RECHERCHE – Après l’abandon de Pasteur d’un de ses vaccins contre le Covid-19, quels sont les projets de recherche toujours en cours en France ?
L’Institut Pasteur a essuyé une véritable déconvenue dans la recherche contre le Covid-19. Avec son partenaire américain Merck, Pasteur a décidé d’abandonner le développement de l’un de ses candidats vaccins. L’annonce a été faite par voie de communiqué lundi 25 janvier et se justifie par des essais cliniques pas assez concluants au cours de leur première phase. Deux autres vaccins sont en train d'être élaborés, a rassuré l'Institut, disant poursuivre "la mobilisation massive de ses équipes pour lutter contre l’épidémie de Covid-19".
Du côté du laboratoire français Sanofi, deux candidats vaccins sont en cours d'expérimentation, mais ne seront pas prêts avant la fin de l’année. Et ce sont bien des start-ups, inconnues du grand public, qui pourraient devancer les entreprises pionnières en mettant sur le marché un antidote avant eux. On fait le point sur les projets de vaccins made in France.
Un vaccin lentiviral et à ADN pour Pasteur
Dans son communiqué annonçant l’arrêt des essais cliniques, l'Institut a très vite souligné que celui-ci ne remettait pas en question la poursuite "des recherches engagées sur deux autres candidats vaccins reposant sur des méthodologies différentes". Ces deux projets sont encore au stade de la recherche préclinique, c’est-à-dire qu’ils sont testés exclusivement sur des animaux avant de marquer le début des essais cliniques et d’être administrés chez des humains.
Un premier vaccin est donc développé par Pasteur, en collaboration avec la société française de biotechnologie TheraVectys. Il doit reposer sur l’utilisation d’un vecteur lentiviral administré par voie nasale. "L’hypothèse est que l’administration par spray nasal serait la voie d’administration la plus efficace pour ce vaccin. Un vaccin efficace contre le coronavirus devrait induire une protection vaccinale à la porte d’entrée du virus, c’est-à-dire au niveau des voies respiratoires", indique Pasteur. Et ce type de technologie a montré son potentiel dans le cas de recherches contre d’autres virus, selon l'Institut qui prend notamment l’exemple d’un "vaccin thérapeutique contre le VIH (ayant) obtenu de très bons résultats de sécurité en phase I chez l’homme".
#COVID19 : un candidat #vaccin lentiviral administrable par voie nasale assure une protection stérilisante dans des modèles animaux. https://t.co/s2oMA2mcIg — INSTITUT PASTEUR (@institutpasteur) January 20, 2021
Un second vaccin développé par Pasteur repose sur l’ADN. L’objectif des chercheurs est ici d’"injecter un fragment d’ADN dans des cellules humaines" pour que de manière transitoire, ces cellules "deviennent des usines qui produisent la protéine Spike" du virus SRAS-CoV-2. "Cette protéine sera ensuite reconnue par le système immunitaire, qui fabriquera par exemple des anticorps pour la neutraliser et ainsi empêcher l’infection quand elle se présentera", poursuit Pasteur, qui se targue d’avoir ici l’une des approches les plus novatrices en matière vaccinale. En effet, aucun vaccin à ADN n’a jusqu’ici été commercialisé. Celui-ci s’apparente au modèle des vaccins de Pfizer/BioNTech et de Moderna "mais cette fois-ci en utilisant une molécule d'ADN plutôt qu'une molécule d'ARN", a décrit sur franceinfo Christophe d’Enfert, directeur scientifique de Pasteur.
