La Commission européenne voudrait démanteler EDF, la France fait de la résistance

par Cédric INGRAND
Publié le 13 octobre 2020 à 19h14
La Commission européenne voudrait démanteler EDF, la France fait de la résistance
Source : iStock

COURT-CIRCUIT - Pour éviter que les aides d'Etat à l'électricien français ne viennent fausser la concurrence, la Commission demanderait rien de moins que l'éclatement du groupe. De quoi rebattre les cartes du plan de réorganisation qu'EDF préparerait pour la fin de cette année.

61 milliards d'euros. C'est le niveau record de la dette d'EDF fin 2019, plombé par des dépenses structurelles - comme les chantiers des réacteurs EPR de Flamanville et de Hinckley Point - et probablement aggravés depuis par les retards de maintenance de nombre de ses autres réacteurs, conséquence de la crise sanitaire. Sans compter même des dizaines de milliards d'investissements à financer, dans le nucléaire et ailleurs.

Face à cette dette, EDF sait pouvoir faire appel à son actionnaire principal, l'Etat français, qui le soutient financièrement au nom du service public de l'énergie, entre autres. Un soutien que la Direction générale de la concurrence de Bruxelles voudrait conditionner à l'éclatement de l'énergéticien, pour que l'aide à la filière nucléaire n'avantage pas les autres métiers d'EDF face à ses concurrents.

Les activités d'EDF potentiellement éclatées en autant de filiales concurrentes

Ces demandes de Bruxelles, on les retrouve citées dans un document interne à Bercy. Ce que détaille la note de l'Agence des participations de l'Etat (APE), c'est l'exigence formulée par Bruxelles d'une EDF réduite à une holding financière, sans rôle opérationnel, où chaque activité serait logée dans autant de sociétés séparées, juridiquement et dans leur organisation, sans contrôle de la holding, et sans partage d'information entre ces filiales, qui pourraient même se faire concurrence entre elles.

La Chronique éco : Comment sauver EDF ?Source : La Matinale LCI

Face à l'intransigeance de la Commission, la note de Bercy oppose ce qu'elle appelle "les lignes rouges des autorités françaises", à savoir la possibilité de conserver un groupe avec une gouvernance commune, et "la capacité pour la société-mère du groupe de déployer une stratégie de groupe et de construire un projet industriel d'ensemble".

"Vert", "Bleu" et "Azur", quand EDF se voit en pôles

Dans ce qui sonne comme une réponse à la Commission européenne, EDF assurait au début du mois que ses projets de réorganisation avancent bien. Le plan, baptisé "Hercule", prévoit la séparation de ses activités en deux, ou trois pôles. Un "EDF Bleu" qui comprendrait les activités nucléaires et resterait public, un "EDF Vert" pour les énergies renouvelables, dont 35% seraient cotés en Bourse, et une éventuelle filiale "EDF Azur" qui gérerait l'activité hydroélectrique. Pour Jean-Bernard Lévy, PDG d'EDF, l'entreprise doit rester un groupe "intégré". 

Des syndicats vent debout contre le démantèlement... et la réorganisation

Dans leur négociation avec Bruxelles, l'Etat français et EDF pourront aussi compter sur l'appui bruyant des syndicats, mais jusqu'à un certain point seulement. Toutes centrales confondues, les organisations syndicales voient d'un très mauvais œil le projet Hercule, le décrivant comme le premier pas vers une privatisation de l'électricien. Mais les exigences de la Commission pourraient matérialiser pour eux une alternative pire encore. Côté CGT, on l'évoque comme un projet de "bradage" et de "liquidation par découpe d'EDF". De quoi rendre le projet de réorganisation interne plus acceptable, peut-être.


Cédric INGRAND

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