Variants du virus : est-on au "point de bascule" prédit en janvier ?

Publié le 26 février 2021 à 7h43, mis à jour le 26 février 2021 à 15h40

Source : JT 20h WE

EPIDEMIE - Il y a plus d'un mois, l'Inserm présageait que le variant britannique, détecté chez 1,4% des cas positifs en France début janvier, deviendrait dominant "entre fin février et mi-mars". Qu'en est-il à ce jour ?

Le variant "britannique" du SARS-CoV-2 est-il en train de prendre le pouvoir et relancer l'épidémie en France ? Le 18 janvier, l'Inserm anticipait que cette souche, au moins 50% plus transmissible que le virus de 2020, et détectée chez 1,4% des cas positifs en France lors de la première semaine de cette année 2021, deviendrait dominante "entre fin février et mi-mars". Un pronostic corroboré dans de nouveaux travaux publiés le 14 février. 

Plus d'un mois s'est écoulé depuis ces projections qui se basaient sur une transmissibilité accrue de 70% de cette forme variante par rapport à la forme classique. La prédiction se concrétise-t-elle ? Où en est la progression des nouvelles souches, potentiellement plus contagieuses et plus résistantes aux anticorps, suivie de si près par l’exécutif ?

Où en est-on à l'échelle nationale ?

"Le couvre-feu anticipé a eu un impact considérable sur le recul de la souche historique, en circulation en 2020 avant l’arrivée des variants", indiquait jeudi 18 février l'épidémiologiste et directrice de recherche à l'Inserm Vittoria Colizza, lors de la conférence hebdomadaire du gouvernement. "Si nous n’avions que cette souche, nous serions capables d’avoir un recul de l’épidémie", avait-elle même alors ajouté. Mais dans le contexte actuel, le verdict est autre : "Aujourd'hui, on a cet équilibre entre la souche historique en baisse [...] et le variant britannique qui pousse vers une augmentation".

Un équilibre illustré par des données portant sur la semaine du 11 au 17 février, portant sur 48,7% des tests RT-PCR et des tests antigéniques, et exploitées par Santé publique France. Dévoilées par Le JDD, elles indiquent que 44,37% des tests positifs présentent des suspicions du variant britannique, quand 5,26% concernaient des suspicions de variants sud-africain ou brésilien. À titre de repère, Olivier Véran avait déclaré jeudi 18 février que "36% des cas positifs criblés correspondent à des variants britanniques et que 5% correspondent à des variants brésiliens ou sud-africains." Lors de son point presse, jeudi 25 février, Jean Castex a confirmé que les variants touchaient "à peu près la moitié" des malades du Covid en France.

Quels sont les territoires où le variant est déjà dominant ?

Toutefois, "il existe une forte disparité" selon les départements, avait poursuivi Olivier Véran. Et de détailler : "À Dunkerque, le taux de variant britannique est de 72% et l’incidence, en hausse régulière, dépasse les 600 cas pour 100.000 habitants. À Mayotte, le variant sud-africain pèse pour 69% des cas. Dans certains territoires, notamment ceux que je viens de citer, il y a un lien clair entre la flambée épidémique et la montée des variants. Mais un fort taux de variants ne s’accompagne pas toujours, en tout cas pas au début, d’un fort taux de contaminations. Et pour l’heure, nous ne savons pas l’expliquer."

D'après les données provenant de la plateforme Si-Dep et exploitées par Santé publique France, le variant anglais est désormais majoritaire dans trois Régions, à savoir la Bretagne (59,11%), l'Ile-de-France 56,29% et les Hauts-de-France 51,52%, et 26 départements. Parmi eux, l'Indre-et-Loire recense le taux de suspicion de variant britannique le plus élevé de l'hexagone : 68,75%. En Bretagne, le Morbihan est le département le plus touché avec 66,28% de variant britannique. Dans la Nièvre, cette proportion s'élève à près de 55% tandis qu'elle atteint 54,95% dans l'Aube. En Ile-de-France, les Hauts-de-Seine (62,66%), la Seine-et-Marne (58,08%) et la Seine-Saint-Denis (56,1%) sont les trois départements les plus touchés tandis que Paris enregistre un taux de variant anglais un peu supérieur à la moyenne nationale : 52,46%. Concernant les Hauts-de-France, c'est sans surprise dans le département du Nord, où la ville de Dunkerque connait actuellement un regain épidémique, que cette part est la plus élevée (57,77%) suivi par le Pas-de-Calais (57,6%). En outre, trois départements de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, présentent une majorité de variant anglais : le Var (57,6%), les Alpes-Maritimes (54,73%) et le Vaucluse (51,29%). 

À noter que dans leurs estimations "validées par les résultats préliminaires de la deuxième enquête Flash du 27 janvier", les scientifiques de l'Inserm entrevoyaient déjà de grandes disparités entre les régions. Ces derniers anticipaient notamment la large diffusion dès la "mi-février" en Île-de-France de la souche initialement détectée au Royaume-Uni. Or, dès le 12 février, le président du syndicat national des biologistes signalait que le variant anglais représentait effectivement plus de 50% des cas dans l'Est de l'Ile-de-France.

Un rebond inévitable

Si le virus 2020, "contrôlé" par les mesures sanitaires, "va disparaître", le variant britannique, 50% plus transmissible, suit une courbe inverse, insistait Arnaud Fontanet, le 9 février sur LCI. Le professeur au Cnam et à l'institut Pasteur parle même d'une "croissance exponentielle" : "Il va arriver un moment où on aura 10.000 cas sur le territoire français. La semaine suivante, ce sera 15.000, puis 22.500, et vous continuez comme ça et il y a un moment où il vous échappe".

Dans une étude parue mi-février 2021, l'inserm a établi 3 scénarios d'évolution de l'épidémie en France (en haut) et en Ile-de-france (En bas) en fonction de la sévérité (à gauche) ou du relâchement (à droite) des mesures sanitaires.
Dans une étude parue mi-février 2021, l'inserm a établi 3 scénarios d'évolution de l'épidémie en France (en haut) et en Ile-de-france (En bas) en fonction de la sévérité (à gauche) ou du relâchement (à droite) des mesures sanitaires. - inserm

Grâce à un modèle mathématique, des chercheurs de l'Inserm associés à des chercheurs d’Orange Labs et de Santé publique France ont d'ailleurs mis au jour trois scénarios publiés mi-février qui abondent en ce sens. L'un s'appuyait sur un renforcement des mesures de restriction (mais sans aller jusqu’à un reconfinement), un second sur un maintien des mesures actuelles et le dernier sur un relâchement des mesures. Leurs conclusions : si le rebond épidémique est inévitable d'ici le mois de mars, son intensité pourrait varier du simple au triple, en fonction des décisions gouvernementales. Ce mercredi, Santé publique France a annoncé avoir enregistré plus de 31.519 cas positifs en 24 heures, un chiffre à prendre avec précaution car il peut comprendre des rattrapages de cas détectés les jours précédents, mais au plus haut depuis mi-novembre. Selon des données plus consolidées, il y a eu 138.771 personnes testées positives la semaine dernière, contre 128.662 la précédente. "On voit bien qu'il y a un décrochage qu'on attendait, à partir du moment où le variant anglais devient majoritaire, c'est une histoire mathématique assez simple", a notamment commenté sur RTL Karine Lacombe, la cheffe du service maladies infectieuses à l'hôpital parisien Saint-Antoine.


Audrey LE GUELLEC

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