Intrusion dans le lycée Paul-Eluard à Saint-Denis : "Les problèmes de bandes dans la ville se répercutent dans les établissements"

par Amandine REBOURG Amandine Rebourg
Publié le 21 mars 2019 à 9h21

Source : JT 20h Semaine

EDUCATION - Ce mardi 12 mars, des individus se sont introduits dans le lycée Paul-Eluard armés de battes de baseball et de marteaux à la recherche d'un élève. Un nouvel incident dans cet établissement de Saint-Denis où les bandes des cités règlent leurs comptes à l'intérieur de ses murs. Des mesures sont régulièrement prises pour tenter d'enrayer le phénomène mais sont-elles suffisantes ?

Ce mardi 12 mars, une quinzaine d'individus armés de battes de baseball et de marteaux sont entrés dans le lycée Paul-Eluard de Saint-Denis. Ils ont découpé la grille d'enceinte, nouvellement installée, à l'arrière du lycée. Ils cherchaient un jeune homme, dans le réfectoire de lycée qui compte 1900 élèves. Un raid mené en représailles d'un événement survenu quelques jours avant, indiquent plusieurs sources à LCI. 

Une agression qui survient après une période d'accalmie de longues semaines pour ce lycée. Des mesures ont immédiatement été prises. "On est sur des actions de prévention, nous explique le proviseur du lycée, Bruno Bobkiewicz. Nous avons réactivé le comité local de prévention de la délinquance, la présence des équipes mobile de sécurité du rectorat est renforcée et on avance sur des équipes mobile de sécurité financée par la région". Un débat a été organisé ce mardi après-midi afin d’instaurer des moments d’échange avec les élèves. 

Un phénomène de rivalité entre quartiers qui se répercute dans le lycée

Ces accès de violence se produisent régulièrement dans le lycée et aux abords de ce dernier. "Ce phénomène de violence dépasse largement le cadre éducatif", analyse Bruno Bobkiewicz. "Ces violences relèvent de la question d'appartenance à un quartier. Il y a des problèmes de bandes dans la ville et ils se répercutent dans les établissements car c'est là que les jeunes se trouvent", dit-il. En d'autres termes, des règlements de compte, agressions et parfois rackets qui se règlent à l'intérieur de l'enceinte de Paul-Eluard mais aussi d'autres établissements de la ville. 

Tout cela vient des problématiques des quartiers : ce qu'il s’y passe entre dans les lycées
Malika Chemmah, présidente de la FCPE du lycée Paul-Eluard

Une analyse partagée par Malika Chemmah, présidente de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) à Paul-Eluard. "C’était prévisible parce que pendant les vacances, il y a eu des histoires de violences, dans les quartiers. Or les élèves d'Eluard viennent de différents collèges et de différents quartiers qui se trouvent être en conflit entre eux", dit-elle. "Cela fait deux ans que cela prend de l'ampleur. Eluard était un établissement paisible et rassurant pour les parents. Les autorités n'ont rien fait pour anticiper la chose alors que ces problèmes de rivalité étaient connues", regrette cette représentante des parents d’élève. "Il y a un phénomène de banalisation de la violence. C’est effrayant car ces jeunes n’ont peur de rien et n’ont aucune limite", selon elle. 

Et de raconter : "Un jour, un groupe d’élèves arrivaient et l'un d'eux a été violemment pris à partie, car identifié comme un habitant d’une cité. Les autres élèves ont essayé de le défendre et ont dû se mettre en sécurité. Ça les a choqué mais les familles n'ont pas porté plainte". La peur des représailles et la loi du silence font aussi partie de ce quotidien délétère. Un autre professeur mais d’un lycée voisin, aussi touché par ces violences, raconte : "Il arrive que l’on doive exfiltrer des élèves du lycée, pour les protéger. Parfois je me demande si je suis policier ou bien enseignant". 

Des élèves qui vont parfois au lycée la peur au ventre

Pour autant, aussi graves et impressionnants soient-ils, ces phénomènes de violences n'impliquent que très peu d’élèves. "95% des élèves du lycée ne sont pas concernés ni visés par ces violences. On parle d'une petite minorité", explique Bruno Bobkiewicz. "Cela concerne une minorité d'élèves que personne n'arrive à gérer. On n'arrive pas à comprendre pourquoi ils arrivent à instiller un tel phénomène de terreur", relève Malika Chemmah, en colère. 

De nombreux élèves "vont au lycée la peur au ventre", explique-t'elle. "Sur le chemin du lycée, certains élèves se sentent en danger. Des parents les amènent et vont les chercher. Hier, certains ont même pensé à de ne pas les envoyer en cours", dit-elle. Un élève explique à LCI : "J’ai peur de me retrouver au milieu d’un règlement de compte même si je n’ai rien à me reprocher et que cela ne me concerne pas. En fait, il suffit de ne pas venir du bon quartier et là, c’est mort", analyse le lycéen qui préfère rester anonyme. Un sentiment contre lequel le corps enseignant, "désabusé par la répétition des incidents", selon Bruno Bobkiewicz, ne peut pas faire grand-chose. 

Comme à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, les enseignants ont fait valoir leur droit de retrait, mardi. L'année dernière, ils l'avaient exercé à deux reprises en une semaine, après qu'un parpaing a été lancé sur la vitre d'une salle de classe blessant deux élèves. Une journée "lycée désert" avait alors été organisée par les parents d'élèves pour protester contre ces violences répétées.

Des mesures avaient alors été prises par la Région Île-de-France, pour faire face à cette situation. Valérie Pécresse, présidente de la région, s'était engagée à mettre sur pied des mesures de sécurité renforcées, après un énième incident. Un système de vidéosurveillance a été mis en place et une nouvelle clôture a été installée pour remplacer la précédente. "Tout le monde s'est engagé mais il faut continuer", précise le proviseur. 

Ces élèves violents ne vont pas bien car il y a une violence sociale dans ces quartiers
Malika Chemmah, présidente de la FCPE du lycée Paul-Eluard

Le corps enseignant et éducatif ainsi que les parents d'élèves semblent soudés et tous s'accordent à dire qu'il faut des moyens efficaces mais lesquels ? "On manque encore de moyens humains. On ne peut pas protéger les élèves de cette manière", explique un professeur à LCI. Ce que déplore également Malika Chemmah. 

Alors que faire ? Où se situe réellement le problème ? "Cela ne relève plus du lycée car la direction est très présente, dit-elle. Mais il s'agit de se demander si c’est le rôle de l’institution scolaire de gérer ces violences. Les professeurs, les surveillants, et les élèves ne sont pas formés pour affronter ça. Il doit y avoir un travail de fond mené dans ces quartiers, avec des éducateurs, des structures adaptées, des MJC… ", résume cette mère de famille.  "Ces élèves violents ne vont pas bien car il y a une violence sociale dans ces quartiers à laquelle il faut répondre par des moyens humains. Lorsque l'on aura mis cela en place, le problème sera réglé", certifie Me Chemmah. 

Ce mercredi, les cours ont repris,normalement. Quant à l'élève victime de ces faits de violence ce mardi 12 mars, "il va bien. Il a reçu des coups mais il va bien", rassure le proviseur. 


Amandine REBOURG Amandine Rebourg

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