Vaccination : faut-il "quatre ans" en moyenne pour connaître les effets secondaires ?

Publié le 2 juillet 2021 à 17h47
Vaccination : faut-il "quatre ans" en moyenne pour connaître les effets secondaires ?
Source : AFP

LES VÉRIFICATEURS AVEC L'INSERM - C'est l'un des arguments les plus répandus pour s'opposer à la vaccination contre le Covid-19. On n'aurait pas "assez de recul" sur ce vaccin et sur d'éventuels effets secondaires. Qu'en est-il réellement ?

Soucieuse de lutter au quotidien contre les fausses informations, l'équipe des Vérificateurs a noué un partenariat avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Objectif : interroger les chercheurs les plus aguerris et répondre aux questions que se posent les internautes sur le coronavirus et la vaccination.

Il s'agit aujourd'hui de décrypter l'une des inquiétudes les plus répandues sur le sujet. Que ce soit des personnes fermement opposées à la vaccination ou simplement des "sceptiques", nombreux sont les Français qui regrettent ne pas avoir assez "de recul" sur ces produits. Surfant sur cette crainte, l'avocat de Didier Raoult, Fabrice Di Vizio, a assuré dans une vidéo publiée le 5 juin que "la balance bénéficie-risque" d'un médicament "ne peut s'entendre qu'à long terme". "Les risques de sécurité des médicaments apparaissent en moyenne quatre ans après leur approbation", a-t-il lancé face caméra

De la pharmacovigilance "tout à fait normale"

Pour l'assurer, l'avocat s'appuie sur une étude parue en 2017 à propos des "événements de sécurité post-commercialisation liés à la sécurité des médicaments". Or parmi les 222 nouveaux produits thérapeutiques approuvés de 2001 à 2010 par la Food and drug administration (FDA), l'agence du médicament américaine, il s'avère effectivement que 32% d'entre eux ont eu un "événement de sécurité post-commercialisation" enregistré. Si le chiffre peut paraître surprenant, ce n'est en fait pas le cas aux yeux des experts en pharmacovigilance. Avec les vaccins, comme avec tous les médicaments, il y a des "effets secondaires immédiats", caractérisés via les essais cliniques, puis des "effets sur le long-terme, qui ne sont pas forcément connus", note ainsi Séverine Gibowski, responsable adjointe de pharmacovigilance à l'ANRS maladies infectieuses, rattachée à l'Inserm.

Pour tout comprendre sur cette publication parue dans le Journal of the American Medical Association, la chercheuse rappelle une subtilité importante. Il faut différencier la prise d'un médicament lors d'un essai clinique de celle en vie réelle. "Lors des essais, la prise d'un médicament est conforme, telle qu'on l'a recommandée dans les textes. Tandis que dans la vie réelle, toutes les conditions de prise ne sont pas toujours respectées", résume Séverine Gibowski. Ces effets qui surviennent à ce moment-là font l'objet d'une surveillance par les systèmes de  pharmacovigilance national, européen et international. Dans le cas des médicaments, ces effets sur le long-terme peuvent être liés à "la prise d'autres traitements, à un surdosage, ou encore un sous-dosage", relève la spécialiste. Son collègue Alpha Diallo note quant à lui un autre élément qui n'arrive qu'avec le temps : l'élargissement du nombre de personnes traitées. "Les effets rarissimes, ne peuvent être vus que lors d'une exposition plus importante au médicament, ou au vaccin. On ne peut pas les détecter sur une population feutrée lors des trois phases des essais cliniques."

Or, ce sont justement les effets qui apparaissent lors de cette deuxième phase que les chercheurs ont examinés dans cette étude parue en 2017. Rien d'anormal avec ces conclusions, donc. "C'est de la pharmacovigilance post-commercialisation tout à fait normale", souligne Séverine Gibowski. Idem pour son collègue. "Ce n'est pas quelque-chose qui me choque, c'est ce qui arrive lors de la surveillance de chaque médicament."

Il est donc normal d'avoir une pharmacovigilance qui trouve de nouveaux effets sur les produits pharmaceutiques commercialisés. Alors faut-il s'en inquiéter ? Y a-t-il eu, dans le passé, des effets secondaires graves avec des vaccins sur le long terme ? Sur cette question, le responsable du service de pharmacovigilance à l'ANRS explique que les "suspicions importantes" d'effets secondaires qui ont pu avoir lieu par le passé sont rarement avérées par la suite. "On a tendance à toujours faire une association temporelle entre le vaccin et une maladie", note-t-il ainsi. Or, "cette association ne signifie pas toujours causalité", rappelle-t-il, citant une maxime essentielle en science. Et de prendre en exemple un cas d'école. "Au milieu des années 90, le vaccin contre l'hépatite B a été soupçonné de favoriser la survenue de sclérose en plaques. Mais sur le long terme, les études de pharmaco-épidémiologie n'ont jamais montré de sur risque lié à ce vaccin".

Au moindre doute, le tir sera corrigé
Alpha Diallo, responsable du service de pharmacovigilance à l'ANRS

En réalité, ce que vient montrer cette étude - qui note en effet que le "délai médian" avant le premier effet sur le long terme est de 4,2 ans - c'est surtout l'importance de cette surveillance post-commercialisation. Et c'est précisément "ce qu'ont développé les différentes agences nationales", se félicite Séverine Gibowski. Si les centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américains évoquent sur leur site la campagne de pharmacovigilance "la plus intense de l'histoire" des États-Unis, il en est de même pour la France, selon ces experts. "L'étude citée date de 2017 et se concentre sur une période qui s'étale de 2001 à 2010. Mais depuis, la pharmacovigilance a fait d'énormes progrès." Par exemple, depuis, chaque patient peut déclarer par lui-même un effet indésirable et tous les professionnels de la santé sont incités à en faire de même. "Nous avons beaucoup plus de données aujourd'hui !"

Cette surveillance a pris une ampleur nouvelle avec le coronavirus. La chercheuse se réjouit ainsi de voir une vraie "volonté de coordonner les efforts dans toutes les agences". "Il y a une harmonisation inédite afin d'être au maximum au courant et le plus tôt possible, d'un éventuel problème." La responsable adjointe se remémore ainsi le cas des thromboses signalées avec le vaccin AstraZeneca. "Dès qu'un signal de sécurité apparaît, les agences mettent leurs informations en commun, demandent d'autres études. C'est devenu une surveillance mondiale et instantanée." Même constat pour Alpha Diallo qui souligne à plusieurs reprises la rapidité des alertes. "La pharmacovigilance n'a jamais été aussi active et proactive. Nous sommes informés de n'importe quel événement presque en temps réel."

Réactive, rapide, et surtout accessible. Les spécialistes soulignent tous les deux la "très grande transparence" dans laquelle se fait la pharmacovigilance des vaccins contre le coronavirus. "Les agences publient régulièrement leurs rapports. C'est du jamais vu", nous explique Séverine Gibowski. "Nous avons une chance exceptionnelle d'avoir eu ces vaccins en un temps record. Et maintenant nous avons une chance exceptionnelle d'avoir une surveillance aussi active et transparente sur les vaccins", ajoute pour sa part Alpha Diallo. Et de conclure sur un mot pour rassurer les plus inquiets : "Au moindre doute, à la moindre donnée alarmante détectée, le tir sera corrigé."

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Felicia SIDERIS

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