"Vrai débat" des Gilets jaunes contre Grand débat national : on a comparé les deux plateformes

Publié le 31 janvier 2019 à 20h09, mis à jour le 1 février 2019 à 10h56

Source : La matinale

ON A TESTÉ - Très critiques vis-à-vis du Grand débat national voulu par le gouvernement, les Gilets jaunes ont lancé leur propre plateforme ce mercredi. Quelles sont les différences entre les deux sites, pourtant hébergés par la même start-up ? Nous avons fait l'expérience.

Le 26 janvier le secrétaire d’État au Numérique était face à Maxime Nicolle sur le plateau de C l’Hebdo. Mounir Mahjoubi réagissait à l’annonce du lancement du "Vrai débat" des Gilets jaunes en ces termes : " Ça m’emmerde, mais si vous faites ça c’est déjà un énorme pas." Une initiative désormais en marche.  Depuis ce mercredi 30 janvier, les  Gilets jaunes revendiquent leur propre site pour participer au débat national.

Le" Vrai débat" a été créé en réponse au Grand débat national voulu par Emmanuel Macron, tout en s’inspirant des suggestions de la Commission nationale du débat public (CNDP). Sur le site, les organisateurs écrivent : "Nous avons décidé de nous rapprocher au maximum des conseils fournis dans le rapport de la CNDP pour la mise en place de cette VRAIE consultation."  Ironie du sort, la plateforme sur laquelle est hébergée la discussion est la même que celle du gouvernement. Alors, quelles sont les différences entre les deux consultations ? 

Réponse épistolaire

Dès la page d’accueil, l’idée de riposte à Emmanuel Macron est présente. Quand sur granddebat.fr la "lettre du Président de la République aux Français" s’affiche, sur la page d’accueil de le-vrai-debat.fr c’est une "lettre ouverte" qui lui est directement adressée. "Monsieur le Président, vous avez appelé à ‘transformer les colères en solutions’, voilà la manière dont nous pensons que nous pouvons y parvenir."

Comme tout bon site, un onglet "à propos" est visible. Alors que le Grand débat national propose ses "modalités" et sa "Charte",  le portail des Gilets jaunes se présente avec un "késako ?". On y découvre que le "site participatif " a été inspiré par des "expériences mises en place de manière plus localisées", notamment sur l’île de la Réunion, puis en région PACA, dans les Midi-Pyrénées et en Bretagne. C’est justement des Gilets jaunes du Vaucluse qui ont décidé de généraliser le projet au niveau national. Tout ça avec l’aide de la start-up Cap Collectif, qui a "gracieusement"  mis à disposition ses services, une formation et une assistance technique.  Cyril Lage, créateur de la start-up, justifie ainsi son choix : "Ce sont juste les principes et les valeurs que j’applique depuis la création de l’entreprise. On est agnostique. On est là pour accompagner tout le monde, les décideurs ou les collectifs."

Au plan esthétique, la mise en page du portail et les fenêtres de connexion sont les seules similitudes. Le "Vrai débat" étant évidemment aux couleurs du vêtement fluo, symbole de la crise qui traverse la France depuis douze semaines. Autre point qu’on relève : le logo. Si on s’attendait à un gilet c’est en fait une bulle de discussion. Du côté du Grand débat national, les graphistes ont bien entendu préféré un drapeau français. 

Capture d'écran de la page d’accueil du Vrai débat
Capture d'écran de la page d’accueil du Vrai débat - Capture d'écran / Vrai débat

Sept thématiques contre quatre

Sur la page d’accueil, on est vite interpellé par l’onglet "PARTICIPER !". Un choix de vocabulaire très différent du "Contribution" de la page du gouvernement. Car il est bien ici question de participation. Chaque personne inscrite peut écrire une proposition, mais aussi voter "pour", "contre" ou "mitigé", et débattre d’une idée déjà existante. On peut également tout simplement consulter les opinions qui récoltent le plus d’avis favorables avec des graphiques montrant les résultats des votes sur chaque revendication.

 Une réelle volonté d’interaction, et de transparence sur les scrutins, complètement absente du Grand débat national et pourtant préconisé par la CNDP. Quand sur la thématique de la transition écologique les Gilets jaunes demandent un titre, une proposition détaillée et les bénéfices possibles, la plateforme du gouvernement pose des questions fermées dont certaines à choix unique. 

Les questions de transition écologique du Grand débat national
Les questions de transition écologique du Grand débat national - Capture d'écran / Grand débat national
Les questions de transition écologique du Vrai débat
Les questions de transition écologique du Vrai débat - Capture d'écran / le vrai débat

On discute démocratie sur le "Vrai" débat, fiscalité sur le "Grand débat"

Indéniablement, le "Vrai débat" propose un lieu de discussion inédit. Quand l’État propose quatre thématiques, les Gilets jaunes en ont sept. Parmi celles-ci, l’économie et la démocratie sont celles qui mobilisent le plus de Gilets jaunes tandis que du côté du Grand débat la "fiscalité et les dépenses publiques" comptabilisent le plus de participants. 

S’ajoute aux thématiques proposées une "expression libre", dans laquelle chacun peut rédiger ses propres suggestions, sans tabou. "Si vous ne savez pas dans quelle catégorie poster votre revendication, vous pouvez la déposer dans cet onglet", expliquent les organisateurs. Une occasion dont 1.800 personnes s’étaient emparées jeudi après-midi. Parmi les propositions, certaines sont totalement farfelues comme celle de "changer la musique d’attente de la boite vocale de la CAF". D’autres, plus inquiétantes, sont basées sur des fausses informations ou des théories conspirationnistes, une personne demandant de "dissoudre la franc maçonnerie". Quoi qu’il en soit, ces suggestions libres restent particulièrement surprenantes. Parmi celles qui récoltent le plus de vote positifs on trouve ainsi le "droit à la propriété de son corps et aux choix de sa mort" ou la "légalisation du cannabis". Deux idées qui n’auraient pas pu voir le jour sur la plateforme du Grand débat national.

Les 8 thématiques du Vrai débat
Les 8 thématiques du Vrai débat - Capture d'écran / le vrai débat

Les citoyens qui veulent répondre à l’appel des Gilets jaunes ont jusqu’au 1er mars pour le faire. Un calendrier assez proche de celui du gouvernement qui arrêtera les consultations le 15 mars. Le collectif promet ensuite de porter les revendications issues d’une synthèse dès le 25 mars. Si personne ne peut connaître l’impact qu’elles auront, Mounir Mahjoubi a, lui, déjà publiquement pris l’engagement "de tout lire".


Felicia SIDERIS

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