À TABLE - Après des mois de confinement où leur activité était tombée à zéro ou presque, l'heure des comptes est cruelle pour les métiers de la restauration collective, qui doivent trouver pour l'avenir des formules qui s'éloignent de la cantine.
1.888 postes supprimés, c'est le triste bilan de huit mois de pandémie chez Elior, l'un des leaders français de la restauration collective. Selon ses propres chiffres, l'activité de l'entreprise aura baissé cette année de 45%, et le plan social annoncé ne soldera pas entièrement la crise : à ce jour, Elior envisage encore d'avoir recours au chômage partiel sur certains de ses plus grands sites.
Mais Elior n'est pas seul. Sodexo, Compass, Sogeres, les géants français qui sont aussi parmi les plus grandes entreprises internationales du secteur, souffrent également d'une crise dont ils ne voient pas le bout. Surtout, là où l'activité d'une cantine d'entreprise était stable et facilement prévisible d'une semaine et d'un jour à l'autre, la nouvelle donne a rendu le métier plus compliqué.
Vers une cantine aussi flexible que le travail
Une fois passé le choc du confinement, et la fluctuation rapide du nombre de personnes travaillant "en présentiel" plutôt qu'en télétravail, les professionnels de la restauration d'entreprise entrevoient un avenir où ne figure pas le retour au monde d'avant.
Selon Elior, même une fois la crise passée, l'entreprise s'attend à voir son activité baisser de 20% environ, de manière plus structurelle. L'explication, ce sont les nouveaux modes de travail que la pandémie a accéléré, télétravail en tête. Et de fait, selon une enquête récente de l'équipementier de bureau Ouest-Bureau, 83% des employés européens disent vouloir continuer à travailler à distance, un ou plusieurs jours par semaine. Un télétravail qui ne serait plus un symptôme, mais une nouvelle normalité.
C'est à celle-ci que les grands de la restauration collective tentent aujourd'hui de s'adapter, avec des pistes pour rebondir. D'abord en comptant sur une normalisation des conditions du télétravail. Car même chez lui, l'employé peut voir tout ou partie de son repas pris en charge par l'employeur. Parmi les solutions, celle du ticket-restaurant, mais chez Sodexo, Elior et les autres, on penche évidemment plus volontiers pour la livraison de repas à domicile, un service qu'ils assurent déjà, pour des entreprises ou des collectivités.
Pour simplifier le processus, Sodexo a ainsi imaginé "Prêt à dîner", un repas à emporter, à commander sur son smartphone et à retirer au restaurant d'entreprise en fin de journée, soit pour le consommer le soir-même, soit pour en faire son déjeuner de télétravailleur le lendemain. Pour suivre chez les salariés l'aspiration au retour à la cuisine faite maison, Sodexo a aussi imaginé installer, dans les cantines sous-utilisées de ses clients, un "Petit Épicier", comme un petit marché de produits frais, en circuit court.
Trouver sa place, en amont de la transformation
Pour autant, malgré la multiplication des offres et des services plus "à-la-carte", nos géants du plateau-repas sentent bien que l'avenir qui se dessine pourrait les oublier. Au point d'imaginer des initiatives comme celle de WxStudio, une sorte de start-up interne au groupe Sodexo, qui elle veut conseiller les entreprises sur la nouvelle organisation du travail, sur l'architecture des bureaux, sur les nouveaux modes de collaboration. Comme l'explique son co-fondateur Yannick Villar, "plus cette crise perdurera, plus nous assisterons à des changements de comportement, radicaux et durables", la start-up permettant aussi à sa maison-mère d'avoir une vue sur le futur de son propre métier.
De son côté, Elior dit aujourd'hui que sur les plus de 1.800 salariés concernés par son PSE, il espère en reclasser un millier environ dans ses autres métiers, ceux qui alimentent en repas l'éducation, mais aussi la santé, deux secteurs moins vulnérables aux crises, qu'elle soient économiques ou sanitaires.