Porter un double masque, une bonne idée ?

Publié le 11 février 2021 à 16h59

Source : JT 20h Semaine

BEMOL - À en croire une récente étude américaine, une protection optimale contre la diffusion dans l'air du Covid-19 requiert de porter deux masques superposés. Mais le premier organisme habilité à certifier les masques grand public en France, n'est pas de cet avis.

Incontournable dans notre quotidien depuis un an, le masque n'en finit pas d'alimenter les débats, du plus informel au plus crucial dans la gestion de l'épidémie. Avec l'arrivée de nouveaux variants du Covid-19, plus contagieux, à travers le globe, c'est son efficacité même qui est interrogée, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) ayant notamment recommandé en janvier d'éviter désormais certains modèles. Dans ce contexte, une étude des autorités sanitaires américaines rendue publique mercredi 10 février encourage, elle, le port de deux masques superposés pour une protection renforcée contre la diffusion du virus dans l'air.

Que penser de cette recommandation ? Doit-on songer à généraliser "le double masque" en France également ? Ce n'est en tout cas pas la position de l'Afnor. Derrière les bénéfices escomptés, le premier organisme certificateur des masques grand public en France émet en effet un certain nombre de réserves. 

Quels sont les bénéfices escomptés ?

Rappelons pour commencer que la communauté scientifique convient aujourd'hui que le virus est principalement diffusé dans l'air, et il existe de plus en plus de preuves que de très fines gouttelettes peuvent être projetées jusqu'à plusieurs mètres lorsque quelqu'un parle ou respire. Mais si le masque réduit de manière importante l'expiration de gouttelettes de la part des personnes infectées et réduit l'exposition à ces particules des personnes non contaminées, tous ne se valent pas. Les masques en tissu et les masques chirurgicaux, les plus répandus, sont ainsi plus lâches que les masques KN95 (ou FFP2), ce qui augmente le risque que l'air s'échappe par les côtés. C'est dans ce contexte que les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) ont procédé à des simulations en laboratoire sur la réduction des fuites avec un masque en tissu superposé à un masque chirurgical, puis avec un masque chirurgical aux élastiques noués près des bords qui sont repliés vers l'intérieur.

Leur verdict ? Alors que le masque chirurgical non-noué et le masque en tissu ne bloquent que 42% et 44,3% respectivement des aérosols dispersés par une toux, la combinaison des deux fait grimper cette efficacité à 92,5%.  Dans une autre expérience, l'exposition à une personne infectée non masquée est réduite de 83% avec un double masque et de 64,5% avec un masque noué sur le visage ou en plastique. On observe les mêmes résultats avec un cache-cou en nylon porté sur un masque chirurgical.

Les bémols de l'Afnor

Si les CDC s'apprêtent dès lors à actualiser leur information au public sur les masques avec ces nouvelles options, le premier organisme certificateur des masques grand public en France, contacté par LCI ce jeudi, invite à les interpréter avec réserve. "La pratique du double port de masque génère à nos yeux plus de risques que de bénéfices escomptés", réagit l'organisme, qui énumère deux limites. En premier lieu, l'Afnor observe une limite pratique : avec deux masques, "on augmente les manipulations potentielles, donc les risques de contamination : porter un seul masque est déjà complexe, si l’on s’astreint à bien respecter le lavage de main avant et après la pose, ne pas le toucher, bien couvrir la bouche et le nez". Et d'insister : "Ajouter un deuxième masque augmente les risques de devoir l’ajuster, de toucher la face avant qui potentiellement porte le virus, sans être en mesure de se laver les mains ensuite."

En second lieu, parce que cet usage conduit à "altérer la respirabilité, sous couvert d’augmenter l’étanchéité du masque", détaille l'Afnor. Or, cela "peut être problématique au quotidien a fortiori lors d’une discussion soutenue ou d’une marche rapide. Si le masque n’est pas supporté, le porteur peut être amené à le retirer alors qu’il n’est pas isolé, ou en mesure de se laver les mains et de remettre un autre masque." Pour conclure, l'organisme certificateur ne saurait que trop recommander "de continuer à déjà bien porter un seul masque, en complément de la distance physique et des gestes barrières."

Pour recontextualiser, "les bénéfices escomptés, relayés par cette étude américaine, concernent les aérosols, dont seuls les masques FFP protègent", tient en outre à rappeler l'Afnor, soulignant que les masques FFP1 en filtrent au moins 80%, les FFP2 au moins 94% et les masques FFP3 99%. Or, ce type de masques "plus étanches que les masques de catégorie 1 ou chirurgicaux, car dévolus à protéger en 1er le porteur contre l’inhalation de gouttelettes et contre les particules en suspension dans l’air", ne sont pas aujourd’hui conseillés pour la population par les autorités sanitaires ni le gouvernement. Pour justifier que cette catégorie de masques ne soit pas recommandée à la population générale, Didier Lepelletier, co-président du groupe de travail permanent Covid-19 au HCSP, avait notamment fait valoir en janvier que 30% des professionnels le "porteraient mal" actuellement. 


Audrey LE GUELLEC

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