"Suicidez-vous" : "C’était un concentré de haine", témoigne un policier présent place de la République

Alexandra Guillet
Publié le 23 avril 2019 à 11h35

Source : Sujet TF1 Info

TEMOIGNAGE LCI - Quentin est policier depuis 17 ans à Paris. Chaque week-end ou presque, depuis 5 mois, il est mobilisé sur les manifestations de Gilets Jaunes. Samedi dernier, il était dans une BRAV, brigade de répression des actions violentes, place de la République, quand les slogans "policiers suicidez-vous" ont été scandés.

Ce samedi 20 avril, Quentin comptait une nouvelle fois parmi les membres des forces de l’ordre mobilisées pour encadrer les manifestations de gilets jaunes dans la capitale. Au sein d'une BRAV (Brigade de répression des actions violentes), sa mission, sur la place de la République, était de faire cesser tout trouble et de procéder aux interpellations.  Ce samedi-là, ce délégué syndical Alliance Police nationale décrit une ambiance globale "un peu différente des autres samedis". "Quand on a vu arriver la manifestation à République, on a vu que le côté revendicatif était moins présent que lors d’autres samedis, on a eu l’impression d’être plus sur un concentré de personnes venues pour en découdre avec les forces de l’ordre". "On s’attendait aussi à avoir beaucoup plus de black-blocs, poursuit-il, mais là, c’était plutôt des sympathisants BB, il y avait pas mal d’anarchistes aussi". 

Quentin revient sur ce moment où un groupe de plusieurs dizaines d’individus c’est mis à entonner " Policiers, suicidez-vous" puis "Un policier suicidé est un policier à moitié pardonné".  "Il ne se passait plus grand-chose à ce moment-là, il n’y avait plus de casse de boutiques ou de mobilier urbain dégradé. Avec mes collègues de la BRAV, on était en train de traverser la place pour se rendre derrière un cordon de CRS quand un groupe, qui mêlait GJ et gens à tendance un peu anarchiste, s’est mis à chanter. Nous, on ne s’est pas rendu compte tout de suite de ce qu’ils disaient. On était dans notre bulle, on faisait attention aux projectiles, on faisait du repérage des casseurs…. C’est seulement une fois passé le cordon de CRS qu’on a vraiment compris… "

"Des chants complètement gerbants"

C’est alors un sentiment  mêlé de "stupéfaction" et "d’écoeurement" qui envahit Quentin et ses collègues.  "Les insultes on a l’habitude, on est blindé. Des insultes j’en ai entendu des vertes et des pas mûres. Mais c’est la 1ere fois en 17 ans que j’ai entendu ce que j’ai entendu samedi. Et là, ça rentrait dans un contexte particulier.  La veille on avait tous pris un moment pour se recueillir en mémoire de nos collègues qui se sont suicidés. Ils commencent à être beaucoup cette année, presque 30 déjà. On a pris la mesure de toute cette violence verbale qui est parfois pire que la violence physique". 

Quentin va plus loin, s’interroge. "Je me demande s’ils ne l’ont pas fait exprès pour nous faire sortir de nos gonds parce que jusqu’à ce moment-là on avait travaillé très proprement sur la place. Les interpellations étaient carrées, claires et nettes.(…) Je pense qu’ils étaient prêts à filmer le moindre réflexe d’un policier face à ces chants qui étaient complètement gerbants". 

Pas d’amalgame

Sur le coup, Quentin ne s’en cache pas, la première réflexion est de se dire : "Est-ce que c’est vraiment la population qui pense ça ?". Mais la réponse arrive presque aussi vite. "On a compris que non. Ces gens venus ce samedi-là voulaient s’en prendre aux forces de l’ordre, aux symboles de la République. C’était un concentré de haine. On ne dit pas ça quand on a un peu d’estime pour l’être humain en général. On ne sort pas des saloperies comme ça." 

Rapidement, une vague d’indignation a déferlé sur les réseaux sociaux, sur les écrans de télévision. Des messages de soutiens venant d’inconnus, de gilets jaunes, des autorités, de la classe politique… "C’est rassurant", confie Quentin, pour qui c’est aussi important qu’une enquête ait été ouverte. "C’est très important symboliquement de savoir que l’administration va chercher à savoir qui sont ces gens ( qui ont scandé les insultes contre les policiers). Je crois savoir que les des syndicats vont se porter parties civiles, ça nous conforte aussi". A-t-il déjà songé à renoncer à son métier face à tant de violences physique ou verbale ? La réponse est nette : "Jeter l’éponge ? Pas du tout !" Samedi prochain, comme presque tous les samedis, Quentin sera à nouveau mobilisé sur les mouvements des gilets jaunes. 


Alexandra Guillet

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