MOBILISATION - Ce jeudi 14 novembre, des personnels des hôpitaux publics en grève descendent une nouvelle fois dans la rue pour une "grande journée de mobilisation" afin de réclamer un plan d'urgence, huit mois après le début de la grève des services d'urgences.
Les différentes annonces distillées par Agnès Buzyn au fil des mois pour tenter de calmer la colère n'y ont rien fait : les paramédicaux des services d'urgences ont été tour à tour rejoints par des syndicats de médecins, des infirmiers de bloc opératoire, des étudiants en médecine ... Tous réclament l'équivalent d'un plan Marshall pour l'hôpital : des ouvertures de lits, des recrutements, des augmentations de salaire ainsi que l'arrêt de la facturation à l'acte.
Pour se faire entendre un peu plus, ce jeudi 14 novembre, une journée de manifestation est organisée à Paris mais aussi en région pour tenter de faire le poids face à un projet de loi de finances de la Sécurité sociale qui, s'il est voté, devrait forcer l'hôpital public à se serrer la ceinture, en attendant le plan d'Agnès Buzyn qui doit être annoncé courant novembre. En début d'après-midi jeudi, plusieurs milliers de personnes étaient déjà rassemblées. "Il est urgent d'agir", "l'hôpital est mort, réanimez-le", "hôpital public en urgence vitale": la gravité des slogans sur les banderoles tranchait avec l'ambiance festive et bon enfant du cortège parti de Port-Royal vers 14h.
Une dette persistante de 30 milliards d'euros
Ce dimanche, le JDD affirmait que la reprise de la dette des hôpitaux était une piste envisagée comme remède à la crise. Mais le ministère de l'Economie et des Finances s'est empressé de rectifier : l'idée ne serait "pas une option envisagée". Et la dette est colossale, pas moins de 30 milliards d'euros, qui oblige les établissements de santé à emprunter sur les marchés financiers avec des taux d'intérêts de 2 à 4% selon Olivier Véran (LaREM).
Les représentants des directeurs et des médecins ont demandé une rallonge d'au moins 250 millions d'euros sur le budget de la Sécu. Dans un communiqué, six organisations "appellent unanimement les décideurs publics à rehausser" cet objectif de dépenses et souhaitent "a minima une progression de +2,4% comme cela a été le cas (en) 2019". Une rallonge qui permettrait d'"amorcer une sortie de crise, car derrière (ces) taux, c'est l'investissement pour le soin, l'innovation, et surtout les forces vives de nos établissements qui sont en jeu", affirment-elles. Et les forces vives ne cessent de répéter qu'elles sont "à bout de souffle".
Une crise qui s'enlise et s'étend
Cela fait huit mois que les soignants alertent les pouvoirs publics sur les difficultés qu'ils rencontrent dans leurs services : dégradation de leurs conditions de travail, pénurie de médicaments, problèmes de sécurités dans les services, épuisement professionnel. Et demandent des augmentations de salaires, des embauches, ainsi que l'ouverture de lits dans les services pour permettre aux patients d'être hospitalisés de façon optimale.
En réponse, Agnès Buzyn avait débloqué avant une enveloppe de 70 millions d'euros, "insuffisant" pour les soignants. "Ils n'ont pas servi à grand chose", glisse le Collectif InterUrgences. Le Pacte de refondation des urgences à 750 millions d'euros sur trois ans se fait encore attendre. Un nouveau collectif s'est créé et allié à celui de l'Interurgences : le collectif Interhôpitaux. Regroupant des chefs de service, des médecins hospitaliers des cadres de santé, des kinés, des assistantes sociales ainsi que des agents hospitaliers, cette nouvelle organisation interprofessionnelle des métiers de santé en appelle à "une lutte collective de tous les personnels des hôpitaux sur l’ensemble du territoire".
De l'avis de certains, le point de rupture a été atteint avec l'annonce du budget de la Sécurité sociale, qui limite la progression des dépenses de santé, le "fameux" Ondam. "A partir du moment où les députés votent un Ondam qui, ipso facto, entraîne un déficit des hôpitaux, il y a une rupture épouvantable avec les préoccupations du terrain", s'est indigné Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France.
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Alors, les forces s'organisent pour faire pencher la balance, le 14 novembre prochain. Le collectif InterUrgences a mis en place une cagnotte pour permettre aux soignants exerçant en province de se rendre à Paris pour la manifestation. Des communiqués sont adressés régulièrement pour mobiliser les troupes. On tracte aussi sur les marchés où l'on sensibilise les passants aux difficultés, les invitant à rejoindre le cortège... tous les moyens sont bons. Des médecins urgentistes ont signé une tribune dans le JDD pour interpeller les Français sur la situation de "démantèlement" de l'hôpital public.
Une grève du codage (transmission d'informations permettant aux hôpitaux de facturer leurs actes à l'Assurance maladie), s'est aussi propagée dans les services, à Paris mais aussi à Marseille ou à Clermont-Ferrand. "On aimerait une mobilisation qui soit autre chose qu'un pouce en l'air : un virage à 180 degrés", expliquait un soignant lors d'un colloque organisé la semaine dernière à Paris.