La Nasa souhaite faire appel à des entreprises privées pour exploiter le sol lunaire : que dit le droit spatial ?

Publié le 17 juillet 2019 à 11h19, mis à jour le 18 septembre 2020 à 15h07

Source : JT 20h WE

TERRITOIRE COSMIQUE - La Nasa entend faire appel à des entreprises privées pour collecter des échantillons de roches lunaires. Le but ? Réduire les coûts. Cependant, une question se pose : des Etats ou des entreprises peuvent-ils s'approprier un bout de Lune et l'exploiter ?

L'Agence spatiale américaine vient de lancer un appel d'offres pour sous-traiter auprès d'entreprises privés la collecte d'échantillons de roches lunaires. "La Nasa cherche à acheter du sol lunaire à des fournisseurs commerciaux !", a annoncé ce jeudi l'administrateur de la Nasa, Jim Bridenstine, depuis son compte Twitter. L’exploitation minière de notre satellite est une idée qui fait son chemin au sein des gouvernements de plusieurs pays, dont les Etats-Unis. 

En avril dernier, malgré l'absence de consensus international et de jurisprudence sur l’exploitation commerciale et l’appropriation des ressources extraterrestre, un décret signé de la main de Donald Trump a donné le coup d’envoi de la ruée vers l’or lunaire. Grosso modo, à condition de pouvoir faire le voyage, tout un chacun aurait donc le droit de s’accaparer les ressources de Séléné. Les Américains entendent ainsi bousculer le statu quo du droit spatial afin de le moderniser.

Cependant, une question se pose : au regard des traités internationaux en vigueur, des Etats ou des entreprises privées peuvent-ils s'approprier un bout de Lune et l'exploiter ? LCI fait le point.

La Lune appartient à tout le monde… sur le papier

Retour dans les années 1960. Alors que les Etats-Unis se lancent tête baissée dans la conquête spatiale, la communauté internationale s'interroge pour encadrer cette folle course. Des discussions qui aboutissent à la signature, sous l'égide de l'Onu, le 27 janvier 1967, les bases avec la signature le 27 janvier 1967 par une majorité d’Etat du Traité de l’Espace. Dans son article II, ce traité apporte une non-réponse : "L’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen", peut-on lire.

En somme, la Lune n’appartient à aucun Etat ou, d’un autre point de vue, elle appartient à toute la communauté internationale. Ce traité de l’Espace insiste aussi sur le caractère pacifié que doit garder la Lune. L’article 4 interdit l’utilisation d’armes nucléaires ou de destructions massives depuis la Lune.

Quid de l’exploitation des ressources lunaires ?

En 1979, la communauté internationale veut un nouveau traité pour réglementer plus strictement la question de l'exploitation des ressources de notre satellite. Dans ce nouveau texte, les Etats s’autorisent à exploiter les ressources de la Lune. L'article 4 apporte une contrainte : elle devra se faire "au bénéfice et dans les intérêts de tous les pays". Contrairement au Traité de l’Espace de 1967, celui-ci n’aura pas l’effet escompté. Il ne sera signé que par 15 pays dont la France et l’Inde, et aucun leader dans la conquête de l'espace. Ces derniers - Etats-Unis, Chine, Russie ou Japon - ont en effet en tête des projets d'exploitation de ressources lunaires pour leur propre compte. Au premier rang desquels l’hélium-3, qui pourrait devenir un supercarburant pour les fusées allant vers Mars, ou son eau.

En 2015, les Etats-Unis ont exploité unilatéralement le vide juridique autour de l’exploitation de la Lune. Le Congrès américain a voté le SPACE Act qui affirme que les "citoyens américains peuvent entreprendre l’exploration et l’exploitation commerciale des ressources spatiales" comme l’eau et les minéraux. Une décision qui laisse la porte grande ouverte pour des entreprises comme Space X, Blue Origin ou encore Virgin. Pour éviter toute violation du Traité international de l’Espace de 1967, les sénateurs prennent bien soin de préciser qu'ils "n'affirment pas leur souveraineté, règne ou droits exclusif ou prioritaire, ni la possession, d'aucun corps céleste", peut-on lire. 

Certains revendiquent des terrains sur la Lune

Malgré les nombreuses réglementations internationales, quelques hurluberlus revendiquent toutefois la propriété du satellite. Le plus célèbre d’entre eux est un Américain. Son nom : Dennis M. Hope. Se présentant comme le président autoproclamé du gouvernement galactique, l’homme a commencé, alors qu’il était à court d’argent, à déposer des actes de propriété de la Lune mais aussi du reste de notre système solaire auprès des services fonciers de la ville de San Francisco. Il s’est mis à la vente de parcelles à temps plein à partir de 1995. Dans une interview à Vice, il affirme ainsi avoir vendu 300 millions d’hectares sur la Lune grâce à son site internet Lunar Embassy. Si vous vous y rendez, il vous sera possible d’acheter quelques hectares dès 25 dollars. Mais ne vous précipitez pas trop vite car ce business n'a aucune chance d'être reconnu par le droit international.

Une autre société s’est lancée en 1999 dans la vente de terrain sur la Lune. Lunar Republic Society, qui se revendique propriétaire de la Lune, vous permet aussi de vous acheter un petit bout de terrain pas loin de la mer de la Tranquillité, là où Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont aluni le 20 juillet 1969. Pour empêcher de rendre ces titres de propriétés réels, l’Institut international du droit de l’espace (IISL) a rappelé aux Etats de ne jamais légaliser ces revendications de propriété.

Comme vous l’avez compris, le grand nombre d’accords bilatéraux, de réglementations, de Traité et de textes de loi rend la réponse à la question "à qui appartient la Lune ?" très difficile. Sur le principe, la Lune n’appartient à personne. Dans les faits, l’évolution de la conquête spatiale et le peu de cadre juridique a toutes les chances de conduire à une concurrence féroce entre  grands groupes privés et Etats pour l'obtention de la moindre concession.


Antoine LLORCA

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