Le Parlement demande son interdiction : la pêche électrique, un "poison" dans les eaux européennes ?

Publié le 16 janvier 2018 à 14h00, mis à jour le 16 janvier 2018 à 15h55
Le Parlement demande son interdiction : la pêche électrique, un "poison" dans les eaux européennes ?

ÉTAPE - Alors qu'une dérogation proposée en novembre ouvrait la voie à un élargissement de "l'électropêche" en mer du Nord, où elle est permise à titre expérimental, les eurodéputés se sont prononcés contre ce mardi 16 janvier à Bruxelles. Une bonne nouvelle pour les défenseurs de la vie sous-marine mais aussi pour les pêcheurs français.

Une étape cruciale sur le long parcours législatif du texte au sein de l'UE. Le Parlement européen s'est prononcé ce mardi en faveur de l'interdiction de la pêche électrique dans les eaux territoriales, s'opposant à une dérogation proposée par la Commission "pêche" en novembre dernier. Le texte, voté à l'époque par 23 voix contre 3, ouvrait la voie à un élargissement de cette pratique, officiellement interdite dans les eaux de l’Union depuis 1998, sauf dérogation. Et, ce, non sans susciter l'inquiétude des pêcheurs et des associations.

"A une époque où l’on parle de dépeuplement de la mer et de diminution des stocks de poissons et de crustacés, cela nous semble être une très mauvaise idée que de faire la promotion de cette pêche qui est un véritable poison, et dont le principal intérêt est la rentabilité", estimait alors Jacky Bonnemains, porte-parole de Robins des bois. L'association environnementale, qui travaille sur le sujet depuis 2012, dénonce, à l’instar de Bloom et de nombreuses autres ONG, des effets dévastateurs pour les écosystèmes marins.

Hémorragies, déformations et anomalies de croissance

Essentiellement utilisée pour capturer des espèces benthiques, qui vivent au fond de la mer, la pêche électrique consiste, comme son nom l’indique, à user d’un champ magnétique. Objectif recherché ? Etourdir la faune qui remonte ainsi plus facilement à la surface. Dans la pratique, des chaluts à perche sont dotés de filets fixés à une armature rigide, lestés pour racler les fonds et dont les chaînes sont remplacées par des électrodes. "C’est de la prédation" dénonce Jacky Bonnemains, avant de détailler, en s'appuyant sur des études étrangères pour la plupart, l’impact sur la faune. "Nous constatons que les poissons capturés après avoir été choqués, neutralisés, et tétanisés par la décharge électrique, tout comme ceux qui échappent aux chaluts, sont victimes d’hémorragies internes, de déformations de la colonne vertébrale, de rupture de la moelle épinière ou encore d’anomalies de croissance. On s’aperçoit aussi que lorsqu’elles ont lieu sur des juvéniles, ces agressions électriques nuisent au développement des larves ou des œufs."

Si les adeptes de la pêche électrique prônent pour leur part une méthode plus économe en énergie et moins impactante  pour l’habitat marin, l’argument apparaît "bien mince et très opportuniste au regard de la morale ", rétorque Robin des Bois. Pourtant depuis 2007, et les dérogations accordées "à titre expérimental" aux Etats membres à raison de 5% de leur flotte de chalutiers, la méthode progresse dans les eaux européennes. Les Néerlandais, qui en sont d'ardents défenseurs, dénombreraient ainsi à ce jour pas moins de 80 chalutiers équipés pour la pêche électrique. "Le vrai problème, c’est que les services d’inspection des pays européens sont absolument incapables de contrôler en continu le voltage utilisé sur ces chalutiers", avance le porte-parole de l’association écologique. 

La fréquence en question

Or, de l'avis de nombreux experts, ce paramètre est bien déterminant en matière d’impact sur les espèces. En témoigne, le recours à cette pratique à des fins scientifiques ou de gestion des ressources piscicoles, censé préserver avant tout chose la vie du poisson. "Tandis que la pêche électrique en mer est utilisée dans un but d’exploitation, en matière de pêche de sauvegarde et d’inventaire, en eau douce, le but est d’étudier ou de préserver les ressources", explique Philippe Ruiz, directeur de GEREA, un bureau d’études habilité à recourir à cette technique dans des cas bien définis (travaux sur des cours d’eau, vidange, sécheresse, etc). Et de poursuivre : "la fréquence est déterminée selon une méthode bien précise liée à la taille du poisson que l’on veut attraper". Très réglementé, ce mode d'application, qui s'avère être le seul utilisé à ce jour en France, garantit à la faune de recouvrer sa mobilité rapidement et ce sans séquelle.

Décriée par les associations pour son impact environnemental, la pêche électrique l'est aussi pour des raisons économiques par les professionnels français qui dénoncent une "concurrence déloyale". Mais le dossier sous haute tension n'est pas encore définitivement clos. Le Parlement va maintenant entrer en négociation avec le Conseil (les Etats membres) et la Commission pour trouver un compromis final.


Audrey LE GUELLEC

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