Pourquoi l'attribution de la Légion d'honneur au patron du fonds de pension BlackRock France crée la polémique

Publié le 1 janvier 2020 à 19h02, mis à jour le 2 janvier 2020 à 11h23
Jean-François Cirelli en 2014
Jean-François Cirelli en 2014 - Source : FRANCOIS GUILLOT / AFP

CONFLIT D’INTÉRÊTS ? - Jean-François Cirelli, président de la branche française de BlackRock, plus important gestionnaire d'actifs du monde, a été nommé officier de la Légion d'honneur ce 1er janvier. Ce qui suscite la polémique, car son groupe est soupçonné de lobbying en faveur de la réforme du système de retraites.

Au milieu des 487 personnalités figurant dans la promotion du Nouvel an de l'Ordre national de la Légion d'honneur - parmi lesquels Jeanne Balibar, Marina Hands et Gilbert Montagné - le nom de Jean-François Cirelli aurait pu passer inaperçu. Mais cet ancien dirigeant de GDF-Suez puis d'Engie, déjà chevalier depuis 2006 mais nommé officier sur le contingent du Premier ministre ce 1er janvier, pose question et créé la polémique. Car il est actuellement président de BlackRock France, branche française du plus important gestionnaire d'actifs du monde, soupçonné d’avoir voulu peser sur la réforme des retraites pour imposer la création d'un système par capitalisation dont il tirerait bénéfice.

Implanté dans une centaine de pays, BlackRock est le plus important gestionnaire d'actifs au monde (près de 7 000 milliards de dollars). Créée en 2006, la filiale française gère 27,4 milliards d'euros de fonds confiés par des clients français. Son but est d'attirer encore plus d'argent vers lui, et la mise en place d'un système de retraite par capitalisation l'y aiderait. C'est pour cela qu'il plaide régulièrement en sa faveur auprès du gouvernement.

Quand BlackRock murmure à l'oreille du gouvernement

Dans une note à destination du gouvernement français publiée en juin 2019, et citée par Mediapart, BlackRock regrette que les Français se tournent peu vers l'épargne-retraite. "Fin 2017, seuls 130 milliards d’euros avaient été collectés dans ces produits", constatait le groupe. Un niveau "décevant par rapport à l’épargne déposée en liquidités (1 500 milliards d'euros), les produits d'assurance-vie en euros (1 600 milliards d'euros) ou les investissements directs/indirects en actifs non financiers (plus de 7 600 milliards d'euros)".

Toujours dans cette même note, BlackRock vante les mérites de la loi Pacte, qui simplifie et renforce les systèmes de retraite par capitalisation. Elle propose également ses propres recommandations au gouvernement pour les promouvoir, comme "mettre en place des incitations comportementales pour accroître le niveau des contributions volontaires", ou encore "imposer à terme la mise en place de dispositifs d'épargne retraite à adhésion automatique".

Le 15 décembre dernier, le député LR Olivier Marleix a saisi la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour faire la lumière sur la nature des liens entre le fonds de pension américain et la réforme des retraites. Il expliquait au Figaro souhaiter que BlackRock déclare ce qu'il qualifie "d'activités de lobbying". "La HATVP doit vérifier les actions d’influence qui ont été exercées dans la préparation de la loi Pacte. Il est surprenant que BlackRock, dont les contacts avec M. Macron sont connus, et qui publie sur son site des recommandations au gouvernement, ne déclare aucune action d’entrée en communication avec les pouvoirs publics sur ces sujets." 

"Tout un symbole" pour la CGT

Ce mercredi 1er janvier, la nouvelle a fait réagir sur Twitter, surtout les opposants à la réforme. La CGT y voit "tout un symbole".

La Légion d'honneur attribuée à Jean-François Cirelli a fait réagir de nombreuses personnalités politiques à gauche, dont le patron du PS Olivier Faure, l'adjoint parisien PCF Ian Brossat et la conseillère de Paris LFI Danielle Simonnet. 

Selon ces responsables politiques, cette nomination serait un pied de nez au modèle français de retraite par répartition. "En aucune manière, nous n'avons cherché à exercer une influence sur la réforme du système de retraite par répartition en cours auprès des pouvoirs publics ou de tout autre acteur du secteur", a assuré récemment dans un communiqué la filiale française de BlackRock.


La rédaction de TF1info

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