Profs en colère : sans grève ni syndicat, les "Stylos rouges" réinventent la mobilisation enseignante

par Matthieu JUBLIN
Publié le 4 janvier 2019 à 16h11
Profs en colère : sans grève ni syndicat, les "Stylos rouges" réinventent la mobilisation enseignante
Source : FREDERICK FLORIN / AFP

CONTESTATION - Né en décembre, le mouvement des "Stylos rouges" regroupe des enseignants en colère, qui réclament sur les réseaux sociaux et désormais sur le terrain "une revalorisation de leur métier tant mis à mal". Cinq des six cofondateurs du mouvement se sont confiés à LCI.

"Les gilets jaunes ont réveillé une petite lumière en nous, celle de la solidarité", lance Cyril, professeur d'histoire. Il y a près de quatre semaines, avec cinq autres enseignants, ils ont créé sur Facebook le groupe des "Stylos rouges", qui réunit désormais près de 50.000 membres pour réclamer une "revalorisation" de leur métier, "tant mis à mal". Quatre de ces six cofondateurs ont expliqué à LCI la genèse et l'organisation de ce mouvement qui prend de l'ampleur.

Parmi eux, il y a Sam, professeure des écoles en Seine-Saint-Denis, Fabien, directeur d'école dans l'académie d'Aix Marseille, et Julie, professeure dans l'enseignement agricole. Tous souhaitent rester anonymes, et tous témoignent d'un malaise qui vient de loin, bien avant l'émergence du mouvement des Gilets jaunes. Un malaise amplifié, disent-ils, par le récent mouvement "#PasDeVagues", lancé par des enseignants dénonçant le manque de soutien de l'institution après l'agression d'une professeure. Les "Stylos rouges" évoquent aussi le projet de loi de Jean-Michel Banquer sur "l'école de la confiance" qui selon Sam s'apparente à une "école de la défiance" envers les professeurs. "Et ce malaise s'est accentué le 31 décembre lorsque le président a encore oublié les enseignants", ajoute-t-elle.

"Je travaille depuis 2002 dans l'enseignement et je remarque ce malaise depuis 2010, je dirais", estime Julie. "Le nombre de postes d'enseignants diminue, la part du PIB allouée à l'éducation diminue, la précarisation au sein de l'éducation nationale augmente, affirme quant à lui Cyril. Quant aux mécontentements, ils sont aussi forts qu'est grande la passion liée au métier..."

"L'augmentation de salaire, seule, ne suffira pas. Nous avons la volonté de transformer l'Éducation nationale en profondeur"

Fabien constate que "de plus en plus de collègues tombent en burn out ou démissionnent". Et Sam raconte y avoir pensé à plusieurs reprises : "J'étais stagiaire l'an dernier et j'ai voulu déposer ma démission deux fois, alors que je connaissais déjà la maison car j'ai été contractuelle en Histoire et Géographie. La seule chose qui m'a fait tenir c'est la passion que j'ai d'apprendre à mes élèves de nouvelles choses."

"Le succès du groupe prouve ce besoin de communiquer et de se faire entendre", analyse Fabien. En plus d'une augmentation des salaires et du dégel du point d'indice, les "Stylos rouges" demandent, dans un manifeste adressé au gouvernement et publié sur Twitter, de "meilleures conditions de travail", notamment à travers une diminution du nombre d'élèves par classe, une reconnaissance du temps réel de travail ou encore une augmentation du nombre de professeurs remplaçants. "L'augmentation de salaire, seule, ne suffira pas. Nous avons la volonté de transformer l'Éducation nationale en profondeur", insistent-ils.

"Les collègues ne croient plus aux grèves"

Pour faire avancer leur cause, ils assument de rester hors du cadre syndical, à l'image des Gilets jaunes. "Les collègues ne croient plus aux grèves et aux manifestations pour faire entendre leur mécontentement. Il fallait donc trouver un autre moyen pour se faire entendre, à travers la création de notre mouvement, mais nous soutenons les syndicats et espérons qu'ils en feront de même", explique Sam. "De plus, nous regroupons l'ensemble des enseignants : privé, public, premier et second degrés, enseignement agricole... Chose que les syndicats ne proposent pas encore. Nous espérons qu'à l'avenir notre mouvement permettra aux syndicats de retrouver leur pouvoir perdu." Distance, mais pas défiance, donc. 

A la rentrée des enseignants donneront 20/20 à tous les élèves

Ces fondateurs doivent se concerter prochainement pour décider des actions à réaliser sur le terrain. Mais ils constatent déjà que "le mouvement a pris plus d'ampleur durant ces vacances". Et il a déjà fait des petits : à Lille, des enseignants se réclamant des "Stylos rouges" ont déjà annoncé qu'ils protesteraient dès la rentrée en notant toutes leurs copies 20/20, comme l'a rapporté La Voix du Nord.


Matthieu JUBLIN

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