Au temps des dinosaures, une journée terrestre durait 30 minutes de moins qu'aujourd'hui

Publié le 11 mars 2020 à 14h30
Dès qu’un objet céleste croise la route de l’orbite terrestre à une distance inférieure à 7,5 millions de kilomètres, il est classé comme potentiellement dangereux.
Dès qu’un objet céleste croise la route de l’orbite terrestre à une distance inférieure à 7,5 millions de kilomètres, il est classé comme potentiellement dangereux. - Source : ISTOCK

COMPTE-À-REBOURS - Il y a environ 70 millions d'années, les jours duraient environ 23h30 et la petite bille bleue sur laquelle nous vivons tournait sur elle-même 372 fois par an, contre 365 fois actuellement. Pourquoi ? Les explications de Philippe Lognonné, chercheur à l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP).

Actuellement, une journée vaut 24 heures mais cela n'a pas toujours été le cas. A l’époque du Crétacé supérieur, lorsque les dinosaures arpentaient la surface du globe, les journées étaient environ 30 minutes plus courtes qu'aujourd'hui. Pour arriver à cette conclusion, une équipe de paléontologues a analysé les traces chimiques décelées sur une coquille de palourde vieille de quelque 70 millions d'années. "En fait, nous savons depuis longtemps que les jours s'allongent, ce n’est pas une découverte en soi", tempère Philippe Lognonné, chercheur à l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), joint par LCI. "Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la méthode que ces scientifiques ont utilisé pour parvenir à ce constat ", note-t-il.

Pour remonter aussi loin dans le temps, les chercheurs ont procédé à des analyses géologiques, un peu comme le fait pour établir l'âge d'un arbre, lorsqu'on compte les anneaux sur son tronc. "Pour calculer le nombre de jours dans une année, à une échelle de temps aussi lointaine, les scientifiques utilisent habituellement des roches fossilisées ou des coraux. A l'instar des bivalves -le fameux mollusque dont la coquille a permis aux chercheurs de mener leurs travaux-, les coraux ont un cycle de croissance annuel et un cycle de croissance journalier. Pour faire simple, il suffit de compter le nombre de cycles par an et vous obtenez ainsi la durée du jour terrestre ou la durée du jour lunaire, c’est-à-dire le temps qu’il faut à la Lune pour tourner autour de la Terre", détaille Philippe Lognonné. Dans leur étude, parue dans la revue Advancing Earth and Space Science, les scientifiques expliquent qu'ils sont parvenus à repérer sur les bivalves pas moins de cinq marqueurs chimiques distincts, pour une journée.

En cause, la relation entre la Terre et la Lune

Il y a environ 70 millions d'années, la Terre tournait donc sur elle-même 372 fois par an (contre 365 aujourd'hui). Par conséquent,  si l'on en croit les calculs de cette équipe de paléontologues, les jours terrestre duraient environ 23 heures et 30 minutes - en partant du principe que la durée de l’année ne change pas : au total, 8.600 heures au Crétacé supérieur, tout comme aujourd’hui. Ce phénomène, bien connu des scientifiques, s'explique par la relation qu'entretient la Terre avec sa sœur jumelle, la Lune.  

"Les forces de marées exercées par la Lune sur la Terre changent la vitesse de rotation de la Terre sur elle-même, et par conséquent la durée du jour. Lors des missions du programme Apollo, les astronautes de la Nasa ont installé des réflecteurs sur la surface de la Lune. Grâce à eux, nous savons depuis que la Lune s’éloigne de la Terre d’environ 3,5 centimètres par an. Ce phénomène participe également au rallongement de la durée du jour", explique le chercheur de l'IPGP. 

En outre, plus la technologie se perfectionne, plus les méthodes de comptage sont précises. "En analysant de très vieilles roches sédimentaires, qu'on appelle des rhythmites, en analysant l'alternance des marées, nous sommes parvenus à remonter le temps jusqu’à des temps ancestraux, 500 voire 600 millions d’années en arrière", souligne Philippe Lognonné.

Théoriquement, d'ici environ cinq milliards d'années, la durée d'un jour terrestre sera de plusieurs jours actuels.
Philippe Lognonné, chercheur à l'Institut de géophysique du globe de Paris.

Mais pour quoi faire au juste ? "Nous avons besoin de calculer les effets de variation de la durée du jour pour effectuer des corrections", reprend le scientifique. "Cela nous permet, par exemple, reconstituer l’heure et le lieu des éclipses qui sont répertoriées dans des textes babyloniens qui datent du Ier millénaire avant Jésus-Christ. La position de l’ombre projetée sur la surface de la Terre dépend à la fois de la latitude, de la longitude, mais également de la vitesse de rotation de la Terre et de la vitesse orbitale de la Lune. Si on ne tient pas compte de ces facteurs, on s’aperçoit que l’éclipse qui devait avoir lieu à tel endroit il y a 3.000 ans a en fait eu lieu dans le village d’à côté", complète-t-il.

Plus généralement, même s'il se produit sur une échelle de temps extrêmement longue, le rallongement des jours terrestres va se poursuivre inexorablement au cours des prochains millénaires. "Théoriquement, d'ici environ cinq milliards d'années, la durée d'un jour terrestre sera de plusieurs jours actuels. Cependant, d'ici là, le Soleil aura  a priori disparu et avec lui toute trace de vie sur la planète Terre",  prévient Philippe Lognonné. 


Matthieu DELACHARLERY

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