S'évanouir dix minutes après la piqûre, comme l'a fait cette infirmière, discrédite-t-il le vaccin ?

Publié le 18 décembre 2020 à 19h12, mis à jour le 19 décembre 2020 à 12h27
Une infirmière s'évanouit, le jeudi 17 décembre, à l'hôpital Mémorial  à Chattanooga, aux États-Unis
Une infirmière s'évanouit, le jeudi 17 décembre, à l'hôpital Mémorial à Chattanooga, aux États-Unis - Source : Capture d'écran / WRCB

EFFETS SECONDAIRES - La vidéo d'une infirmière s'évanouissant en direct après avoir été vaccinée ce jeudi est utilisée comme argument pour discréditer les vaccins contre le coronavirus. Plusieurs explications justifient cet événement.

Les images sont surprenantes. Une jeune femme perd connaissance en direct devant plusieurs caméras. En légende de la vidéo, vue près de 290.000 fois et notamment partagée en français, on nous explique que c'est une infirmière qui se serait "évanouie en conséquence du vaccin" (sic) contre le coronavirus. Dans une autre publication partagée sur Twitter vendredi 18 décembre, un adepte des thèses complotistes écrit qu'il s'agit d'une "jeune femme faisant la promotion du vaccin qu'elle vient de se faire injecter", se demandant "ce qu'ils mettent dedans".  

Sur les images, le logo de l'établissement hospitalier où ont été tournées ces images est parfaitement visible. Une rapide recherche nous permet d'identifier l'hôpital Memorial, à Chattanooga, quatrième ville de l'État du Tennessee, aux États-Unis. Dans la presse locale, on apprend que "les soignants en première ligne vont recevoir le vaccin contre le coronavirus  ce jeudi". 

Un simple malaise vagal

Pour l'occasion, les médias sont venus en nombre. Et notamment la chaîne locale WTVC NewsChannel 9, affiliée à ABC, qui a diffusé en direct la vaccination de six membres du personnel soignant, trois médecins et trois infirmières. Le premier est le docteur Mark Anderson, suivi du Dr Lee Hamilton, directeur de la médecine hospitalière dans cet établissement, et enfin, la jeune femme brune qui apparaît sur les images. Sur ce flux, on voit très clairement cette soignante se faire vacciner à 9 minutes et 30 secondes. Comme certains de ses collègues, elle prend ensuite la parole (à la 25ᵉ minute de la vidéo). Elle s'appelle Tiffany Dover et est infirmière gestionnaire. Alors qu'elle se réjouit de l'arrivée de "ce vaccin [qui] offre de l'espoir", on la voit vaciller. Elle s'excuse, dit ressentir des vertiges, avant de tomber dans les pommes. La soignante est rattrapée par d'autres membres du personnel, eux-mêmes vaccinés précédemment. L'événement est capté en direct mais aussi raconté par plusieurs journalistes sur place

Si les images sont saisissantes, le personnel soignant qui l'entoure ne semble pas étonné. De son propre aveu, cette infirmière confie qu'elle est fréquemment sujette aux malaises vagaux. Elle a rapidement pu reprendre la parole juste après pour s'en expliquer, comme on peut le voir dans cette autre vidéo. Tiffany Dover y explique, en anglais, avoir "des antécédents de réponse vagale hyperactive". C'est-à-dire que si elle souffre de "quoi que ce soit", par exemple si elle se "cogne l'orteil", elle peut "simplement s'évanouir". Or, comme le montrent les documents de la Food and Drug Administration (FDA) sur le vaccin Pfizer, la grande majorité (84%) des participants qui ont reçu la dose ont eu une réaction au niveau de l'injection dans le bras. Une indisposition à laquelle s'ajoute la fatigue évidente du personnel soignant. "Il ne m'en faut pas beaucoup. Je me suis évanouie six fois au cours des six dernières semaines", a-t-elle témoigné, presque amusée, devant les caméras. Et de conclure qu'elle ne regrette pas d'avoir pris le vaccin contre le coronavirus.

Il manque donc ce contexte aux différents tweets qui jettent le soupçon en se basant sur cette vidéo. Contexte pourtant facilement identifiable. Tandis que les personnes qui partagent la séquence entretiennent le doute, l'hôpital lui-même est revenu sur les faits sur sa page Facebook. Dans la publication ci-dessous, en anglais, l'établissement précise que la jeune femme n'a jamais perdu connaissance mais qu'elle a simplement eu "des vertiges", rappelant qu'elle s'était "rapidement rétablie". 

Un phénomène assez banal

Si cette infirmière est un cas à part, il n'est en fait pas si rare de s'évanouir après un vaccin. Sur le site des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américain (CDC), on peut en effet lire que "des évanouissements peuvent survenir après de nombreux types de vaccinations et sont souvent déclenchés par la douleur ou l'anxiété". Idem en France. D'après la plateforme française Infovac, dans une fiche à propos des réactions secondaires des vaccins – datée d'avril 2019, elle est sans rapport avec le vaccin contre le Covid-19 – on lit qu'un malaise vagal "peut survenir dans les minutes qui suivent une vaccination". Et ce, "en particulier chez les adolescents et les adultes jeunes". Un simple malaise vagal lié à la douleur de la piqûre ou à un passé médical et, à tort, présenté comme un effet secondaire grave.

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Felicia SIDERIS

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