Sanofi s’allie aux Américains
Le leader pharmaceutique français participe évidemment à la course française pour un vaccin contre le Covid-19. Et pour multiplier ses chances, Sanofi a rapidement travaillé sur deux projets à la fois avec deux laboratoires différents. L’un avec les Britanniques et les autorités américaines, l’autre avec seulement les Américains. Se vantant d’être "l’une des seules entreprises au monde à travailler à la recherche de candidats vaccins contre le Covid-19 en explorant deux approches technologiques différentes", le groupe cherche d’abord à développer avec le Britannique GSK et les autorités de santé américaines (la BARDA) "un vaccin à base de protéine recombinante". Une technique déjà utilisée dans le vaccin contre la grippe saisonnière "permettant de produire industriellement de très grandes quantités d’antigènes, les protéines injectées pour stimuler la réponse du système immunitaire contre le virus" et pouvant se conserver au réfrigérateur "entre 2°C et 8°C".
Les essais cliniques de phase 1 été 2 ont été lancés en septembre sur plus de 400 adultes en bonne santé mais des résultats intermédiaires, publiés trois mois plus tard, ont douché les premiers espoirs du laboratoire français. Selon ces derniers, "les résultats sont positifs chez les adultes âgés de 18 à 49 ans mais (…) la réponse immunitaire observée chez les adultes plus âgés n'est pas assez élevée en raison d'une concentration insuffisante d'antigène". Fin décembre, le groupe a par conséquent annoncé que ce vaccin ne serait pas disponible avant la fin de l’année 2021.
Lire aussi
Abandon de Pasteur : "Le vaccin ne dit pas grand-chose de l’état de la recherche française", selon le virologue Yves Gaudin
Lire aussi
"Une triste nouvelle" : l’institut Pasteur s’explique sur l’abandon de son projet de vaccin
En partenariat avec le laboratoire américain de biotechnologie Translate Bio, Sanofi travaille également sur un vaccin à base d’ARN messager, une technologie qui a fait ses preuves dans le cas des vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna. "Ce mécanisme novateur amène les cellules du corps humain à fabriquer leurs propres antigènes du virus auquel le système immunitaire répondra. Même s’il s’agit d’une technologie prometteuse, elle n’a pas encore été utilisée dans un produit vaccinal approuvé", selon Sanofi. Seules des "données précliniques" ont été conduites pour le moment et les essais de phase 1 et 2 doivent commencer début 2021, nous précisait le groupe fin 2020.
Dernière ligne droite pour Valneva
Après deux vaccins déjà commercialisés, c’est un nouveau succès que devrait bientôt connaitre la startup Valneva, basée à Nantes. Celle-ci a démarré le 16 décembre ses essais cliniques d’un vaccin contre le Covid-19 et a déjà passé des accords avec des pays comme le Royaume-Uni, qui a financé une grande partie de la recherche et qui attend 60 millions de doses. Sur LCI, son directeur général Franck Grimaud a dit anticiper une commercialisation à l’automne 2021 de son vaccin atténué, c’est-à-dire basé sur la technologie inventée par Louis Pasteur. Cette méthode suppose d’injecter l’agent infectieux vivant mais atténué par différents procédés pour réduire sa capacité de nuisance.
“VLA2001 ne devrait nécessiter qu’une chaîne du froid standard (2 à 8 degrés Celsius)”, précise l’entreprise, qui prévoit une capacité de 150 à 200 millions de doses. Dans le groupe des start-ups engagées dans la lutte contre le virus, on peut également citer OSE, qui cherche à développer un vaccin sur une technologie déjà utilisée en oncologie. Des résultats concluants ont été observés au stade préclinique.
Abivax cherche un traitement
Il y a la recherche de vaccins efficaces contre le Covid-19 et puis il y a celle des traitements, à partir de molécules existantes ou développées spécifiquement contre un virus. C’est dans ce cadre que la société biopharmaceutique Abivax a obtenu fin décembre le statut de priorité nationale de recherche pour son traitement contre le Covid-19. Conçue pour traiter des patients atteints de maladies inflammatoires chroniques, la molécule ABX464 vise à prévenir l’inflammation chez les malades du Covid. Au mois de mai, le traitement avait obtenu le feu vert de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour être testé lors d'essais cliniques incluant 1034 patients.