dont la transmissibilité est accrue."

La vaccination, selon les spécialistes de l'Inserm, jouera forcément un rôle dans les mois et années à venir. En particulier parce que "plus la couverture vaccinale sera importante, moins on observera de formes graves", résume l'épidémiologiste Eric D'Ortenzio. "Par contre, la vaccination ne protège que partiellement contre l’infection et la transmission, donc le virus pourra continuer de circuler." Son confrère immunologiste estime quant à lui que "la seule certitude, c'est que la vaccination va sauver des vies".  

Ne pas négliger l'hypothèse du pire

Parmi les différents scénarios sur la table figure celui d'une aggravation de l'épidémie. Si elle n'est pas privilégiée dans la communauté scientifique, elle n'en demeure pas moins plausible, en particulier en raison de l'apparition de nouveaux variants. "L'arrivée d'un variant terrible qui contourne les vaccins, ça reste probable", reconnaît Eric Espinosa. L'expert évoque la possibilité de voir le virus "se recombiner, ce qu'il n'a pas encore fait". Un phénomène assez simple à saisir sur le papier, et dont les conséquences pourraient se révéler significatives. "Cela peut se produire chez une personne infectée simultanément par deux virus de souches différentes. Il peut en résulter un virus recombinant, qui prend un peu du virus A et du virus B pour aboutir à la formation d'un virus AB. Ce mécanisme très puissant est différent des traditionnelles mutations, qui conduisent en quelque sorte le virus à 'dériver'. Là, vous êtes face à une cassure, un changement total."

En toile de fond, la crainte avec des nouveaux variants serait de les voir résister aux actuels vaccins développés et mis sur le marché. "L’émergence d’un variant est toujours préoccupante puisqu’il peut avoir des conséquences sur la transmission, sur la gravité des formes cliniques, sur l’échappement à l’immunité post infection et post vaccinale", glisse Eric D'Ortenzio. "C’est donc à surveiller de près, et la mise en place des plateforme de séquençage en France et à travers le monde permet cette surveillance." Il insiste en passant sur l'importance majeure des partages d'informations, via des "base de données publiques et gratuites".

Bien que peu réjouissant, le scénario d'un variant résistant aux vaccins ne doit pas conduire à un pessimisme exacerbé. Notamment parce que la technologie ARNm, mise en lumière durant cette crise sanitaire, permet d'adapter rapidement un vaccin à une nouvelle souche. Il s'agit avant tout d'effectuer un séquençage complet du nouveau génome, afin de "reconfigurer" le vaccin en conséquence. Tout le processus de développement n'est ainsi pas à revoir, ce qui induit un gain de temps considérable.

À l'heure qu'il est, soulignons enfin que la prudence reste de mise, les virologues, immunologues et épidémiologistes ne disposant pas d'une boule de cristal dans laquelle prédire avec certitude ll'évolution de la maladie. "On court derrière un virus qui joue aux dés", résume Eric Espinosa, "celui qui vous dit qu'il sait ce qui va se produire, il connaît aussi les résultats du loto. On peut seulement à force d'observations, donner des prédictions."

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Thomas DESZPOT

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