L'UE exporte-t-elle davantage de doses qu'elle n'en distribue à ses citoyens ?

Publié le 26 mars 2021 à 17h51, mis à jour le 26 mars 2021 à 20h30

Source : TF1 Info

ÉVASION - Des voix s'élèvent pour déplorer que les doses de vaccin produites dans l'UE soient envoyées en masse à travers le monde. Un constat effectué par la Commission européenne elle-même, et qui la pousse aujourd'hui à prendre une série de mesures.

La question de l'approvisionnement en vaccins fait partie des enjeux majeurs pour bon nombre de pays européens, qui souhaitent éviter au maximum les pénuries et protéger rapidement leurs populations. Pour cela, les membres de l'UE s'en remettent à aux instances européennes, qui ont mené les négociations avec les laboratoires et qui se chargent de répartir les doses dans les différents pays. 

Une tâche rendue délicate par l'aggravation de la situation sanitaire et par la concurrence accrue dans l'accès aux vaccins. Ces derniers jours, des critiques ont fusé : "Depuis le début de la pandémie, l’Union européenne a exporté plus de doses (77 millions) qu'elle n'en a administrées à ses citoyens (62 millions)" peut-on notamment lire sur les réseaux sociaux. Les instances sont critiquées et accusées de multiplier les exportations hors du continent plutôt que de fournir des vaccins aux citoyens européens. Des reproches basés en partie sur des incompréhensions de les mécanismes de répartition.

Une confusion fréquente

Avant toute chose, il est indispensable de distinguer les doses dont dispose l'UE – résultat des commandes passées auprès des laboratoires –, de celles qui sont produites sur le Vieux Continent. De nombreux messages laissent en effet entendre que l'Europe exporterait des doses lui appartenant, au lieu de les distribuer à ses citoyens. Ce qui n'est pas le cas en réalité. De nombreux laboratoires produisent leurs vaccins en Europe, mais cela ne signifie pas pour autant que toutes les doses reviennent de droit aux pays de l'UE. 

Contactée par LCI, la Commission européenne rappelle que les laboratoires ont conclu des accords avec de nombreux pays, et qu'ils cherchent à honorer au mieux les commandes passées. Rien d'anormal, donc, à voir des doses transiter d'Europe vers l'étranger. La Commission se montre transparente sur le sujet : sa présidente Ursula von der Leyen a indiqué cette semaine que 77 millions de doses de vaccins avaient quitté le continent dans ce cadre. Un chiffre que l'on peut comparer aux 88 millions de doses reçues par les pays européens, et qui ont été dans leur immense majorité, voire en totalité, produites localement. À l'heure qu'il est, la totalité de ces doses n'a pas été injectée, puisque le chiffre de 62 millions de doses administrées est communiqué. 

Il est assez logique d'observer ces données : l'Europe a en effet milité activement pour que les vaccins soient produits sur son sol. Une manière de garantir un approvisionnement, mais aussi de s'assurer du "maintien de la chaîne de qualité", confie-t-on du côté de la Commission. "Si on veut utiliser des vaccins produits ailleurs qu'en Europe, les chaînes de production doivent être scrupuleusement inspectées", ajoute-t-on, ce qui peut compliquer les procédures.

Si l'on peut dire que l'Europe "joue le jeu", ce n'est pas forcément le cas de certains de ses voisins. Le Royaume-Uni n'a en effet pas exporté à l'heure qu'il est la moindre dose vers l'étranger, réservant la production sur son sol à ses propres citoyens. Une position qui fait écho à celle des États-Unis. "Bloquer les vaccins, ce n'est pas forcément une bonne idée au point de vue sanitaire, on aurait tout à y perdre", réplique-t-on du côté de la Commission, qui assume son choix d'une libre circulation des doses. Pour autant, de nouvelles mesures ont été annoncées ces derniers jours, afin de rétablir une forme d'équité dans l'accès aux vaccins.

Des règles plus strictes

Quelles sont les règles en vigueur actuellement en ce qui concerne les exportations ? Pour décider de les autoriser ou non, les instances européennes s'appuyaient jusqu'à présent sur un point central : le respect des commandes passées pour les pays de l'UE. Pfizer, qui a honoré jusqu'à présent sa part du contrat et fourni un nombre conséquent de doses, a ainsi été autorisé à exporter une partie de sa production à l'étranger. Le tweet qui suit détaille les 33 pays vers lesquels des doses ont été envoyées. Le Royaume-Uni en fait partie, lui qui a reçu de l'Europe 21 de ses 29 millions de doses.

Si les exportations de vaccins concernent les laboratoires qui honorent leurs commandes, notons toutefois que l'Italie a bloqué une exportation de 250.000 doses AstraZeneca à destination de l'Australie. Arguant (à raison) que le laboratoire n'avait pas respecté ses engagements auprès de ses clients européens. Il faut aussi noter que des doses (31 millions à l'heure actuelle) ont été envoyées à l'étranger dans le cadre du programme "Covax", supervisé par l'OMS et qui vise à fournir des vaccins aux pays pauvres. L'UE en est le principal contributeur.

Afin de faire pression sur les Britanniques et pour s'assurer que l'Europe ne soit pas la seule à exporter des vaccins, Ursula von der Leyen a annoncé que la Commission allait durcir les règles en vigueur. Désormais, un critère de réciprocité sera introduit, de même qu'un critère de proportionnalité. Pour faire simple, l'Europe se réserve le droit de bloquer des exportations si elle estime que le pays destinataire des doses n'applique pas des règles similaires en permettant l'envoi de vaccins à destination de l'UE. Autre cas de figure, celui des pays qui auraient déjà vacciné une grande partie de leur population, ou qui ne feraient pas face à une situation sanitaire critique. Si un pays ne compte que quelques décès par jour, il est ainsi peu probable que les instances européennes acceptent de lui livrer en priorité des millions de doses.

L'adoption de ces mesures est un message très clair, envoyé en priorité aux Britanniques. Dépendants de l'Europe pour s'approvisionner en vaccins, ils auront désormais tout intérêt à n'effectuer aucune rétention de doses sur leur sol, sous peine de voir leurs importations bloquées. 

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Thomas DESZPOT

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