Laisser les jeunes se contaminer entre eux : "Une idée catastrophique"

L. V.
Publié le 2 août 2020 à 11h43, mis à jour le 2 août 2020 à 15h34

Source : TF1 Info

POLÉMIQUE - La proposition du professeur Caumes de "laisser les jeunes se contaminer entre eux", à condition qu'ils ne voient ni leurs parents ni leurs grands-parents, suscite de vives réactions y compris parmi d'autres épidémiologistes. Ainsi Catherine Hill explique ce dimanche sur LCI qu'isoler les jeunes de leurs aînés serait illusoire.

Comment lutter efficacement contre une épidémie qui semble rebondir en France ? La stratégie évoquée ce dimanche par le professeur Caumes, infectiologue à la Pitié Salpétrière, fait réagir. "Ce n'est peut-être pas politiquement correct, mais je pense de plus en plus qu'il faut laisser les jeunes se contaminer entre eux à condition qu'ils ne voient pas leurs parents et leurs grands-parents [...] En les laissant se contaminer, ils participeront à l'immunité collective et elle sera plus importante à la rentrée, dans les écoles et les universités", propose l'infectiologue dans une entretien au Parisien en kiosque ce dimanche 2 août.

Pas du tout convaincue par cette idée, l'épidémiologiste et professeure de médecine Catherine Hill expliquait ce dimanche matin sur LCI que cette stratégie serait "catastrophique" à ses yeux (vidéo en tête d'article). De nouveau jointe à la mi-journée, celle-ci a plus longuement détaillé deux raisons expliquant son point de vue (vidéo ci-dessous) : "D'une part, les jeunes ne vivent pas sur une planète isolée. Ils interagissent avec des personnes plus âgées. Ils travaillent, ils font leurs courses avec des gens plus âgés, ils vont dans les bars et le barman n'est pas forcément jeune. D'autre part, l'immunité collective nécessiterait que les deux tiers de la population aient rencontré le virus. Or, pour l'instant on en est autour de 10% et, si on rajoutait tous les jeunes, cela ne suffirait pas. Oublions cette histoire : très mauvaise idée, irréaliste".

D'autant qu'il n'est pas dit que les jeunes soient davantage touchés que le reste de la population : "Il y a plus de tests positifs chez les jeunes car ils font plus de tests", prévient en tout cas l'épidémiologiste. 

La solution serait de procéder à des tests ciblés pour isoler rapidement les porteurs
Catherine Hill, épidémiologiste et professeure de médecine, le 2 août sur LCI

Les jeunes "peuvent contaminer des personnes à risque et c'est ce qui nous fait extrêmement peur. Cela va augmenter l'immunité collective mais on n'est pas encore arrivé aux 70% requis", abonde de son côté l'infectiologue Robert Sebbag, interrogé par BFM TV au sujet de cette interview du Parisien.  Le professeur Bruno Mégarbane, chef du service de réanimation à l'hôpital Lariboisière se montre également sceptique : "Nous avons une preuve que le système n'est pas idéal. En Suède où on a tablé sur la circulation spontanée du virus [...] L'immunité n'est pas si élevée et le nombre de décès rapporté à la population suédoise est beaucoup plus important que dans d'autres pays européens". 

Laisser les jeunes se contaminer pour obtenir une immunité collective : "Une très mauvaise idée, irréaliste"Source : TF1 Info

Quelle stratégie adopter alors pour espérer vaincre cette pandémie dont la durée risque d'être "très longue", selon l'Organisation mondiale de la Santé ? Pour l'épidémiologiste Catherine Hill, l'épidémie durera en effet tant que l'on aura pas de vaccin mais, en attendant, il conviendrait d'adopter une autre stratégie de test. A ce sujet, celle-ci abonde dans le sens du professeur Caumes : "Il a raison de s'inquiéter et de dire que la stratégie de test est absolument catastrophique". 

Actuellement la France, regrette-t-elle, "rend les tests complètement disponibles et crée des embouteillages". Alors qu'il serait plus pertinent "de cibler les tests pour trouver les porteurs asymptomatiques, où on pense qu'ils sont, dans les régions où le virus circule. En Mayenne il faudrait ainsi tester toute la population rapidement pour isoler ceux qui sont contagieux. La plupart des personnes sont contagieuses pendant à peu près dix jours (quatre jours avant les symptômes, le jour du symptôme, et cinq jours après). Si on ne les isole pas pendant cette période, on ne réduit pas la contamination : si on s'aperçoit qu'ils sont contagieux cinq jours après les symptômes, ils ont déjà contaminé tous les gens qui devaient l'être. Donc, il faut tester beaucoup pus vite , où c'est vraiment le plus utile. C'est exactement ce que l'on ne fait pas en testant n'importe quand, n'importe où, n'importe qui."

Quant au masque, "le porter en extérieur, c'est très bien" mais insuffisant : "La solution n'est pas là mais dans le test de la population", insiste-t-elle. 


L. V.

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