"Il y a un lien entre urgence climatique et sociale" : marche pour le climat et Gilets jaunes, même combat ?

par Claire CAMBIER
Publié le 4 décembre 2018 à 19h50, mis à jour le 4 décembre 2018 à 22h07

Source : Sujet JT LCI

MAINTIEN - Après les violences survenues samedi à Paris, le ministre de l'Intérieur a invité les organisateurs de la marche pour le climat à annuler leur événement. Impossible lui répondent ces derniers. Face à l'urgence climatique, ils comptent agir et pourquoi pas avec les Gilets jaunes.

La mobilisation est prévue de longue date. Depuis des mois, de nombreuses associations environnementales préparent la Marche pour le climat : près de 140 événements sont recensés dans tout la pays, dont un à Paris. Et le tracé de la manifestation dans la capitale a été minutieusement élaboré.

"Nous avons rendez-vous au Trocadéro à 14h et notre parcours se terminera au Champ de mars, c'est symboliquement important", nous explique Gabriel Mazzolini, chargé de mobilisation Climat au sein des Amis de la Terre. "Nous finirons sur la place Joffre où plus de 25.000 personnes se sont réunies en 2015 lors de la COP 21". Autre image forte : la Tour Eiffel en fond, un repère essentiel pour un événement à la portée mondiale, et auquel participent 17 autres pays.

On ne peut pas annuler une marche pour le climat, ce n’est pas possible (...) l'urgence climatique est trop importante !
Pauline Boyer, Alternatiba

Du côté du gouvernement, clairement, cette mobilisation n'enchante personne. Après les scènes de chaos que l'on a pu voir à Paris malgré 5.000 forces de l'ordre, on craint de nouveaux débordements de la part des Gilets jaunes samedi. Car un acte IV semble en bonne voie  malgré les annonces d'Edouard Philippe.   "J'espère, et j'invite même les organisateurs à ne pas vouloir maintenir cette manifestation" a-t-il déclaré ce mardi lors de son audition par la Commission des lois de l'Assemblée nationale. Un nouveau rendez-vous est prévu à la préfecture de police jeudi avec les organisateurs, qui excluent toute annulation. 

"On ne peut pas annuler une marche pour le climat, ce n’est pas possible", lui répond Pauline Boyer, du mouvement citoyen Alternatiba. "L'urgence climatique est trop importante, nous venons encore d'avoir des alertes lancées par l'ONU et le Giec, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, il faut réagir". "On ne va pas gentiment annuler", la soutient également Charlotte Mijeon, du réseau Sortir du Nucléaire. "Cette manifestation est prévue de longue date et surtout, elle est légitime".

Un "mauvais signal de la part du gouvernement"

Si les organisateurs comprennent les difficultés de la Préfecture à assurer la sécurité de tous dans la capitale, ils y voient aussi un mauvais signal. "Demander une telle annulation au début d’une COP, c'est assez catastrophique", regrette Charlotte Mijeon. "Et ça n'est pas sans rappeler l'interdiction de manifester qui nous avait été déjà imposée lors de la COP 21 sous couvert de l’Etat d’urgence". 

La jeune femme s'avoue "inquiète" quand aux engagements du gouvernement. "On nous parle écologie et climat, mais en même temps on réprime les mouvements environnementaux", dit-elle évoquant à titre d'exemple "des répressions à l'encontre des opposants du 'grand contournement ouest'" - un projet de contournement autoroutier de Strasbourg - ou encore "des perquisitions de militants" opposés au projet d'enfouissement des déchets radioactifs à Bure.

Écologistes et Gilets jaunes, même combat ?

Et les Gilets jaunes dans tout ça ? Ils ne font clairement pas peur aux écologistes, bien au contraire. Tous s'accordent sur une idée : "nos deux causes sont liées", explique Gabriel Mazzolini, "l'urgence climatique et l'urgence sociale". "Les populations les plus précaires seront les premières impactées par le dérèglement climatique, en militant pour le climat, on milite pour la justice sociale", le rejoint la militante d'Alternatiba. "Notre combat, c’est de montrer qu’il y a des alternatives qui existent partout sur le territoire pour réorganiser la société en se basant sur des valeurs de solidarité et d’équité, tout en respectant l'environnement".

Eux non plus ne se satisfont pas des annonces d'Edouard Philippe. "J’espère qu’il va aller plus loin : taxer le kérosène, le carburant des bateaux au long cours, développer le frêt ferroviaire, il y a tellement de choses à faire", souffle-t-elle.

De là à faire front commun, il n'y a qu'un pas que certains ou certaines n'hésitent pas à franchir. "Le dialogue avec les Gilets jaunes a été établi dans beaucoup de territoires dès le début", poursuit Pauline Boyer. À Aix en Provence ou encore Amiens, des Gilets jaunes devraient d'ailleurs renforcer les rangs des militants écologistes. Une initiative qu'encourage Cyril Dion. L'auteur et co-réalisateur du documentaire Demain a signé une tribune dans Libération pour inviter les manifestants contre la vie chère à les rejoindre.

Ce qui fait que les inégalités se creusent, que quelques personnes deviennent de plus en plus riches et que de plus en plus de personnes s'appauvrissent, est la même chose que celle qui détruit les écosystèmes
Cyril Dion, réalisateur du documentaire "Demain"

"Finalement, notre problème est relativement le même : on a besoin de changer notre système économique et démocratique", expliquait-il ce mercredi sur Europe 1. "Ce qui fait que les inégalités se creusent, que quelques personnes deviennent de plus en plus riches et que de plus en plus de personnes s'appauvrissent, est la même chose que celle qui détruit les écosystèmes : c'est un capitalisme qui essaie d'obtenir du profit le plus rapidement possible, à court terme, en faisant fi à la fois des limites écologiques et du bien-être des gens", estime-t-il.

Il le sait, le mouvement est très disparate. Et c'est pour cela qu'il considère qu'y prendre part est essentiel : "Ce mouvement est très hétérogène, mais si l'on n'essaie pas de lui donner une direction, de se donner des objectifs communs, on laisse la place à l'extrême-droite et au populisme", alerte l'écologiste.

Ces disparités peuvent aussi poser question à une certaine frange d'écologistes. Charlotte Mijeon préfère ainsi ne pas prendre de position sur ce mouvement trop "pluriel, divers, avec de multiples revendications". 

A l'autre bout de la France, Agnès Boutonnet, présidente de France Nature Environnement dans le Vaucluse se dit "dans l'interrogation". "J’espère que la question du climat ne sera pas complètement étouffée par les autres revendications", confie-t-elle. Ce samedi, elle est attendue à Toulouse où elle doit prononcer un discours. Si elle dit "comprendre les Gilets jaunes", les derniers débordements ne la rassurent pas : "J’ai l’intention d’y aller mais je ne sais pas ce que je vais trouver." Elle déplore que les taxes sur les carburants ont fait croire à de nombreux Gilets jaunes qu'"ils n’arrivent pas à finir leur fin de mois à cause de l’écologie, alors que ce n’est pas vrai." Ce samedi, elle compte bien tenter de leur expliquer.


Claire CAMBIER

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